Quelles perspectives pour une pêche durable ?

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Bateau de pêche au large de l’île de Sein, Bretagne, France © Yann Arthus-Bertrand

L’absurdité de la pêche industrielle et la nécessité de soutenir la pêche artisanale, c’est ce que révèlent les derniers travaux de recherche sur l’exploitation des océans. Un rapport publié début 2024 par l’association BLOOM et des institutions scientifiques publiques met en lumière les bénéfices écologiques, économiques et sociaux de la petite pêche par rapport à la pêche industrielle. Cette dernière se révèle à la fois destructrice de l’environnement et d’emplois. En effet, plus le bateau est grand, moins il crée d’emplois. « Depuis 1950, la puissance de pêche a été multipliée par 10 et l’emploi divisé par 7 », rappelle Claire Nouvian, la fondatrice de BLOOM, lors de la présentation du rapport le 24 janvier dernier. Ce premier bilan multicritère intitulé « Changer de cap. Pour une transition sociale-écologique des pêches » permet de déterminer les perspectives d’une pêche durable dans le contexte de crise climatique et d’érosion de la biodiversité qui implique une révision du modèle actuel.

Le modèle industriel pèche à tous les niveaux

L’évaluation porte sur dix critères caractérisant l’empreinte écologique ainsi que la performance sociale et économique d’une activité de pêche. Parmi ces dix indicateurs, la pêche industrielle, regroupant les bateaux de plus 24 mètres et le chalutage de fond, possède la plus grande empreinte.

Du point de vue économique, cette pêche à grands volumes n’a qu’une rentabilité artificielle. Elle dépend largement des subventions publiques, qui sont 20 à 55 centimes d’euros plus élevées par kilogramme de poissons débarqués par rapport à la pêche côtière et artisanale.

Or, « un effort de pêche plus important ne permet pas une augmentation des captures, l’apport en argent public ne permet guère de créer plus de richesses », lit-on dans le bilan de recherche. Le faible prix des produits issus de ce modèle cache en réalité un coût auquel a contribué en amont le consommateur par ses impôts.

La raréfaction des ressources halieutiques, et donc du nombre de poissons pêchés, pousse les navires industriels « à chercher toujours plus loin [leurs] captures dans des stocks déjà surexploités et donc à déployer des moyens plus émissifs en carbone sans créer plus de valeur, alimentant un cercle vicieux ».

Responsable de 90 % de l’abrasion des fonds marins, de 84 % de débarquements issus de ressources surexploitées, de la capture de plus d’un juvénile sur deux, et de 57 % des émissions de dioxyde de carbone… Force est de constater le « non-sens économique, social et écologique de la gestion actuelle du secteur de la pêche » dont l’étude fait part.

« Il n’y a pas de pêche sans impact »

« Il n’y a pas de pêches sans impact », reconnait Claire Nouvian, mais ceux-ci n’ont rien à voir entre la petite pêche et la pêche industrielle.

La petite pêche côtière, avec des bateaux de moins de 12 mètres de long représente 70 % des navires et s’impose comme le modèle le plus durable.

Créant plus d’emplois et deux fois plus de valeur ajoutée par tonne débarquée tout en étant trois à quatre fois plus rentable que les navires industriels, cette pêche aux petits arts dormants (filets, casiers et lignes) est effectivement bien plus performante du point de vue écologique et social.

Mais son empreinte reste importante sur les captures accidentelles d’espèces dites « sensibles » qui regroupent les mammifères et les oiseaux marins, les tortues marines et certains poissons. La pêche aux petits arts dormants (filets, casiers et lignes) est responsable de 60 % des captures accidentelles.

L’étude pointe ainsi que « même les segments les plus vertueux des flottes côtières doivent progresser sur le problème essentiel des captures accidentelles ».

Vers une pêche durable : la « pêchécologie »

Le travail de recherche appelle à une transition vers une « pêchécologie » qui vise à minimiser « les impacts sur le climat et le vivant tout en contribuant à la souveraineté alimentaire européenne, en maximisant les emplois et en offrant des perspectives socio-économiques et humaines dignes ».

[À lire aussi sur GoodPlanet Mag’ Didier Gascuel, auteur de La pêchécologie, manifeste pour une pêche vraiment durable : « on a besoin d’une agroécologie de la mer »]

En ce sens, l’alarme est lancée sur la nécessité de rediriger les financements publics vers la pêche côtière, à taille humaine, pour l’accompagner dans l’amélioration de ses pratiques. Or, cette transition n’est soutenue qu’à hauteur de 11 % des subventions recensées en 2021 d’après l’étude.

Un changement de paradigme qui serait aussi bénéfique pour la petite pêche, en crise depuis plusieurs années face à la concurrence et au soutien des navires-usines. Une opportunité redoublée par le renouvellement à venir des pêcheurs, dont une majorité partira à la retraite dans quelques années, et les flottes vieillissantes, comme le soulignait Ken Kawahara de l’association des ligneurs de la Pointe de Bretagne à la conférence de présentation.

L’équipe de recherche poursuit les travaux en se penchant sur la côte méditerranéenne tout en aspirant à un essaimage au niveau européen voire mondial pour un diagnostic global des impacts de la pêche.

Louise Chevallier

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Pour aller plus loin :

Le lien vers le rapport de BLOOM : Changer de cap. Pour une transition sociale-écologique des pêches

Lien vers le site de BLOOM : BLOOM Association Accueil – BLOOM Association

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