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Les 15 enjeux majeurs de la préservation du vivant à suivre en 2024

tourbieres congo

Zone humide au Congo © Yann Arthus-Bertrand

Depuis 15 ans, les chercheurs de la Cambridge Conservation Initiative publient un rapport annuel qui dresse un état des lieux des menaces et des opportunités de préservation du vivant. Leurs travaux viennent d’être publiés dans la revue Trends in Evolution & Ecology. Ils identifient 15 nouveaux enjeux majeurs pour la préservation de la biodiversité à surveiller en 2024. Ces enjeux découlent notamment de l’essor et de l’utilisation des nouvelles technologies, ainsi que de projets transformant les milieux.

Les chercheurs passent au crible des enjeux sociétaux, technologiques et environnementaux dont ils évaluent ensuite la nouveauté et l’impact potentiel. « Les sujets identifiés par ce scan reflètent la juxtaposition entre les impacts des activités humaines sur la biodiversité et l’accroissement des capacités technologiques pour atténuer ces impacts », déclare William Sutherland, professeur à l’université de Cambridge, spécialiste de la conservation et co-auteur de l’étude, cité par le site ScienceDaily. Il ajoute : « dans certains cas, parmi les nouveaux sujets de préoccupations, certains émergent directement en raison d’efforts entrepris pour atténuer d’autres risques ».

15 nouveaux enjeux environnementaux pour 2024

Durant l’année 2023, les scientifiques de Cambridge ont discuté plusieurs dizaines de nouveaux sujets possibles relatifs à la conservation. Leur objectif est « d’en identifier les sujets de préoccupations avant que leurs impacts substantiels ne soient largement mesurés et identifiés ».

Selon eux, sur les 15 thématiques retenues, 4 constituent des préoccupations pour la protection de la biodiversité puisqu’il s’agit d’impacts négatifs de l’activité humaine sur le vivant (la disparition des vers de terre, celle des oursins de mer, l’augmentation de la température dans la zone mésopélagique et les conséquences de la fonte des glaciers de l’Antarctique sur les courants océaniques). 4 ont des impacts potentiellement positifs dans le maintien de la vie sur Terre (la production alimentaire à partir de bactéries, la photosynthèse sans lumière, l’utilisation de l’éco-acoustique pour mieux connaître les sols et les avancées dans la catégorisation des molécules chimiques toxiques). Enfin, 7 de ces perspectives ont un impact nuancé puisqu’en dépit d’une dimension positive pour le climat ou la biodiversité, cette dernière affecte négativement d’autres pans de l’environnement (les nouvelles sources d’hydrogène, la décarbonation de la production d’ammoniac, les imprimantes à ADN, l’impact des feux de forêt sur le climat, la minéralisation du carbone, le projet de ville futuriste Neom en Arabie Saoudite et le retrait du CO2 des océans).  

Ainsi pour 2024, les scientifiques alertent notamment sur les répercussions du développement de l’hydrogène, l’agriculture urbaine hors-sol, les imprimantes à ADN ou encore la disparition des vers de terre dans les sols… Voici un récapitulatif de ces 15 nouveaux enjeux et risques :

L’essor de l’hydrogène comme source d’énergie

Les scientifiques s’inquiètent des conséquences possibles du développement de l’hydrogène comme source d’énergie, surtout si celui-ci est produit en grande quantité à partir d’électrolyse. Ce procédé risque en effet d’affecter le cycle de l’eau en augmentant la pression sur la ressource en eau douce ou bien, dans l’hypothèse d’un recours à l’eau de mer, de générer des rejets dans le milieu marin de saumures hypersalines ou d’oxygène, ce qui perturberait les écosystèmes marins.

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La décarbonation de la production d’engrais à base d’ammoniac

Cette étude met également en lumière les effets de la décarbonation de la production d’engrais à base d’ammoniac (NH3) qui, même si elle est une bonne chose au premier abord, pourrait perturber encore plus fortement le cycle de l’azote.

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Les protéines produites à partir de bactéries

Les scientifiques abordent aussi le développement des technologies pour produire de la nourriture destinée aux animaux d’élevage. Ces nouvelles techniques cherchent à réduire l’impact écologique de l’élevage en produisant sa nourriture à base de bactéries. « Si l’industrie peut développer rapidement une méthode de production de nourriture qui ne dépend plus des énergies fossiles, alors la demande croissante en protéines pour nourrir les animaux et les humains pourrait être décentralisée et découplée des importantes conséquences que cette production fait peser sur l’environnement », écrivent les chercheurs de Cambridge.

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La photosynthèse sans lumière : un moyen de réduire l’impact spatial de l’agriculture

Le fait de parvenir à cultiver sans lumière naturelle des cultures serait une réponse à l’expansion des terres agricoles. Ce phénomène est une des causes majeures de la disparition des milieux naturels et de l’érosion de la biodiversité. Ainsi, recourir à une photosynthèse artificielle et plus efficace permettrait de gagner des terres tout en produisant plus efficacement la nourriture dans des fermes urbaines, estiment les scientifiques. D’autant plus que la lumière artificielle requise pourrait être produite grâce aux énergies renouvelables. L’espace agricole ainsi économisé pourrait bénéficier à la biodiversité.

