Paris (AFP) – « Il faut qu’on monte le son » pour alerter le public sur l’érosion de la biodiversité et la « perte de chance » que cela représente pour l’humanité, estime le nouveau président du Muséum national d’histoire naturelle, Gilles Bloch, fraîchement nommé à la tête de la célèbre institution.
Ce polytechnicien, médecin et chercheur venu de l’Inserm a pris les rênes d’une institution vieille de presque quatre siècles, aujourd’hui « plébiscitée par le public », dit-il à l’AFP dans le bureau qu’il occupe depuis un mois dans le Jardin des Plantes à Paris, coeur historique du Muséum.
En 2022, les 12 sites du MNHN en France, dont la Grande galerie de l’évolution, le Musée de l’Homme, le parc zoologique de Paris et l’arboretum de Versailles-Chèvreloup, ont drainé 3,5 millions de visiteurs payants. « Un sommet historique », après deux années plombées par la pandémie de Covid-19, se félicite Gilles Bloch, qui a présenté mercredi la saison 2023/2024.
« On produit chaque année deux à trois fois plus d’évènements qu’il y a dix ans », remarque le nouveau PDG. Un succès porté entre autres par les expositions sur les félins, l’art à la préhistoire et les illuminations du Jardin des Plantes.
La prestigieuse institution était « un peu assoupie » avant l’arrivée en 2015 de son prédécesseur Bruno David. Sous la houlette de ce naturaliste, « la belle endormie s’est réveillée », gagnant en visibilité tant pour l’activité de ses musées que celle de ses 600 chercheurs.
« Il va falloir maintenir l’effort », explique Gilles Bloch, qui a présidé l’Agence nationale pour la recherche (ANR), l’Université Paris-Saclay et l’Inserm.
A 62 ans, il a postulé au Muséum pour « changer de point de vue ». « L’Inserm est un institut de recherche sur la santé humaine, très +anthropocentré+ comme on dit ici », sourit ce spécialiste de l’imagerie.
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Durant ses quatre années de mandat, il entend porter certains thèmes « qui parlent au médecin et chercheur que je suis, tels que l’alimentation et les zoonoses », maladies infectieuses transmises des animaux vertébrés à l’homme comme le Covid-19.
« Le grand enjeu c’est de comprendre les dynamiques de circulation des pathogènes depuis les réservoirs animaux vers les populations humaines. Et d’expliquer au public que si on ne prend pas garde à préserver les habitats naturels de la faune sauvage, ce qu’on a vécu en 2020 va inéluctablement se reproduire », selon le chercheur.
« Une humanité en 2100 où la plupart des animaux vertébrés auront été rayés de la planète commencera à avoir du mal à se nourrir et à résister aux épidémies, parce qu’on aura trop dégradé l’environnement des animaux ».
Mais il y a encore « un travail de communication grand public à faire » pour faire passer le message. « Je pense qu’il faut qu’on monte le son pour montrer tous les services que rend la biodiversité aux sociétés humaines », estime le scientifique.
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Le Muséum doit notamment « être présent dans les grands médias pour parler de cette perte de chances », poursuit-il.
Il ne s’agit pas seulement « d’avoir du chagrin parce qu’on va voir disparaître les derniers rhinocéros », mais de « prendre conscience que l’humanité est en train de scier la branche sur laquelle elle est assise ».
Cette « nature vivante qui souffre », Gilles Bloch l’a ressentie en Guadeloupe où il est né et a beaucoup plongé, voyant la biodiversité marine se dégrader au fil du temps.
L’exposition phare de la nouvelle saison, « Mondes disparus », qui traverse en réalité virtuelle l’évolution de la planète sur des milliards d’années, est « emblématique du message qu’on veut donner sur la fragilité de l’être humain au sein de cette longue histoire de la biodiversité ».
Le Muséum veut l’expliquer « avec de la pédagogie et de l’émerveillement », mais aussi « arriver à faire accepter à nos concitoyens des mesures contraignantes contre l’anthropisation des espaces naturels ».
© AFP
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