Cent ans après sa mort, le second souffle de Gustave Eiffel, au nom du climat

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L'ingénieur Valentin Deplanque réalise des test de soufflerie sur une maquette de bâtiment scolaire au Laboratoire d'Aérodynamique Eiffel, le 5 janvier 2024 à Paris © AFP BERTRAND GUAY

Paris (AFP) – Pour tester la force du vent, rien de mieux que la fumée. En injectant un filet de fumée blanche à l’intérieur de la maquette en plexiglas d’un bâtiment d’école, l’ingénieur Valentin Delplanque visualise immédiatement les courants d’air qui circulent autour du bâtiment et à l’intérieur des pièces.

Son travail de test en soufflerie et les données qu’il permet de recueillir sont destinés à aider l’agence d’architecture S&AA à Strasbourg à mettre en œuvre une ventilation naturelle dans un bâtiment scolaire à Mayotte. Son but: essayer de se passer de climatisation sur cette île au climat tropical, grâce notamment à une façade de briques ajourées laissant passer l’air.

Économies d’énergie, adaptation au réchauffement climatique, mais aussi étude de la force du vent à l’échelle d’un quartier par temps froid ou chaud: toutes ces thématiques constituent le nouveau terrain d’expérience de la vénérable soufflerie Eiffel à Paris, où sont pratiqués ces tests sur des bâtiments à échelle réduite.

Dans une rue calme de l’ouest parisien, le « laboratoire aérodynamique Eiffel », classé monument historique en 1996, est encore en activité cent ans après la mort de son fondateur, le constructeur de la tour du même nom, Gustave Eiffel.

Elle-même très peu chauffée car sans isolation thermique, la soufflerie est restée dans son jus. Le moteur a été changé, mais une grande partie des instruments d’époque comme les sondes atmosphériques sont là. L’ouvrage de 1907 sur les « recherches expérimentales sur la résistance de l’air exécutées à la tour Eiffel » par Gustave Eiffel est exposé en vitrine.

Aujourd’hui l’ensemble retrouve une seconde jeunesse avec des contrats d’études liés à l’impact du réchauffement climatique, auprès de professionnels du bâtiment.

Car après avoir testé des avions mono ou biplans jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, puis des voitures, la soufflerie s’oriente vers l’étude de la conception bioclimatique des bâtiments et la lutte contre les îlots de chaleur urbains, explique Jean-Marie Franco, directeur opérationnel de la soufflerie, qui appartient au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) depuis 2005.

Gustave Eiffel lui-même « a eu deux carrières ». Celle que tout le monde connaît de constructeur d’ouvrages métalliques. La tour Eiffel a marqué son apogée d’industriel. Après, « il a consacré sa vie à l’étude aérodynamique » et à la science en construisant à l’âge de 80 ans cet atelier de mesure et d’étude du vent, essentiellement pour l’aéronautique dans un premier temps.

« Le vent a toujours été une préoccupation pour lui, il disait que c’était son ennemi », relève M. Franco qui coordonne la petite équipe chargée des essais (deux ingénieurs et un technicien).

 Open source

La soufflerie est constituée comme un aspirateur géant. Un collecteur d’air ou de vent, sorte de grand entonnoir de 4 mètres est relié à une chambre d’essai où sont posées les maquettes des bâtiments à étudier, traversées par des flux d’air de différentes vitesses.

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« On peut aller jusqu’à 100 km/heure et on mesure deux choses, les débits entrant et sortant, mais aussi le confort thermique dans chaque pièce, grâce à la mesure de l’évapotranspiration », explique l’ingénieur Valentin Delplanque.

La soufflerie travaille surtout pour l’outremer, en particulier Mayotte et la Réunion.

Le prochain projet à étudier est le Kartié Mascareignes dans la ville du Port à La Réunion, avec les écoulements d’air, les champs de pression en façade des bâtiments. Le but est d’éviter les îlots de chaleur, parfois générés par l’utilisation massive de… climatiseurs, qui rejettent de l’air chaud à l’extérieur.

« On commence à taper à la porte chez nous pour nous confier des études de cas d’écoles du sud de la France », dit M. Delplanque.

La SARL qui gère la soufflerie réalise un chiffre d’affaires modeste, de quelque 300.000 euros par an. « Il y a eu des hauts et des bas, mais ça a toujours fonctionné, et encore aujourd’hui, ce n’est pas un musée, on travaille ici », relève M. Franco.

Même si la plupart des tests de ce type sont réalisés en numérique actuellement, il estime que la soufflerie Eiffel a un rôle unique: « nous fournissons des relevés pour les données numériques ».

Eiffel lui même était très attaché à ce que l’on nommerait aujourd’hui l’open source: selon M. Franco, « lors des tests réalisés en soufflerie pour le compte d’industriels, il accordait la gratuité s’il pouvait publier les résultats dans le public ».

© AFP

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