Alexis Eisenberg de Reloop : « il y a un projet de société à monter autour de la consigne »

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Dépot de casiers de bouteilles près de Braunschweig - Basse Saxe -Allemagne © Yann Arthus-Bertrand

Les Français plébiscitent la consigne puisqu’ils sont 9 sur 10 à se dire en faveur de cette méthode de collecte et de réemploi des bouteilles et des canettes, selon une étude d’opinion de l’IPSOS publiée fin 2023. Face au manque d’engagement des pouvoirs publics et aux atermoiements du gouvernement pour la mettre en place, l’ONG Reloop a mis en ligne un compteur du temps perdu sur la consigne. Dans cette interview, le directeur France de Reloop Alexis Eisenberg revient sur les enjeux de la consigne.

Pourquoi Reloop a-t-il lancé le compteur du temps perdu sur la consigne ?

Ce compteur du temps perdu est un clin d’œil au fait que la discussion sur la consigne soit constamment repoussée depuis 5 ans en France. Avec le temps qui passe, c’est autant de bouteilles qui ne sont pas consignées.

 

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Capture d’écran du compteur du temps perdu sur la consigne en France mis en place par Rellop et présent sur le site Oui à la consigne

 

« 5 années que le pays tergiverse sur la consigne »

À Reloop, nous disons que cela fait 5 années que le pays tergiverse sur la consigne alors que, d’une façon ou d’une autre, elle sera imposée. Il est temps d’y aller surtout si on veut favoriser le réemploi et réduire les volumes de déchets qui ne trouvent pas de seconde vie. La consigne double pour le recyclage et le réemploi permettrait au consommateur, dans un geste unique, d’aller du recyclage vers le réemploi à l’échelle nationale.

Où en est la France ?

La France est en retard sur le taux de collecte des emballages de boisson. La France ne collecte dans ses centres de tri que 60 % des 14 milliards de bouteilles en plastique PET jetées chaque année dans le pays et ce taux atteint 45 % pour les canettes. Or, la directive européenne sur le plastique fixe un objectif de collecte de 77 % pour 2025 et 90 % pour 2029. De plus, le parlement européen a voté la réglementation PPWA (Proposal Packaging and Packaging Waste ou emballage et déchet d’emballage) qui vise aussi d’atteindre un taux de collecte de 90 % pour les bouteilles plastiques en 2029 en prévoyant la mise en place d’un système de consigne si les taux de collecte sont inférieurs à 80 %.

[À lire aussi L’état des lieux du recyclage en France]

Il ne semble pas possible que la France parvienne à atteindre ces objectifs dans le délai imparti de deux années. La consigne devrait donc s’imposer en France d’autant plus que la loi Agec (anti-gaspillage et économie circulaire) prévoit d’augmenter le réemploi.

Fin 2023, le gouvernement a écarté l’idée de généraliser la consigne pour les bouteilles en plastique alors que l’idée avait fait son chemin au motif d’une hostilité des collectivités locales qui venaient de moderniser leurs centres de tri. Est-ce un argument fondé selon vous ?

Je comprends leur point de vue. L’enjeu est le modèle de gestion des déchets dans lequel les collectivités françaises sont engagées. Il dépend des volumes reçus pour être amorti, ce qui freine le réemploi et la réduction des déchets. Les collectivités ne font que passer la matière d’une main à l’autre. Cela se fait par le biais de la collecte des déchets auprès des producteurs-consommateurs, puis de leur envoi pour traitement vers les grands recycleurs privés. Depuis la mise en place de la responsabilité élargie aux producteurs (REP) en 1992, ces derniers paient financièrement une partie de la collecte et du traitement. Cependant, cela n’a pas incité à réfléchir ni sur les matières utilisées pour les emballages, et donc leur réutilisation, ni sur la réduction même des emballages.

« En 2024, ce n’est plus à la collectivité d’assumer les choix des industriels dans les matériaux employés pour fabriquer des emballages »

Le modèle de la REP de 1992 pose problème, c’est pourquoi il faudrait revoir les rôles et les périmètres entre les collectivités et les industriels metteurs sur le marché. Finalement, les producteurs ne compensent qu’une partie du coût du traitement des déchets. Nous pensons qu’ils devraient être responsables de la matière du moment de sa mise sur le marché à sa fin de vie tandis que les collectivités devraient uniquement se concentrer sur la collecte qui représentele lien avec le citoyen. En effet, la collecte des déchets est un service public qui devrait être compensée à 100 % par les producteurs de matière. Les industriels devraient en avoir l’entière responsabilité en effectuant les investissements requis pour traiter les matières.

« On transfère l’impact de tous ces choix privés au consommateur citoyen. »

En 2024, ce n’est plus à la collectivité d’assumer les choix des industriels dans les matériaux employés pour fabriquer des emballages qui ensuite deviendront des déchets. Aujourd’hui encore, de nombreux matériaux ne sont ni recyclables, ni réutilisables et finissent enfouis ou incinérés, faute de mieux. Il s’agit d’un vrai sujet économique et politique puisqu’on transfère l’impact de tous ces choix privés au consommateur citoyen.  

