Fin de l’aventure pour la coopérative ferroviaire citoyenne Railcoop qui voulait relancer le train Bordeaux-Lyon

railcoop fret marchandises

Un train de marchandises de Railcoop © ©PJ Jehenne/ Railcoop

L’utopie de « faire rouler des trains ensemble » portée par Railcoop va prendre fin après 5 années durant lesquelles l’entreprise est parvenue à faire circuler des trains de fret sans pour autant réussir à faire revivre le transport de passagers sur la ligne Bordeaux-Lyon. Ce qui était son projet initial.  L’entreprise l’a conformé dans un communiqué ainsi que lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le mardi 15 avril. Son président directeur général Nicolas Debaisieux déclare : « l’aventure Railcoop va s’arrêter sous cette forme-là. Le tribunal de commerce devrait très vraisemblablement prononcer la liquidation judiciaire de l’entreprise le 29 avril ».

Les aventuriers du rail citoyen

Pendant 5 ans, cette coopérative ambitionnait de recréer une liaison Bordeaux-Lyon. Railcoop voulait y faire circuler 6 trains par jour desservant les arrêts intermédiaires pour un parcours de 6 heures au tarif d’une quarantaine d’euros. Mais, confrontée à des difficultés économiques et une décision de justice défavorable à la coopérative ferroviaire, les trains Railcoop ne rouleront jamais. L’entreprise était parvenue à acquérir du matériel roulant ainsi qu’à obtenir les autorisations nécessaires. Ses premiers succès et l’engouement citoyen des débuts n’ont pas suffi. La réalité économique des besoins énormes de financement du secteur ferroviaire a rattrapé la coopérative. Depuis octobre dernier, l’entreprise était en redressement judiciaire. Elle avait de plus un lourd contentieux financier avec un de ses prestataires en charge du gardiennage des rames.

Philippe Bourguignon, un des administrateurs de Railcoop note « une forte progression de l’envie de train chez les Français » entre 2018 et aujourd’hui.  Il estime néanmoins que « il faut avoir les reins solides pour tenir sur la durée ». C’est en effet la recherche de nouveaux financements qui posait un problème. Railcoop avait réussi à lever 8,6 millions d’euros en grande partie grâce au soutien des coopérateurs privées (particuliers, associations et entreprises). Cela a permis d’acquérir les rames et d’obtenir les autorisations, agréments et assurances. Le projet avait séduit près de 15 000 sociétaires mais peinait à trouver suffisamment de financements. Les sociétaires particuliers ont mis en moyenne 300 euros, en raison de la liquidation future, ils ne reverront pas leur argent. Toutefois, il fallait trouver davantage d’argent pour démarrer l’activité. Nicolas Debaisieux regrette un manque de soutien de l’État et des collectivités. Il précise : « pour 1 euros mis par les collectivités, nous avons eu 7 euros mis par le privé. »

Utopie citoyenne ou romantisme ferroviaire français ?

Pour l’économiste Marc Ivaldi, professeur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Railcoop était « un échec prévisible en raison du romantisme ferroviaire français. Les Français aiment beaucoup le train et estiment que cela doit marcher à tous les coups en dépit des réalités économiques. » Il pointe la faible attractivité de la liaison choisie pour se lancer. Le ferroviaire est en effet un secteur où les investissements sont importants pour le matériel et les infrastructures. Il faut aussi parvenir à ce que les recettes couvrent les frais d’exploitation Or, selon l’économiste, « la structure de Railcoop basée sur le volontariat et le petit actionnariat ne lui a jamais permis de rassembler assez d’argent pour démarrer l’activité. »

En profitant de l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, Railcoop essayait pourtant de répondre aux aspirations écologiques tout en redynamisant des territoires. Les difficultés qui ont conduit à l’échec de cette initiative citoyenne pour redonner sa place à un train, certes plus lent, mais desservant plus d’arrêts entre les deux métropoles témoignent de la complexité des projets ferroviaires et des énormes moyens qu’ils requièrent. Historiquement, l’essor des voies ferrées a été l’apanage des États ou des grandes compagnies, seules en capacités de trouver les investissements nécessaires.

Railcoop entendait cependant développer une offre complémentaire. Elle s’est notamment heurtée aux difficultés de convaincre les financeurs, sans doute en partie à cause de son statut de SCIC, Société coopérative d’intérêt collectif. Ce dernier est un statut de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui implique qu’une grande partie des bénéfices soient réinvestis dans le projet. « Le statut coopératif a été une force car le projet a été financé en associant les particuliers et les collectivités locales », explique le PDG de Railcoop Nicolas Debaisieux. « Mais, il existe un vrai sujet sur le financement de l’Économie Sociale et Solidaire, qui n’est pas propre à Railcoop. Le statut de SCIC fait que les recettes doivent rester dans l’entreprise, ce qui ne permet pas aux acteurs traditionnels du financement des entreprises de s’y retrouver. Ce qui rend le projet peu attractif pour les fonds d’investissement. » Interrogés sur les enseignements à tirer de l’expérience Railcoop, les administrateurs mettent en avant qu’il est possible de lever de nombreuses difficultés liées à la complexité du ferroviaire. Mais, il y a des étapes cruciales du processus à ne pas rater : l’acquisition du matériel, cher et difficile d’accès et l’accès aux sillons. Ces derniers sont les créneaux durant lesquels une entreprise peut faire circuler un train sur un réseau ou une ligne. Les dirigeants de la coopérative pensent que pour mener à bien un projet ferroviaire alternatif, il est préférable de le faire sur une ligne dont l’exploitation n’est pas partagée. Pour Philippe Bourguignon, « il ne faut pas avoir de dogme en termes de statut d’entreprise. ». Il pense qu’un « système hybride pourrait avoir sa place s’il parvient à avoir de la proximité avec les acteurs locaux » et que « l’expérience de Railcoop ouvre la voie à d’autres projets qui pourront réussir, surtout que le travail fourni par les sociétaires était de qualité et témoignait d’attentes quant à la qualité des services que le train peut offrir ».

Julien Leprovost

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Un commentaire

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    • François

    C’est très dommage . Se concentrer sur le fret ferroviaire n’eut-il pas été plus prometteur? Car cette transversale est empruntée par de nombreux camions. Mais c’est l’intérêt des acteurs suisses et lyonnais qui eut été la clef du succès.