Chanthaburi (Thaïlande) (AFP) – Escaladant l’arbre sur une quinzaine de mètres, la sueur coulant dans ses yeux, le cueilleur de durians coupe d’une main experte la queue du fruit qu’il envoie dans les bras de son collègue au sol.
Le durian, gros fruit à la carapace verte hérissée de piquants, est surtout connu pour son odeur puante.
Mais en Asie du Sud-Est et en Chine, son goût très apprécié en fait le « roi des fruits ». Et en Thaïlande, où il est cultivé depuis des siècles, il fait partie des exportations les plus célèbres et les plus lucratives.
Mais la vague de chaleur exceptionnelle que connaît actuellement la région signifie pour les producteurs une récolte moins importante et des coûts de production de plus en plus élevés.
Et toute l’industrie du durian s’inquiète à la fois pour cette année et pour l’avenir, menacé par le réchauffement climatique.
« Cette année, c’est la crise », résume lors d’un entretien à l’AFP Busaba Nakpipat, une productrice de durians.
Cette femme de 54 ans, au visage buriné par une vie passée dehors, a repris il y a une trentaine d’années la plantation de ses parents dans la province de Chanthaburi (est), le coeur de la production de ce fruit en Thaïlande.
« Et si la chaleur continue à augmenter à l’avenir, ce sera fini. Personne ne pourra plus produire de durians », ajoute-t-elle.
La saison du durian va normalement de mars à juin, mais les températures dépassant les 40°C depuis des semaines ont provoqué une sécheresse qui a largement raccourci le temps de récolte.
Et surtout, la chaleur fait que le fruit mûrit plus vite, sans atteindre sa taille maximum, à laquelle il est le plus apprécié et donc le plus lucratif.
« Cette année, la qualité ne sera pas au rendez-vous », déplore-t-elle.
Et alors que sa production sera moindre et se vendra moins cher, les coûts de Mme Busaba, eux, ont augmenté.
La chaleur inhabituelle depuis mars a asséché les puits, l’obligeant, pour arroser ses précieux arbres et les garder en vie, à acheter de l’eau qu’elle fait venir par camion.
« Pour un seul arrosage de notre plantation de 1,6 ha, nous avons besoin de 120.000 litres d’eau, soit 10 camions », et il faut arroser tous les deux jours, ce qui depuis le début de la sécheresse lui a coûté des milliers de dollars, explique-t-elle.
« Nous prions pour la pluie », dit-elle. « Mais la pluie ne vient pas ».
Une domination menacée
Pour la Thaïlande, le durian est le troisième produit agricole d’exportation, derrière le riz et le caoutchouc.
Mais sur le marché proche de la plantation, on sent l’anxiété des marchands, dont beaucoup tiennent un stand qui est dans leur famille depuis des générations.
Siriwan Roopkaew, qui aide sa mère à tenir son stand, explique que le manque d’eau fait que les fruits sont moins gros, mais que pour l’instant les prix se maintiennent tout de même grâce à la demande venant de Chine.
Environ 95% des exportations thaïlandaises de durians partent en Chine, qui a importé de Thaïlande l’an dernier pour 4,6 milliards de dollars de ce fruit.
Mais la chaleur menace la domination thaïlandaise sur le marché.
En mai, les médias chinois ont rapporté que la Chine avait dû augmenter de 50% ses importations du Vietnam, en raison de la chaleur et de la sécheresse en Thaïlande.
« La chaleur qui augmente, cela signifie de moins en moins de durians. Déjà cette année, il y en a moins », explique Mme Siriwan. « Normalement, mon stand devrait être entièrement plein maintenant », soupire-t-elle.
« Et moins de durians signifie moins d’argent pour faire vivre la famille le reste de l’année », ajoute-t-elle.
Quant à Mme Busaba, elle est plus pessimiste encore. « S’il n’y a pas d’eau, il n’y a plus d’avenir pour le durian », soupire-t-elle.
© AFP
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