[À lire aussi Consigne sur les bouteilles en plastique: les maires disent toujours « non »]

Qu’est-ce qui bloque la mise en place et la généralisation de la consigne alors que le système a existé en France et que nos voisins européens y arrivent ?

En Belgique, ce sont les producteurs, c’est-à-dire les industriels metteurs sur le marché, qui sont responsables des centres de tri. Ils s’opposent à la consigne tandis que les collectivités la demandent. 

Capture d’écran de la carte de la consigne en Europe par Rellop et présent sur le site Oui à la consigne

Ailleurs en Europe, contrairement à ce qui se passe en France avec le modèle REP, les collectivités ne sont pas soumises à l’impératif de revendre de la matière plastique issue des centres de tri. Les collectivités européennes se regroupent en coalition pour demander à leurs gouvernements, notamment aux Pays-Bas et en Belgique, la généralisation de la consigne, parce qu’elles voient la gestion des déchets sous un autre prisme. Elles veulent moins de déchets d’emballage abandonnés dans les rues, dans les rivières ou sur les plages. Elles ont des coûts de nettoyage des parcs et des villes, or les emballages figurent parmi les déchets qu’on retrouve le plus.

[À lire aussi Restaurants, recyclage, consignes… le texte de l’UE pour verdir les emballages]

Pour revenir en France, pensez-vous qu’il soit possible de rapidement bouger les lignes sur ce sujet d’ici la fin des mandats de la majorité actuelle ?

Je le pense car la France n’est pas sur la trajectoire de réduction fixée par l’Europe. L’étau se resserre de ce côté-là parce que l’Union veut consolider et harmoniser la réglementation sur l’économie circulaire. L’ADEME suit la collecte et le tri. Elle publiera en juin les chiffres du taux de collecte des bouteilles plastiques. Le retard français dans ce domaine devrait aboutir à activer le levier européen imposant la consigne.

« En n’avançant pas sur la question de la consigne, tout le monde est perdant. »

De plus, je voudrais ajouter qu’en n’avançant pas sur la question de la consigne, tout le monde est perdant. Le statu quo actuel pénalise les acteurs de terrain, dont les collectivités, en les empêchant d’investir dans de nouveaux modèles de collecte et de tri des déchets tandis que les professionnels du recyclage se retrouvent dans un entre-deux sans savoir quoi faire. La question n’est plus de savoir si on va mettre en place la consigne, mais plutôt quand et comment.

« La question n’est plus de savoir si on va mettre en place la consigne, mais plutôt quand et comment. »

La France peut se démarquer avec une consigne à la française qui soit une consigne de transition vers le réemploi. La consigne à la française peut être plus ambitieuse sur la réduction des déchets, plus ouverte avec des points de collectes chez les distributeurs mais aussi en y intégrant les territoires avec des points de retour en cœur de village ou en dehors des distributeurs lorsqu’ils manquent de place dans les villes plus denses, comme à Paris ou à Marseille. Il y a un projet de société à monter autour de la consigne. Aujourd’hui, nous sommes à l’étape de la prise de hauteur sur le sujet.

Avez-vous un dernier mot ?

J’espère qu’on va arriver à tous se remettre autour de la table pour élaborer un modèle de consigne à la française. Il faut revoir les rôles et le périmètre dans le cadre de la REP. C’est le moment de le faire, d’autant plus que mi-mai le député Stéphane Delautrette et la députée Véronique Riotton rendent leur rapport d’évaluation sur la loi Agec. J’espère que le ministère de l’écologie se saisira du sujet afin qu’on ait une discussion de fond, et non pas de forme, sur la gestion des déchets ménagers en France. Elle devra intégrer la consigne.

Propos recueillis par Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

#Ouilaconsigne – Dites OUI à la consigne en France !

Perceptions et pratiques en cas de mise en place de la consigne pour recyclage sur les emballages de boisson en France – La librairie ADEME

Les Français et la consigne des emballages de boissons | Ipsos

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3 commentaires

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    • dany voltzenlogel

    La France : un vrai boulet. Un système de cons qui décident et des français râleurs qui font la gueule quand on demande le moindre effort.
    L’Allemagne n’a JAMAIS abandonné la consigne du verre et mis en place il y a très longtemps celle du plastique (au moins depuis 30 ans voir bcp +).
    Si nos gouvernants ne savent comment faire. Ils n’ont qu’à copier chez le voisin où ça fonctionne très bien.

    • Matthias Heilweck

    Dans les années 70, le verrier français BSN s’est diversifié dans l’agroalimentaire (Evian, Blédina, Kronenbourg, etc.) et est devenu le leader français de la bière, des eaux minérales et des petits pots pour bébés. Devenu fabricant du contenant et du contenu, le conseil d’administration du groupe n’avait aucun intérêt de promouvoir la consigne et a évidemment privilégié le verre neuf pour toutes ses diverses productions alimentaires. C’est ce choix privé d’il y a un demi-siècle que nous payons aujourd’hui.
    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Boussois-Souchon-Neuvesel

    • Balendard

    Bien que 9 Français sur 10 plébiscite la consigne notre gouvernement n’est pas passé à l’acte alors que 10 allemands sur 10 l’utilise depuis de nombreuses années

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