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Gironde: après les incendies monstres, la forêt face aux insectes ravageurs

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Des employés de l'Office National des Forêts (ONF) recherchent des scolytes -insectes destructeurs de bois- à La Teste-de-Buch, le 25 octobre 2023 en Gironde © AFP Philippe LOPEZ

La Teste-de-Buch (France) (AFP) – « Double peine » pour les forêts de Gironde incendiées en 2022: insectes ravageurs du bois, les scolytes ont proliféré cette année dans les pins affaiblis de La Teste-de-Buch, contraignant les forestiers à trancher dans le vif face à cette « bombe à retardement ».

Là où jadis s’élevaient des pins maritimes vieux de 250 ans, les machines vrombissent pour abattre, élaguer, tronçonner, stocker et évacuer les nombreux troncs infestés de parasites.

Le long de la piste 214, qui traverse la forêt de La Teste, des milliers de rondins s’amoncellent, symboles d’une nouvelle urgence environnementale dans un département déjà ébranlé par les incendies monstres de l’été 2022, dans lesquels 30.000 hectares de forêt avaient brûlé.

C’est que le scolyte sténographe, petit insecte volant mesurant un demi-centimètre, s’attaque en priorité aux pins malmenés par un incendie ou une tempête.

À l’accouplement, ce coléoptère marron s’infiltre entre l’écorce et le bois, pondant 30 à 50 larves qui vont creuser des galeries et détruire les canaux de sève, jusqu’à la mort de l’arbre.

« L’année 2023 est aussi cruelle et dramatique que l’incendie », regrette Matthieu Cabaussel, l’un des syndics généraux gérant l’ancestrale forêt usagère (privée) de La Teste-de-Buch. « C’est la double peine. »

 « Gestion calamiteuse »

Face aux scolytes, qui s’attaquent aussi aux épicéas dans l’est de la France et plus largement dans les forêts d’Europe de l’est, un choix s’impose: la coupe.

« Exploiter les bois attaqués, c’est le seul outil de lutte », explique à l’AFP Francis Maugard, responsable risques naturels pour l’Office national des forêts (ONF), en relevant un piège à phéromones utilisé pour mesurer la pullulation du coléoptère.

Tout près de la célèbre dune du Pilat, dans ce secteur littoral très fréquenté l’été, l’ONF a immédiatement lancé une campagne d’abattage dans la forêt domaniale (publique) de La Teste, dont la moitié des 2.030 hectares a brûlé. Quelque 80.000 m3 de bois ont été retirés, l’équivalent de vingt années de récolte.

Mais côté forêt usagère (FU), où la quasi-totalité des 3.800 hectares a été frappée par l’incendie, la réaction a tardé. Ses gestionnaires n’ont pu débuter les coupes qu’en janvier, après quelques tergiversations.

Une « gestion calamiteuse » pour Hervé Jactel, directeur de recherche du laboratoire BioGeCo (Biodiversité Gènes et Communautés) de l’Inrae qui critique aussi le stockage, à même la forêt, de piles de bois infestées.

« Ça a été le milieu de reproduction idéal », pointe-t-il, décrivant l’enchaînement de plusieurs générations de scolytes en 2023 sur fond de chaleur persistante. « Une vraie bombe à retardement: si l’on ne fait rien, le printemps 2024 va être plusieurs milliers de fois plus dangereux. »

« On a eu des difficultés en forêt usagère », admet Matthieu Cabaussel. Pour lui, la malchance s’en est mêlée avec une météo chaude, ainsi qu’un marché « peu porteur » qui « freine la sortie du bois ».

Fin octobre, quelque 270.000 tonnes de bois avaient été évacuées de la FU et au moins le double restait à exploiter.

Cet hiver, « on sera capables de mettre les moyens » pendant la période de dormance du parasite, promet M. Cabaussel, afin de « sauver les forêts adjacentes ».

Le scolyte a déjà fait irruption dans les zones urbanisées de La Teste, contraignant des particuliers à abattre des pins dans leur jardin.

« Il y a un risque d’explosion des populations », confirme François Hervieu, de la Direction régionale de l’alimentation, l’agriculture et la forêt (DRAAF), tout en nuançant la menace: « On n’est pas en situation épidémique: on est dans une situation qui nécessite la plus grande vigilance pour évacuer les arbres en temps voulu. »

Dans ce contexte, l’Association des usagers de la forêt usagère (Addufu) réclame la mise en place d’aires d’évacuation et de stockage du bois, comme après la violente tempête Klaus en 2009 – ce qui ne ferait que « déplacer le problème », selon la DRAAF.

« Il y a encore énormément de bois à sortir et on a peur, on se dit que ça va recommencer en 2024 et qu’on va polluer les massifs autour », redoute Philippe Fur, vice-président de l’Addufu.

La nature, elle, reprend déjà ses droits: dans les sous-bois décimés, de jeunes pins en repousse pointent leurs épines parmi les souches calcinées et les fougères.

« Le cataclysme qu’on a subi est dur parce qu’à l’échelle de notre vie, on ne reverra pas une vieille forêt. Mais les écosystèmes forestiers vont très bien s’en remettre », veut croire Matthieu Cabaussel.

© AFP

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