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Dans un berceau de la chimie du sud de la France, les « polluants éternels » inquiètent

PFAS polluants éternels

L'usine chimique Solvay de Salindres, dans le Gard, le 18 avril 2024 © AFP/Archives Pascal GUYOT

Salindres (France) (AFP) – Florence, Michel et Dominique ont laissé à d’autres le soin de garder leurs petits-enfants pour traquer les « polluants éternels » dans l’eau des rivières et du robinet, aux abords d’une usine du sud de la France appartenant au géant belge de la chimie Solvay.

Equipés de gants et de bottes en caoutchouc, les trois retraités, membres bénévoles de l’association de défense de l’environnement Générations Futures, plongent des flacons de verre dans de l’eau jaillissant d’une canalisation, à quelques mètres d’une montagne de résidus industriels.

La petite ville de Salindres (Gard) est un des berceaux de l’aluminium et de la chimie en France depuis le milieu du XIXe siècle.

« Je suis de plus en plus confortée dans l’idée qu’il faut bâtir un avenir sans pesticides et sans PFAS », ces substances chimiques baptisées communément « polluants éternels », explique Florence Caumes, ancienne responsable des ressources humaines dans le secteur privé.

Elle consigne le lieu et la date de ces prélèvements effectués au niveau du rejet de l’usine mais aussi jusqu’au Pont du Gard, à une cinquantaine de kilomètres en aval. Les résultats seront connus d’ici trois mois.

Multinationale présente dans une soixantaine de pays, Solvay a racheté à Rhodia, en 2011, son usine de Salindres. Le site, à la taille impressionnante, est l’un des cinq en France à produire des substances per et polyfluoroalkylées, dits « PFAS ».

Depuis les années 1940-1950, les PFAS irriguent la vie moderne en raison de leur résistance à la corrosion, à la chaleur ou à la lumière. On les retrouve dans des textiles imperméables, le fart des skis, les poêles antiadhésives ou encore les cosmétiques…

Ils s’accumulent au fil du temps dans les sols, l’eau, la nourriture et jusque dans le corps humain. En cas d’exposition sur une longue période, certains de ces composés chimiques peuvent avoir des effets sur la fertilité ou favoriser certains cancers, selon de premières études scientifiques.

Le Sénat français doit examiner le 30 mai une proposition de loi, déjà adoptée par l’Assemblée nationale, visant à interdire certains produits contenant des PFAS (cosmétiques, textiles…) mais excluant à ce stade les ustensiles de cuisine comme les poêles.

« Hallucinant »

En février, un rapport de Générations Futures avait mis en évidence des « concentration exceptionnellement élevées » de PFAS dans les cours d’eau proches de l’usine Solvay, l’Arias et l’Avène, et dans l’eau du robinet de Boucoiran et Moussac, deux villages éloignés de plus de 20 kilomètres.

Parmi les PFAS recensés, il s’agissait « à 99,9% » d’acide trifluoroactétique (TFA) et d’acide triflique, produits fabriqués par Solvay pour l’industrie pharmaceutique notamment, selon l’ONG.

Le groupe chimique n’a pas souhaité que le directeur du site de Salindres soit interviewé. Mais, dans un email à l’AFP, il réaffirme être « parfaitement en ligne avec la réglementation en vigueur » et souligne que « le TFA et ses dérivés (…) ne sont pas connus pour s’accumuler dans le corps humain ».

L’effet sur la santé de ces substances « n’est pas établi scientifiquement, faute d’études suffisantes », reconnaît Mathieu Ben Braham, chargé de mission scientifique et réglementaire chez Générations Futures. Mais il faut néanmoins appliquer un stricte principe de précaution, plaide-t-il.

Habitant non loin de Salindres, aux pieds des Cévennes, Estelle Martin-Boudet juge « hallucinant » le manque de mesures de prudence, alors que son père, qui vivait près de l’usine, est mort d’un glioblastome, une forme de cancer du cerveau rare mais dont une dizaine de cas ont été recensés dans la zone.

Avec d’autres riverains, elle s’attelle à créer une association: « Polluants éternels et glioblastomes – Salindres et ses environs ».

A Moussac, à une demi-heure de voiture de Salindres, de l’eau du robinet prélevée en novembre contenait 18 micro-grammes de TFA par litre, soit un taux record « 36 fois plus élevé qu’une norme européenne applicable à tous les perfluorés », souligne Générations Futures dans son analyse. Mais la directive européenne n’a pas encore été transcrite en droit français.

« Pas d’omerta »

D’abord incrédule, le maire du village, Frédéric Salle-Lagarde, salue dorénavant le travail de « lanceur d’alerte » des associations et réclame que l’Etat fasse réaliser une « cartographie » de la pollution aux PFAS dans toute la région.

A Salindres, le maire, Etienne Malachane, quelque peu « agacé » par l’image « apocalyptique » renvoyée par l’étude, souligne que le problème ne concerne pas que sa ville de 3.600 habitants. Bien que Solvay y emploie une centaine de personnes, il n’y a « pas d’omerta » ni de « peur du patron », assure-t-il.

Député La France insoumise (LFI) du Gard, Michel Sala a interpellé le gouvernement afin qu’il « mandate » l’Agence régionale de la Santé (ARS) pour qu’elle recherche les TFA autour de Salindres et mène des « campagnes d’analyses sanguines de la population ».

L’Agence régionale de santé (ARS) Occitanie publiera prochainement les résultats d’une étude en cours, qui concerne une famille de 20 PFAS considérés comme les plus nuisibles, mais dont ne font pas partie ceux rejetés par Solvay, le TFA et l’acide triflique.

Ces substances seront toutefois bien « recherchées au cours de cette année » lors d’une campagne d’analyses menée par l’Anses, l’Agence sanitaire nationale, a indiqué un porte-parole de l’ARS, précisant: « Deux cents points de prélèvements ont été ciblés en Occitanie. Le site de Salindres y est incorporé ».

©AFP

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