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En Norvège, un saumon plus végétarien pour le meilleur et pour le pire

saumon norvege

Des cages immergées pour l'élevage de Saumon dans un fjord à Leknes, en Norvège, le 1er octobre 2018 © AFP/Archives Olivier MORIN

Ålesund (Norvège) (AFP) – Un petit creux, et les opérateurs libèrent, à distance, des granulés prestement gobés: l’élevage du saumon relève du sur-mesure en Norvège mais tout n’est pas rose pour ce poisson carnivore soumis à un régime de plus en plus végétarien.

Dans leurs cages immergées de la ferme aquacole d’Oksebåsen (ouest), à l’embranchement de deux fjords bordés de crêtes enneigées, les saumons sont constamment scrutés par des caméras sous-marines mobiles.

Le moindre signe qu’ils ont faim et, dans un centre d’opération à une centaine de kilomètres de là, des employés de Mowi, numéro un mondial du saumon d’élevage, déclenchent la distribution de pellets.

A l’intérieur des granulés marron, principalement des matières végétales, entre 20 et 30% de farine et huile de poisson, des vitamines, des minéraux et des pigments pour donner à la chair du saumon sa couleur caractéristique.

« Avant, les aliments pour poissons étaient faits exclusivement d’ingrédients marins », c’est-à-dire à partir de poissons sauvages, explique le chef d’équipe Magnulf Giske.

« Mais c’est une solution moins durable que si l’on remplace une partie de ces ingrédients marins par des protéines de soja, par exemple. C’est donc dans ce sens-là qu’on est allé ».

Une question de durabilité (éviter la surpêche), mais aussi et surtout une condition indispensable pour que l’élevage continue de croître.

Les stocks de petits pélagiques (anchois, sprat, hareng…) utilisés dans l’alimentation pour poisson étant limités, l’aquaculture s’est tournée vers des sources végétales, bon marché, pour pouvoir produire toujours plus.

« Il n’y avait tout simplement pas assez de farine de poisson dans le monde pour fournir l’industrie », résume Erik-Jan Lock, chercheur à l’institut norvégien de recherche alimentaire Nofima.

Alimentation contre-nature

Si leur part dans l’alimentation a diminué, les poissons sauvages demeurent un ingrédient, relèvent des ONG, inquiètes que leur pêche se fasse au détriment des oiseaux marins mais aussi des populations pauvres, notamment en Afrique de l’ouest.

« Ils auraient pu être utilisés directement pour la consommation humaine mais, au lieu de ça, on les fait passer le saumon », étape supplémentaire dans la chaîne alimentaire, « afin de fabriquer un produit plus cher, plus rémunérateur destiné aux riches », fait valoir Truls Gulowsen, chef de la branche norvégienne des Amis de la Terre.

« C’est triste d’utiliser des ressources rares comme ça: une planète toujours plus peuplée a besoin de nourriture et de protéines alors qu’en réalité, on n’a pas vraiment besoin de filets de saumon ».

Bien que les producteurs norvégiens d’alimentation animale se soient engagés en 2015 à n’utiliser que du soja produit de manière durable, le recours croissant à des ingrédients végétaux n’est pas non plus sans poser de problème.

« Plus le régime alimentaire du saumon piscivore se rapproche d’un régime végétarien, plus les différences se creusent entre le saumon sauvage d’origine et le saumon d’élevage », souligne Truls Gulowsen.

Celui-ci « grandit plus vite, se développe et se comporte différemment », ajoute-t-il. « Or, on a souvent des évasions de saumons d’élevage qui vont (génétiquement, ndlr) polluer les saumons sauvages. Plus le +nouveau saumon+ est différent, plus la pollution génétique des stocks sauvages est risquée ».

Mouche soldat noire

Pour Nofima, le secteur aquacole doit continuer d’explorer des alternatives pour réduire son empreinte.

« L’alimentation des saumons est-elle plus durable qu’elle ne l’était l’an dernier ou l’année d’avant? Oui », affirme Erik-Jan Lock. « Peut-elle devenir encore plus durable? Oui, évidemment ».

Parmi les pistes envisageables, une meilleure valorisation des restes alimentaires humains, le recours à des ressources marines encore peu exploitées (moules, tuniciers…) ou les insectes.

Dans des conteneurs posés sur son site de Fredrikstad (sud-est), le groupe Pronofa étudie les mérites de la mouche soldat noire, dont les larves omnivores multiplient leur poids par… 7.000 en l’espace de deux semaines.

« En Norvège, l’industrie piscicole donne de la nourriture humaine au saumon, ce qui n’est pas une très bonne chose. Nous, on a une bonne alternative à la farine de poisson », assure David Tehrani, chef de projet.

Les mouches soldats noires « sont les meilleurs machines que la nature nous ait données: elles mangent tout le temps, elles ne dorment pas, ne font pas de pause café… Et à part le verre, le béton et l’acier, elles dévorent tout ».

Le hic? A ce stade, c’est une solution plus chère. Les professionnels de l’élevage, pour qui l’alimentation représente le plus gros coût, n’ont pas encore mordu à l’hameçon.

© AFP

2 commentaires

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    • Courteau

    Mais c’est une solution moins durable que si l’on remplace une partie de ces ingrédients marins par des protéines de soja, par exemple. C’est donc dans ce sens-là qu’on est allé ».

    Sérieux ? Le soja ? Durable ? Lol

    • Matthias Heilweck

    Ils ne vous ont pas tout dit ! En 2023, la Norvège a autorisé l’utilisation d’huile de colza génétiquement modifiée pour nourrir les saumons d’élevage. Aquaterra de Nuseed contient les omega 3 indispensables au développement des poissons carnivores, ainsi que de la santé humaine. Ces oméga 3 sont normalement apportés par les ingrédients marins. Ce colza transgénique est cultivé en Australie et ne peut pousser qu’en relation avec un pesticide interdit partout ailleurs dans le monde. La totale, quoi.