Bakou (AFP) – Une grand-messe du climat au milieu des champs de pétrole. Le choix de l’Azerbaïdjan pour accueillir la COP29 a fait rugir des militants environnementaux mais, selon des experts, il s’inscrit dans une stratégie bien huilée de Bakou pour changer son image de potentat autoritaire et pollueur.
Ces dernières années, ce pays du Caucase débordant d’hydrocarbures a organisé de nombreux événements internationaux, de matches de l’Euro 2020 à un Grand Prix de Formule 1, en passant par l’Eurovision 2012 et acheté des plages de pub dans des grands médias internationaux pour se présenter sous son plus beau jour.
« L’Azerbaïdjan se soucie réellement de son image internationale et de son prestige », constate auprès de l’AFP Giorgi Gogia, responsable de l’ONG Human Rights Watch, « et il est tout à fait prêt à organiser des grands événements pour blanchir son bilan désastreux en matière de droits humains ».
Selon lui, la COP29 doit donc servir la « vanité » du président Ilham Aliev. Au pouvoir depuis 2003 et la mort de son père, il est de nouveau candidat à sa propre succession le 7 février, un scrutin couru d’avance tant sa machine répressive, selon les ONG, lamine toute voix dissidente.
Au moment même, fin 2023, où l’Azerbaïdjan menait campagne pour obtenir l’organisation de la conférence de l’ONU sur le climat, sa police procédait à une série d’arrestations de journalistes indépendants.
« Centre du monde »
En accueillant des événements prestigieux, Bakou veut montrer avant tout qu’il est « un Etat clé dans la région », où la Russie, la Turquie et l’Iran sont les puissances traditionnelles, juge Elhan Shaïnoglou, directeur du centre de recherches Atlas.
En décembre, Ilham Aliev disait d’ailleurs voir dans l’attribution de la COP29 la preuve de l' »immense confiance et du profond respect » de la communauté internationale envers son pays, affirmant même que « Bakou va être le centre du monde pendant deux semaines ».
Depuis son attribution de la COP29, la république soviétique a déjà eu un avant-goût de l’attention renforcée qui lui est prêtée, et ce n’est pas toujours à son avantage.
Car en Azerbaïdjan, l’industrie des hydrocarbures est reine. Chaque jour, des centaines de milliers de barils de pétrole y sont traités et le pays exporte des milliards de mètres cube de gaz par an.
Bakou compte d’ailleurs doubler ses exportations vers l’Europe, qui veut se détourner du gaz russe, d’ici 2027.
L’Azerbaïdjan reste « extrêmement dépendant de la production de pétrole et de gaz », qui représente 92% de ses revenus d’exportation, selon un rapport du département d’Etat américain pour 2023.
Pas très vert donc et de quoi indigner les militants de l’environnement, surtout après une édition 2023 accordée aux Emirats arabes unis, un autre géant pétrolier.
D’autant que la présidence de la conférence a été confiée à Mukhtar Babayev, un ancien de la compagnie pétrolière Socar.
« Il y a un conflit d’intérêt, pour la deuxième année d’affilée, qui est majeur », regrette Romain Ioualalen, de l’ONG Oil Change International.
Pari risqué
Mais il pense qu’organiser la COP29 est un « pari risqué » et pourrait aussi se retourner contre Bakou, qui sera « attendu au tournant » sur sa politique climatique cette année.
« L’Azerbaïdjan a des plans d’expansion, en particulier de la production de gaz, qui ne sont pas du tout compatibles avec l’accord de Paris, qu’il doit mettre en oeuvre en tant que président de la COP » et fixe des objectifs chiffrés de limitation du réchauffement climatique, reprend Romain Ioualalen.
Au-delà des considérations environnementales, l’ONG Oil Change International souhaite voir imposés des critères de respect des droits humains pour les pays organisateurs d’une COP.
« Une conversation aussi importante ne peut pas avoir lieu si la société civile n’a pas la garantie d’exprimer ses opinions », juge Romain Ioualalen.
L’été dernier, de rares manifestations dans un village reculé de l’ouest de l’Azerbaïdjan contre la pollution d’une compagnie minière britannique s’étaient conclues par des arrestations, selon la presse locale.
Giorgi Gogia, de Human Rights Watch, espère que la communauté internationale profitera de l’évènement pour faire pression sur l’Azerbaïdjan et obtenir, par exemple, la libération de prisonniers politiques. « Sinon, à quoi cela sert-il? »
© AFP
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