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Les montagnes sacrées de Colombie face au changement climatique

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Des indigènes arhuaco à Nabusimake dans la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie, le 10 février 2024 © AFP Raul ARBOLEDA

Pueblo Bello (Colombie) (AFP) – A l’ombre d’un arbre sacré, au cœur de la Sierra Nevada colombienne, des sages du peuple Arhuaco évoquent avec inquiétude l’avenir de la plus haute chaîne de montagnes côtières du monde, dont les sommets sont de moins en moins enneigés.

Une tige en bois entre les lèvres, ensuite frottée contre une calebasse pour y insuffler leurs pensées, les chefs spirituels de cette communauté indigène, appelés « mamos », constatent le changement climatique sur leur environnement, un vaste territoire montagneux bordé par la mer des Caraïbes.

Comme « conséquence des activités humaines, il fait chaque année un peu plus chaud », dit l’un d’eux, selon Angel Manuel Izquierdo, un indigène qui rapporte à l’AFP les échanges en langue Iku lors de cette rencontre organisée dans le village de Nabusimake, sur la commune de Pueblo Bello, à quelque 1.900 mètres d’altitude.

Des 14 glaciers tropicaux qui existaient en Colombie au début du 20e siècle, il n’en reste que six, selon les données officielles. La zone glaciaire de la Sierra Nevada de Santa Marta, qui culmine à 5.775 mètres, est passée de 82 km2 au milieu du 19e siècle à 5,3 km2 en 2022, selon l’institut météorologique colombien.

Quatre communautés indigènes, Arhuaco, Wiwa, Kogui et Kankuamo, vivent dans ces montagnes de l’extrémité nord de la cordillère des Andes, dont les terres basses recouvertes de forêts tropicales laissent place progressivement à des savanes en altitude, puis des forêts d’épineux.

« Vivre en paix »

Les mamos craignent que l’homme « ne disparaisse, par sa propre invention, rien de plus simple. En pensant qu’il est très intelligent », rapporte Angel Manuel Izquierdo.

« Nous sommes ici pour vivre en paix, en harmonie (avec la terre) », disent les chefs spirituels arhuaco lors de cette rencontre à laquelle participent aussi d’autres communautés indigènes.

Vêtus de tuniques et chapeaux blancs tissés à la main, les chefs spirituels échangent des feuilles de coca grillées, aux propriétés stimulantes, en se saluant, comme à chaque nouvelle rencontre.

Chiquées avec de la chaux, elles se transforment en une sorte d’argile utilisée pour « écrire » leurs pensées sur des petits pots en calebasse qui les accompagnent du mariage à la mort.

« Le réchauffement mondial et la crise climatique sont généralisés. Tous les glaciers perpétuels qui existaient dans la Sierra Nevada sont en train de disparaître », alerte Leonor Zalabata, première personne indigène à représenter la Colombie à l’ONU.

« Nabusimake était beaucoup plus froid. Avant, il n’y avait pas de café, pas de bananes, pas de manioc. Et maintenant il y en a », souligne Seydin Aty Rosado, une des chefs de ce village de 8.000 habitants.

En janvier, l’autorité environnementale a enregistré une température record de 40°C dans la ville côtière de Santa Marta, au pied de la Sierra Nevada.

« Terre mère »

Lors de cet épisode, la canicule de la mi-journée alternait avec des gelées matinales qui ont ruiné les récoltes. Les indigènes espèrent que ce climat extrême s’apaisera en mars et qu’ils pourront planter haricots, choux et maïs.

« C’est une réponse à ce que nous, les êtres humains, avons donné à la Terre mère », assure Seydin Aty Rosado, du fil et une aiguille à la main.

Ces préoccupations sont consignées dans le sac qu’elle tisse : « Ici figure notre passé, notre présent et notre avenir. Quand je tisse, je parle et je pense à mes enfants. Tout est enregistré ici, dans le sac ».

Les femmes de la communauté tissent ces sacs dès leur plus jeune âge.

Parmi les inquiétudes des Arhuacos également, la présence dans la région depuis l’année dernière de groupe paramilitaires et bandes criminelles liées au narcotrafic, alors que les pourparlers de paix avec le gouvernement du président Gustavo Petro sont dans l’impasse.

« Cette crise menace à nouveau. C’est pourquoi nous demandons au gouvernement de reprendre le dialogue », plaide Arukin Torres, chef de la communauté et fils de Leonor Zalabata.

En raison de sa géographie accidentée et de sa proximité avec la côte, la Sierra Nevada a servi de refuge et de corridor aux trafiquants de drogue depuis les années 1970. Ces deux dernières décennies la région jouissait cependant d’une certaine quiétude.

© AFP

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