Sacapulas (Guatemala) (AFP) – « J’envie les gens qui ont de l’eau », souffle Maria Baten, une habitante d’un village du nord du Guatemala où la sécheresse pourrait provoquer « une crise alimentaire sans précédent ». Mais dans le sud, « quand il pleut on a peur », se plaint Ilsia Lopez, traumatisée par des tempêtes à répétition.
Dans le département de Quiché, niché dans les montagnes, où vit dans le dénuement une population indigène maya qui se doit désormais d’affronter les effets du changement climatique, Gladys Azañon se lamente: « il y avait de l’eau en abondance partout, mais plus maintenant ».
La saison des pluies s’étendait autrefois de mai à novembre, mais aujourd’hui les précipitations se raréfient en raison de la combinaison du changement climatique et du phénomène El Niño, souligne Save the Children.
L’ONG alerte d’une possible « crise alimentaire sans précédent » menaçant 3,5 millions de guatémaltèques, pour l’essentiel des membres de la communauté indigène qui représente 42% des 18 millions d’habitants.
Environ 60%des Guatémaltèques vivent sous le seuil de pauvreté, mais ce taux atteint 80% dans les zones indigènes, où les précipitations sont essentielles pour les cultures.
Pour tenter d’endiguer la menace, l’ONG apprend aux habitants à creuser des canaux d’irrigation, et à « prendre soin » des cultures en confectionnant des engrais et des insecticides naturels, explique à l’AFP Alejandra Flores, directrice par intérim.
« J’envie les gens qui ont de l’eau, je les envie vraiment », avoue larmoyante Maria Baten, 36 ans, dans le village de San Pablo Las Delicias.
Assis sur un tabouret plastique devant sa modeste maison à Sacapulas, effeuillant des épis de maïs aux grains rabougris, Francisco Carrillo, 87 ans, affirme que « le manque d’eau » a fait que « la récolte n’a pas été bonne ».
Dans le Quiché, l’eau de pluie est stockée dans des puits individuels. Lorsque le niveau est bas, elle est souvent contaminée par les souillures des animaux. « Les enfants tombent malades », explique Tomasa Ixcotoyac, 40 ans, remontant une eau trouble du fond de son puits.
Save the Children dispense notamment des cours afin d’expliquer comment mettre quelques gouttes de chlore dans l’eau avant de la faire bouillir.
Gladys Azañon, elle, souhaiterait qu’on l’aide à forer des puits profonds pour atteindre les nappes phréatiques pour ne plus compter sur les seules rares pluies pour subsister.
Le gouvernement guatémaltèque prévoit des actions prioritaires dans 160 des 340 municipalités du pays, certaines se trouvant dans un « corridor sec », frappé par l’absence de précipitations.
En collaboration avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il a lancé un projet de 63 millions d’euros destiné à améliorer les systèmes de collecte d’eau.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) est aussi à l’oeuvre en encourageant la diversification de cultures.
Si la sécheresse sévit au Quiché, d’autres régions sont elles frappées par de récurrentes tempêtes qui dévastent maisons et récoltes.
« S’il pleut beaucoup, on court des risques ici », affirme Ilsia Lopez, 31 ans, habitante de Sajubal (sud), une région frappée en 2020 par les terribles ouragans Eta et Iota qui ont fait plus de 200 morts et des milliards de dégâts en Amérique centrale.
Bordé de falaises et de pinèdes, ce village en dehors du « corridor sec » reçoit lui trop de pluie en raison des vents atlantiques qui se heurtent à la chaîne de montagnes de Cuchumatanes.
La récolte de haricots a « pourri » en raison d’un excès d’humidité dans le sol, se désole-t-elle, affirmant que « quand il pleut, on a peur ».
Début septembre, le président du Guatemala, Alejandro Giammattei, a dénoncé devant le Conseil de sécurité des Nations unies le fait que son pays est régulièrement classé par les organisations internationales parmi les dix plus vulnérables au changement climatique, alors qu’il est parmi les moins responsables.
« Nous sommes ceux qui subissent le plus de dommages année après année. Est-ce juste? » a-t-il demandé.
© AFP
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