Une personne sur trois dans le monde n’a pas accès à de l’eau potable, un droit reconnu comme fondamental par les institutions internationales. Alors que la disponibilité de l’eau diminue en raison du changement climatique, Oxfam France met en lumière, dans le rapport La soif du profit publié jeudi 21 mars, les pratiques systémiques d’appropriation de cette ressource par les multinationales de l’agroalimentaire et de l’industrie. À travers plusieurs exemples concrets, l’ONG engagée contre les inégalités et la pauvreté dans le monde condamne les méthodes employées ainsi que les menaces que représentent ces entreprises privées pour l’environnement et les droits humains. Elles opèrent parfois avec la complicité des gouvernements.
« Une logique néocoloniale » qui fragilise les pays du Sud
Le rapport La soif du profit dénonce la « logique néocoloniale » que reflètent l’exploitation de la ressource en eau dans les pays pauvres et en développement pour répondre aux besoins des pays riches. Quentin Ghesquière, chargé de campagne et de plaidoyer Climat à Oxfam France, parle de « hydro-colonialisme » c’est-à-dire « la surexploitation et la pollution des ressources [qui] drainent les pays du Sud au profit des pays riches et au détriment des populations et des petits agriculteurs. »
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Alors que la Corne de l’Afrique subit la pire crise alimentaire mondiale depuis 1945 accentuée par une sécheresse dévastatrice en 2017, les grandes entreprises de l’agroalimentaire et de l’industrie y mènent une activité lucrative. L’Ethiopie et le Kenya ont ainsi exporté de nombreux produits issus de cultures très consommatrices en eau vers les pays du Nord mettant en danger la disponibilité de cette ressource. Au Niger, l’exploitation durant 50 ans par l’entreprise Orano d’une mine d’uranium pour répondre aux besoins énergétiques de la France a produit des déchets radioactifs compromettant la sécurité sanitaire des ressources en eau de plus de cent mille personnes.
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L’agriculture représente 70 % des prélèvements en eau, principalement à travers les systèmes d’irrigation. Ce modèle soutient en grande partie l’industrie de la viande et des agrocarburants dont les demandes sont fortes en Europe.
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Un accaparement de l’eau lucratif et débridé
Oxfam pointe du doigt le manque d’encadrement des entreprises du secteur privé ouvrant la voie à la spéculation et des marges démesurées.
L’eau en bouteille en est un exemple frappant : l’industrie vend ce bien commun entre 150 et 100 fois plus cher que l’eau du robinet. En France, 9 milliards de litres d’eau en bouteille par an sont consommés et un million de bouteilles sont vendues dans le monde chaque minute.
Quentin Ghesquière explique que « dans de nombreux cas, les entreprises misent sur les pénuries d’eau, qu’elles accentuent elles-mêmes, et sur la perte de confiance des consommateurs dans l’eau du robinet dont la qualité est diminuée par la pollution industrielle. Cela contribue directement à ouvrir de nouveaux marchés. »
[L’eau en bouteille contient des centaines de milliers de particules de plastique]
Un manque de transparence est aussi relevé. Seul un quart des géants agroalimentaires mondiaux déclarent réduire leur consommation et leur pollution de l’eau tandis que seulement un sur trois partage les volumes puisés dans des zones de stress hydrique.
La complicité des Etats
Oxfam France dénonce l’implication des gouvernements dans la mauvaise gestion de l’eau. Entre réglementations laxistes et soutien à des infrastructures privées nuisibles, la responsabilité des dirigeants politiques est certaine.
C’est ainsi en toute légalité que Danone a pu puiser dans la nappe de Volvic lors de la sécheresse de mai 2023 tandis que les restrictions s’appliquaient aux particuliers. Ce qui a participé aux près de 900 millions d’euros de bénéfices de l’entreprise cette année. « Il est clair que les entreprises ne vont pas s’autoréguler. Il est crucial que les Etats encadrent l’activité des entreprises qui accaparent l’eau » constate Quentin Ghesquière.
Le rôle de l’Etat peut être plus compromettant encore dans le cas de subventions publiques à des installations comme les mégabassines, décriées par la communauté scientifique et les militants pour l’environnement. 16 retenues d’eau sont financées en France à hauteur de 40 millions d’euros dans les Deux-Sèvres alors qu’elles ne profitent qu’à 5 % des céréaliers dont la production est exportée.
[À voir aussi : Mégabassines : « c’est la guerre de l’eau »]
Oxfam France recommande d’initier une discussion au niveau européen et international afin d’améliorer la régulation de l’exploitation de l’eau par le secteur privé. La responsabilité historique des États doit aussi être reconnue afin de garantir un financement significatif pour l’adaptation des pays en développement et l’accès universel à l’eau. Enfin, une transformation du système agricole est indispensable, en favorisant l’adoption de pratiques agroécologiques.
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Pour aller plus loin :
Le rapport complet d’Oxfam France : La soif du profit
2 commentaires
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Balendard
Malgré les contraintes associées aux tuyaux, l’eau devrait je pense être plus proche de nous qu’elle ne l’est actuellement pour la satisfaction de nos besoins thermiques.
Malgré les contraintes associées aux tuyaux, l’eau devrait je pense être plus proche de nous qu’elle ne l’est actuellementpour la satisfaction de nos besoins thermiques.
http://www.infoenergie.eu/riv+ener/1l'eau.pdf
http://www.infoenergie.eu/riv+ener/1l'eau.pdf
lucette TERRENOIRE
En conclusion de cet article, le constat est que la France est colonisée par elle-même avec les deux exemples de Volvic et des bassines ; elle se met toute seule en danger de pénurie d’eau et va accentuer ce danger avec le projet de mines de lithium à Echassières. Pourtant l’expérience des mines d’uranium exemple à Saint Priest Laprugne nous ont appris que les déchets restent sur des milliers d’années et polluent encore l’eau de la Besbre.