La minéralisation du carbone

La minéralisation du carbone consiste à utiliser ce dernier sous forme solide dans l’agriculture pour fertiliser les sols. Cependant, son impact sur l’environnement reste encore mal connu. Les experts estimant que les poussières de carbone peuvent charrier des métaux lourds, contaminer l’air ou l’eau de surface.

L’inquiétante disparition des vers de terre

La disparition des vers de terre, et plus généralement des invertébrés s’avère un sujet de préoccupation majeure. D’autant plus, notent les auteurs qu’« elle est mal documentée » et qu’une étude portant sur le Royaume-Uni montre pourtant une diminution de 33 % à 41 % des vers de terre dans le sol en un quart de siècle. Les chercheurs soulignent que des pays ayant des pratiques agricoles similaires au Royaume-Uni sont confrontés aux mêmes risques. Cette disparition des vers entraîne des répercussions sur le sol, la santé des écosystèmes et l’agriculture. Les lombrics sont en effet des organismes vivants clefs pour la bonne santé et l’aération des sols.

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L’éco-acoustique et les sols

Toujours à propos du sol, les scientifiques évoquent l’essor des techniques d’éco-acoustique pour surveiller et mieux connaître ces derniers et ainsi mieux comprendre comment préserver les écosystèmes et prévenir les risques s’ils se dérèglent

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Les feux de forêt et les oscillations du climat

Le sujet a fait la Une de l’actu de nombreuses fois durant l’année. Les incendies de forêt et leur rôle sur les oscillations du climat attirent également l’attention des universitaires de Cambridge qui les classent comme un sujet à suivre.

Les imprimantes à ADN et le risque de prolifération

Les imprimantes à ADN permettent déjà de produire des gènes. Cependant, d’ici quelques années, elles devraient permettre de produire à la demande le génome de petits virus. Les applications inquiètent les scientifiques qui craignent une prolifération dans la nature, des bouleversements des milieux et un manque de contrôle sur les biotechnologies.

L’extrapolation de l’impact des produits chimiques

L’évaluation de l’impact des produits chimiques permet de montrer que de nombreux progrès ont été effectués dans ce domaine ces dernières années avec une meilleure prise en compte des effets des molécules sur l’environnement de façon générale et leur recensement. Ils appellent à mieux connaître les effets des molécules sur l’environnement en général et pas uniquement sur les ravageurs ciblés dans le cas des pesticides et est donc un sujet majeur à surveiller.

La ville futuriste de Neom en Arabie Saoudite, un , obstacle à la migration des oiseaux

Le projet pharaonique de la ville futuriste de Neom en Arabie Saoudite suscite l’inquiétude des chercheurs. Celle-ci est présentée comme vertueuse sur le plan écologique en favorisant la densité. Pourtant, la hauteur de ces gratte-ciels, 500 mètres de haut, et leur densité sur une ligne de 170 km de long pourrait constituer un obstacle à la migration des oiseaux. Pour aboutir à cette alerte, les chercheurs se fondent sur les chiffres de collision entre les immeubles et les oiseaux en Amérique du Nord. Ces chocs tuent entre 400 millions et un milliard d’oiseaux par an.

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La diminution des populations d’oursins de mer

Bien que peu médiatisée, la disparition des oursins en mer pourrait grandement affecter le fonctionnement des écosystèmes marins, avertissent les scientifiques.

Les projets de retrait du CO2 des océans

Les scientifiques émettent des réserves sur les projets de fertilisation des océans dont l’objectif est de permettre à ces derniers de stocker plus de CO2. Ils estiment que les projets de fertilisation, avec par exemple la culture de microalgues par exemple, ont un impact encore inconnu à long terme. Il s’agit de projets de géo-ingénierie dont la gouvernance reste à inventer, et ce alors que de plus en plus d’investisseurs et d’entreprises poussent au développement et expérimentent ces approches.

[À lire aussi De nouvelles perspectives sur le rôle des cétacés dans le cycle des nutriments de l’écosystème marin]

La hausse des températures entre 200 et 1000 mètres de profondeur

La zone mésopélagique, entre 200 et 1000 mètres de profondeur, concentre une part non-négligeable de la vie des océans. Elle contribue au rôle de pompe à carbone du milieu marin.  Cependant, la hausse des températures à ces profondeurs risque de perturber la séquestration du carbone. « L’efficacité de la pompe à carbone biologique devrait diminuer avec l’augmentation des températures, ce qui conduit à une accélération de la reminéralisation de la matière organique et donc à une réduction de la disponibilité et de la quantité de nourriture pour les espèces des grands fonds marins », résument les scientifiques. La séquestration du carbone serait raccourcie par un océan plus chaud tandis qu’une eau froide préserve l’intégrité de la matière organique, qui coule plus facilement et se trouve donc mieux préservée.

La fonte des glaces de l’Antarctique

La fonte des glaces de l’Antarctique implique l’injection d’un important volume d’eau froide dans les océans. Ce qui bouleverse la circulation des courants marins des abysses. Les scientifiques estiment que les conséquences du phénomène demeurent encore mal connues et comportent un risque majeur.

Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

A horizon scan of global biological conservation issues for 2024 publié dans Trends in Evolution & Ecology

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