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Dans un « village » landais, mieux vivre avec Alzheimer

Alzheimer village landais

Dans une maison de retraite atypique, à Dax (Landes), dédiée aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer, le 30 novembre 2023 © AFP PHILIPPE LOPEZ

Dax (France) (AFP) – « Alzheimer, c’est vraiment un truc moche mais ici, on s’en moque », sourit Patricia, résidente d’un village expérimental dans les Landes, unique en France, qui fait ses preuves pour la prise en charge de cette maladie neurodégénérative incurable.

Les premières tendances d’une étude menée actuellement par l’Inserm, dévoilées lundi, montrent les bienfaits du maintien du lien social et de la liberté décisionnelle pour la santé cognitive des patients de cette structure, ouverte il y a trois ans à Dax.

Sans blouses blanches. Avec sa supérette, sa brasserie et son salon de coiffure sous les arcades de la place centrale, cette maison de retraite aux allures de bastide gasconne offre un semblant de « vie ordinaire » à ses 120 pensionnaires âgés de 44 à 104 ans.

Ils profitent d’une médiathèque et d’un auditorium, ouverts aussi aux habitants de la ville, dans un environnement de cinq hectares discrètement clôturé où un étang, un potager, une mini-ferme et ses deux ânesses invitent à la flânerie. Les équipes sur place et de nombreux bénévoles veillent au grain.

« C’est mieux que d’être perdu chez soi, on est bien entouré », poursuit Patricia qui, après avoir « fait les courses », a le choix entre partie de ping-pong, atelier de chants de Noël et séance de cinéma pour compléter la journée.

« Moi, je suis plutôt reine du dance floor », assure la sexagénaire aux « faux airs d’Anémone », heureuse de pouvoir « faire ce qui lui plaît », à commencer par ce dont elle ne se croyait « plus capable ». Sans oublier « l’amitié » nouée entre résidents.

« On s’adapte »

Ici, contrairement à une maison de retraite classique, la vie se déroule « sans horaire, ni chronomètre ». « On s’adapte à leur mode de vie et non l’inverse », souligne Roselyne Antoine-Castaing, maîtresse de maisonnée chargée, avec une collègue, de sept colocataires qu’elle incite « à participer aux tâches ménagères ».

Se lever, rester au lit, toilette le matin ou l’après-midi, le programme est à la carte, « sans travail à la chaîne » pour les aides-soignants. Aux premiers signes d’anxiété, en particulier à la tombée du jour, la marche tient lieu de tranquillisant chez des patients « éponges à émotions ».

Dans l’armoire à pharmacie, certains traitements ont été « revus à la baisse ». « Le premier médicament, c’est le parc, le relationnel », estime Amandine Frisson, infirmière.

Cette vie « comme à la maison » évite « sur-médicamentation et hospitalisations » en psycho-gériatrie, relève Gaëlle Marie-Bailleuil, médecin-coordinateur du village.

Contrairement à une institution lambda, « nous n’observons pas dans les six, douze mois qui suivent l’entrée, une accélération du déclin cognitif, une dégradation de la qualité de vie », avec parfois des décès quand le contraste avec la vie d’avant est trop fort, abonde Hélène Amieva, psychogérontologue et épidémiologiste au Centre de Recherche Inserm Population Health Research de l’université de Bordeaux.

L’anxiété, la dépression, les troubles du comportement n’augmentent pas après l’admission au village, même si Alzheimer progresse. « Avoir le sentiment de contrôle sur sa vie participe au bien-être de tout individu, alors pourquoi pas aussi lorsque la maladie est là ? », interroge la scientifique qui a dirigé l’étude.

Familles rassurées

Elle fait aussi ressortir les bénéfices de la structure pour les familles d’aidants, chez qui « le sentiment de fardeau et de culpabilité diminue ». « On peut dormir la nuit: notre mère s’est remise à sourire, à rire, à marcher », témoigne Michel Unzel, fils d’une patiente qui vivait précédemment en Ehpad.

Reste la question du coût de la prise en charge. La construction du village (29 M EUR) et son budget de fonctionnement (8 M/an) reviennent bien plus cher qu’une maison de retraite classique. Toutes les places sont ici habilitées à l’aide sociale.

Une alternative reproductible ? Après le village pionnier néerlandais de Hogeweyk, qui a inspiré l’ancien président socialiste du département des Landes, feu Henri Emmanuelli, une dizaine du même type ont essaimé en Italie et Norvège, au Canada et en Australie.

« Les établissements de type Ehpad sont essentiels, nous ne pourrions nous en passer mais nous faisons tous le constat de leurs limites face à une maladie aussi difficile qu’Alzheimer », poursuit Mme Amieva qui ambitionne de créer un « réseau européen » de villages pour « stimuler la recherche » sur les nouveaux modèles d’accompagnement.

En France, trois sont en gestation en Champagne, en Martinique et en Bretagne.

© AFP

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