Au Portugal, les cigognes renoncent à migrer vers l’Afrique

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Des cigognes nichent à Aljustel, le 4 avril 2024 au Portugal © AFP PATRICIA DE MELO MOREIRA

Aljustrel (Portugal) (AFP) – Oiseau migrateur, la cigogne ? Pas si sûr. Ces oiseaux blancs peuplent désormais par dizaines les pylônes électriques au Portugal, trouvant de quoi se nourrir dans les décharges et s’épargnant les aller-retours avec l’Afrique, en raison également du changement climatique selon certaines hypothèses.

Alors que ces échassiers figuraient parmi les espèces menacées du pays ibérique jusqu’au tournant du siècle, leur nombre a quasiment doublé au cours de la dernière décennie, en passant de quelque 12.000 couples à environ 20.000, selon les estimations des scientifiques.

En cette période de printemps, au milieu d’une plaine fleurie de la commune d’Aljustrel, dans le sud du Portugal, trois cigogneaux âgés de quelques jours à peine claquent déjà du bec.

« Ils ont l’air d’aller bien! Espérons qu’il y aura assez de nourriture pour les trois », observe Inês Catry, biologiste chercheuse au Centre d’investigation en biodiversité (Cibio), rattaché à l’Université de Porto (nord).

« Les cigognes pondent quatre à six œufs » mais « généralement seuls deux ou trois petits survivent », précise cette spécialiste des oiseaux qui sillonne la campagne à la période des nouvelles naissances.

Après les avoir observé, pesé et mesuré, elle remet les petits dans un sac en tissu et, grâce à une échelle, les remonte dans leur nid.

Ici, c’est un vieux tronc d’arbre mais ailleurs, c’est sur des poteaux électriques qu’on trouve les nids, jusqu’à une trentaine sur une seule structure.

Pour mieux connaître cette espèce, les scientifiques portugais ont commencé à étudier leur comportement grâce à des boîtiers GPS placés sur le dos d’un petit groupe d’oiseaux.

« Dépendantes des déchets »

C’est le cas d' »Alvalade », une cigogne suivie depuis près de six ans par l’équipe du Cibio.

Du haut de son nid, installé sur un petit poteau électrique le long d’une route départementale de cette région de l’Alentejo, cet échassier au plumage blanc avec du noir sur les ailes, parcourt tous les ans près de 2.500 kilomètres pour se rendre au Sénégal.

Puis il revient au Portugal entre janvier et juillet, pendant la période de reproduction. Mais le comportement de cette cigogne est devenu l’exception, relève Inês Catry.

Si les cigognes migrent encore pendant leurs premières années de vie, elles se sédentarisent une fois atteint l’âge adulte et le moment de se reproduire.

Cette sédentarisation, observée chez « près de 80% de ces oiseaux », évite les nombreux risques liés à la migration et, par conséquent, réduit la mortalité des cigognes.

Cette espèce « très adaptable a su tirer profit de la coexistence avec les hommes », souligne la scientifique. « Elles sont très dépendantes des déchets dans les décharges », précise-t-elle, en ajoutant que cette nourriture abondante à proximité facilite aussi leur reproduction.

Cette tendance à se sédentariser pourrait également s’expliquer par le changement climatique, car le sud du Portugal connaît actuellement des conditions proches de celles que les cigognes trouvaient en Afrique, admet Mme Catry.

« Maternités de cigognes »

Après avoir baissé considérablement, en raison notamment de la sécheresse dans le Sahel, le nombre de cigognes est reparti à la hausse dans les années 1980.

Elles trouvent au Portugal des conditions plus propices.

Actuellement, près d’un quart de ces oiseaux blancs niche sur des plateformes posées exprès sur des pylônes électriques métalliques, comparés par la presse locale comme de véritables « maternités pour cigognes ».

Afin de réduire le risque d’électrocution des oiseaux, surtout pendant la construction des nids, mais aussi pour éviter des pannes dans le réseau électrique, le gestionnaire du réseau électrique portugais REN est passé à l’action depuis une vingtaine d’années.

Avant la période de nidification, entre janvier et février, une équipe spécialisée effectue une inspection de ces infrastructures pour nettoyer, déplacer les nids si nécessaire ou entretenir les anémomètres, des girouettes métalliques installées pour éloigner les échassiers des zones dangereuses.

« Ces mesures ont permis de réduire le taux d’incidents, qui est actuellement inférieur à 20 pour 1.000 nids », indique Francisco Parada, responsable de la sécurité environnementale chez l’entreprise portugaise.

Les cigognes apprécient puisque le nombre d’oiseaux nichant sur ces plateformes « a été multiplié par quatre » en 20 ans, se félicite-t-il.

© AFP

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