Al Haddadiya (Syrie) (AFP) – Dans le nord-est de la Syrie, ancien grenier à blé du pays, l’énergie solaire a constitué une planche de salut pour les agriculteurs, leur permettant d’irriguer leurs récoltes mises à mal par la sécheresse et les pénuries d’électricité.
« L’énergie solaire a sauvé l’agriculture et les agriculteurs de l’extinction », assure Abdallah al-Mohammed en ajustant un large panneau solaire dans son champ de coton en fleurs, dans la province de Hassaké.
Il y a trois ans, à la suite d’un épisode de sécheresse qui menaçait les champs de coton, de blé et d’orge, cet homme de 38 ans a installé des dizaines de panneaux solaires, tout comme les autres agriculteurs de son village d’Al Haddadiya.
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L’énergie solaire lui a permis d’irriguer ses récoltes « car il n’y avait pas d’électricité » pour faire fonctionner les pompes, « ni de fioul » pour les générateurs, explique ce père de trois enfants. « Nous essayons de redonner vie à notre terre ».
La région contrôlée par l’administration autonome kurde était autrefois le grenier à blé du pays, avant que le pouvoir ne réprime en 2011 un soulèvement populaire, déclenchant un conflit qui a fait plus de 500.000 morts et déplacé des millions de personnes.
L’Etat fournit désormais à peine quatre heures de courant par jour, le conflit ayant ravagé les infrastructures du pays, alors qu’une hausse des coûts du carburant a impacté les agriculteurs.
La hausse des températures et la baisse des précipitations se sont ajoutées aux malheurs des agriculteurs.
Auparavant, « on trouvait de l’eau à 30 mètres », mais il faut aujourd’hui creuser à 60 mètres pour en trouver, rendant l’irrigation plus difficile, explique Abdallah al-Mohammed.
Le nord-est de la Syrie pourrait connaître des périodes de sécheresse tous les trois ans et les précipitations devraient diminuer de 11% au cours des trois prochaines décennies, selon un rapport de l’ONG iMMAP publié en 2022.
Entre 2011 et 2021, la production d’électricité de l’Etat syrien « a chuté de manière significative, à près de 57% », selon un rapport des Nations Unies de 2022, poussant les Syriens à rechercher des alternatives.
La région agricole de Hassaké est désormais parsemée de milliers de panneaux solaires, dominant terrains, habitations et commerces.
A dix kilomètres d’Al Haddadiya, Hamid al-Awda, a installé 272 panneaux solaires sur ses vastes terres agricoles.
« Les agriculteurs qui n’ont pas les moyens d’utiliser l’énergie solaire et les générateurs ont vu leurs récoltes dépérir », déclare à l’AFP cet homme de 60 ans en irriguant ses champs.
Pour lui comme pour les autres agriculteurs syriens, le recours à l’énergie renouvelable est une question de survie et non une préoccupation environnementale.
Il utilise l’énergie solaire pour pomper l’eau des nappes phréatiques, qui diminue, explique-t-il.
Grâce au solaire, il a planté quatre hectares de coton et espère pouvoir produire une récolte suffisante de blé et d’orge pendant l’hiver.
Le contraste entre son champ verdoyant et les herbes asséchées faute d’irrigation quelques mètres plus loin est saisissant.
Plus au nord, dans les environs de la ville kurde de Qamichli, Mohammed Ali al-Hussein raconte que, lorsqu’il devait attendre plusieurs jours avant d’obtenir du carburant, la terre s’asséchait.
« Aujourd’hui, nous arrosons la terre du matin jusqu’au soir, grâce aux panneaux solaires », ajoute ce jeune homme de 22 ans qui tente de préserver les terres héritées de son père. « De plus, ce système est silencieux, ne tombe pas en panne et n’a pas besoin de carburant ».
Cependant, l’iMMAP a mis en garde contre le coût environnemental du recours au photovoltaïque en Syrie.
Selon le rapport, « les pompes à eau fonctionnant à l’énergie solaire (…) sont responsables d’une augmentation de l’extraction qui entraîne une baisse de la nappe phréatique ».
Un constat partagé par Didar Hasan, de la société d’énergie solaire Wanlan, selon lequel « les gens continueront à dépendre largement de l’énergie solaire » dans les années à venir, « non pas parce qu’elle est renouvelable (…) mais parce qu’ils ont besoin d’électricité ».
La plupart des équipements disponibles sont soit des « panneaux usagés et usés, importés d’Europe », soit de mauvaise qualité, estime-t-il.
De tels équipements ont une durée de vie de quelques années, explique-t-il. « Après cela, nous nous retrouverons avec des dizaines de milliers de panneaux solaires inutilisables, essentiellement des déchets », dans une région dépourvue d’installations adéquates pour les traiter.
© AFP
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