Paris (AFP) – Des chameliers du Sahara aux éleveurs nomades de la steppe mongole, les sociétés pastorales traditionnelles dépendent des grands espaces sauvages de la planète. Mais la dégradation de ces territoires est « gravement sous-estimée », alerte un rapport onusien publié mardi, avec des conséquences négatives à terme pour toute l’humanité.
Grandes plaines, savanes, déserts, toundras, plateaux montagneux et autres prairies naturelles: de l’ordre de la moitié de toutes ces étendues, incluant les déserts et les zones humides, sont jugées dans un état dégradé, selon un rapport de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULD).
Le réchauffement climatique, l’étalement urbain, la croissance démographique et l’expansion des terres agricoles sont les principales causes de la destruction de ces espaces, qui couvrent plus de la moitié des terres émergées (80 millions de kilomètres carrés), liste le rapport.
« Les données actuelles, qui estiment la dégradation des pâturages à environ 25%, sont gravement sous-estimées », déclare à l’AFP Pedro Maria Herrera Calvo, auteur principal du rapport.
« Nous pensons que près de 35%, voire 50%, des pâturages sont déjà dégradés », estime-t-il au terme de ses travaux menés avec une douzaines d’experts.
Allié climatique
La « mort silencieuse » de ces terres est pourtant passée largement inaperçue jusqu’ici malgré leur importance cruciale, estime Ibrahim Thiaw, secrétaire exécutif de la CNULD.
« Nous, l’humanité, devons prêter attention à ce qui est en train de se passer », a-t-il déclaré à l’AFP.
Car « la perte et la détérioration persistante » de ces terres se feraient sentir bien au-delà des communautés pastorales qui, au fil des siècles, ont su adapter leur mode de vie à ces conditions uniques.
Les grandes prairies et étendues sauvages, qui stockent le CO2 dans les sols et stimulent la croissance de la végétation susceptible d’en absorber encore plus, sont de précieux atouts dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Les pratiques agricoles traditionnelles, dont la rotation des cultures, améliorent elles aussi la santé des sols et leur capacité à stocker le carbone, souligne encore Pedro Maria Herrera Calvo.
A l’inverse, leur mauvaise gestion ou protection a érodé les sols, libérant des gaz à effet de serre, et dépouillé la terre des nutriments nécessaires à la survie des plantes et des animaux.
Ces écosystèmes sont des réservoirs de biodiversité de première importance qui abritent les espèces les plus emblématiques du continent africain et fournissent des pâturages à un milliard d’animaux, selon le rapport.
Un sixième de la production alimentaire mondiale dépend de ces espaces, qui sont aussi au fondement de l’économie de plusieurs pays.
« Sans voix et sans pouvoir »
Ces régions naturelles forment le socle de leurs sociétés pour un demi-milliard d’éleveurs, pasteurs et nomades d’une centaine de pays, principalement des communautés pauvres et marginalisées, comme les Bédouins, les Peuls en Afrique de l’Ouest ou les Samis en Scandinavie.
Ensemble, ces communautés pastorales représentent un quart des langues parlées au monde.
Ces terres « font parties de notre héritage », a déclaré Ibrahim Thiaw: « leur perte aurait des conséquences sur nos écosystèmes et nos économies, mais signifierait aussi la perte de notre propre culture ».
Au lieu d’être conviées autour de la table, ces communautés pastorales restent aujourd’hui « sans voix et sans pouvoir » alors qu’elle sont celles qui comprennent le mieux ces territoires, insiste le rapport.
Ignorer l’expérience ancestrale des peuples pastoraux reviendrait à condamner ces étendues sauvages, ainsi que les populations qui y vivent, met en garde Ibrahim Thiaw.
© AFP
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