Santa Cruz (Etats-Unis) (AFP) – Armés de torches rouges, des dizaines de volontaires embrasent des fougères, branches mortes et feuilles desséchées dans une forêt californienne. Pas de panique: il s’agit simplement d’un « feu contrôlé », chargé de purifier l’écosystème pour le rendre plus résistant aux flammes.
Comme dans ce parc naturel en lisière de la ville de Santa Cruz, près de San Francisco, la Californie organise de plus en plus d’opérations de ce genre.
L’objectif est de faire de la prévention pour limiter l’intensité des feux de forêts, qui ont tué plus de 200 personnes depuis dix ans et s’aggravent avec le changement climatique.
« Le meilleur moyen de lutter contre les incendies, c’est le feu », rappelle à l’AFP Portia Halbert, la scientifique des parcs de l’Etat de Californie chargée d’encadrer la manœuvre. La végétation « va finir par brûler de toute façon. Donc nous voulons la brûler (…) d’une manière pas trop extrême, pour éviter que le feu ne s’attaque aux habitations et cause des pertes humaines. »
Avant d’enflammer le sous-bois, tout est soigneusement préparé. La terre est retournée à la bêche pour créer une ligne capable de contenir les flammes, les branchages et tronçons de bois trop proches des arbres sont déplacés et des tuyaux sont déployés pour les arroser au besoin.
Le feu consume ainsi le sol de la forêt, sans se propager aux chênes, séquoias et autres arbousiers d’Amérique qui la peuplent. En cas de futur incendie, les flammes auront beaucoup moins de combustible pour se propager jusqu’à la cime des arbres et prendre une ampleur catastrophique.
Pratique amérindienne
Frappée par la sécheresse, la Californie a vu les mégafeux d’une ampleur record se multiplier au cours de la dernière décennie. Ces incendies massifs ont provoqué une « prise de conscience », résume Mme Halbert.
Cet Etat a réalisé que sa politique de gestion des forêts, conçue pour empêcher le feu à tout prix, s’avérait contre-productive. Trop préservés, les sous-bois s’assèchent plus vite à cause du réchauffement climatique et transforment les forêts en poudrières capables de nourrir des incendies incontrôlables.
Pour réduire le danger, la Californie a redécouvert la pratique amérindienne des feux contrôlés, qu’il avait bannie en 1850.
D’ici à 2025, l’Etat souhaite brûler environ 160.000 hectares par an de cette manière, l’équivalent de 220.000 terrains de football.
La Californie a ainsi vu fleurir une vingtaine d’associations dédiées aux feux contrôlés depuis quelques années. Au-delà des actions des pompiers et des services forestiers, elles apprennent aux particuliers à mener de telles opérations.
Mais malgré ces efforts, l’Etat reste encore très loin de ses objectifs.
« Nous devons changer d’échelle », estime Jared Childress, de la Central Coast Prescribed Burn Association, impliquée dans le feu contrôlé de Santa Cruz. « Nous devons organiser des feux exactement comme celui-ci dans toute la Californie, au cours de l’automne, de l’hiver, du printemps et même pendant l’été ».
Manque de main d’œuvre
A l’heure actuelle, les fenêtres accordées par les autorités pour ces opérations restent très étroites.
Car si l’immense majorité d’entre elles se déroulent sans accroc, la pratique reste délicate: à l’automne 2022, un feu contrôlé a dégénéré dans l’Etat du Nouveau-Mexique et s’est transformé en incendie historique, détruisant des centaines d’habitations.
Les besoins sont pourtant énormes, selon Lenya Quinn-Davidson, spécialiste du sujet à l’université de Californie.
« Nos paysages sont cruellement en manque de feu », insiste-t-elle, en rappelant qu’avant l’arrivée des colons, les tribus amérindiennes avaient l’habitude de brûler entre 1,6 et 4,5 millions d’hectares par an dans la région.
Pour inciter les citoyens à agir, la Californie -dont presque la moitié des terres appartient à des particuliers et reste hors de portée des services publics- vient de créer un fonds dédié à assurer les feux contrôlés.
Mais le plus gros frein reste le manque de main d’œuvre, selon Mme Quinn-Davidson. Entre les connaissances pointues nécessaires à la sécurité des feux contrôlés et le bagage administratif requis pour les organiser, « des milliers de personnes ont besoin de plus de formation », estime-t-elle.
Parmi les volontaires dans la forêt de Santa Cruz, Ian Cook apprend ainsi à transmettre un bulletin météo à ses coéquipiers. Grâce à plusieurs événements associatifs, cet étudiant en écologie a acquis des compétences équivalentes à celle d’un pompier.
« Le feu se fiche de l’organisation à laquelle vous appartenez », observe-t-il. « Nous devons travailler ensemble, parce que c’est un problème qui nous affecte tous. »
© AFP
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