El Bosque (Mexique) (AFP) – Quand Adrian Perez part pêcher avec ses amis, il passe devant son ancienne école engloutie par la mer qui submerge son hameau dans le sud du Mexique, où le changement climatique se traduit aussi par des canicules sans précédent à l’heure des méga-élections de dimanche.
Dans l’Etat du Tabasco, le fief du président sortant Andres Manuel Lopez Obrador, le cas d’El Bosque a été mis en avant par Greenpeace comme exemple des dégâts du réchauffement global au Mexique, où la prochaine présidente sera très attendue sur le terrain de l’environnement.
« Le climat se détraque », affirme à l’AFP Adrian, 24 ans, d’un ton prophétique. « C’est difficile. Ca, c’était l’école ».
Une bonne partie de l’école est ensevelie par le sable. Dans une salle de classe, on aperçoit encore un tableau avec les lettres de l’alphabet et les quatre saisons de l’année.
Le cas d’El Bosque, qui comptait 700 habitants, a été analysé en février lors d’une audience sur les déplacés climatiques organisée par la Cour interaméricaine des droits de l’Homme.
Canicules
« Plus de 60 familles ont été déplacées, et toute la communauté est en danger de disparition », d’après Greenpeace.
Avec des températures de 40 degrés, le Tabasco a été particulièrement exposé à la vague de chaleur qui frappe actuellement le Mexique et a fait au moins 48 morts depuis mars.
Huit victimes ont été enregistrées dans cette région, où des dizaines de singes sont morts sous l’effet de la canicule.
La canicule touche 80% du territoire. Samedi, la capitale Mexico a enregistré un record de chaleur, à 34,7 degrés Celsius.
Ce coup de chaud qui dure depuis des semaines, combiné à des vents faibles a aussi aggravé la pollution atmosphérique dans la mégalopole, malgré des plans de circulation alternée pour limiter les émissions polluantes des véhicules.
La sécheresse a provoqué des problèmes d’approvisionnement d’eau. Au Mexique, la disponibilité moyenne d’eau per capita a diminué de 68% depuis 1960, d’après une analyse de l’Institut mexicain de la compétitivité.
Le président de gauche nationaliste a misé sur les hydrocarbures, responsables du changement climatique, au nom de ce qu’il appelle « l’auto-suffisance énergétique ».
A quelque 80 km d’El Bosque, son gouvernement a investi 16,8 milliards de dollars dans la construction de la raffinerie Dos Bocas d’une capacité de 340.000 barils de brut par jour.
Le gouvernement a également acheté une raffinerie au Texas et fait construire le train Maya, long de 1.500 km à travers les Etats de la péninsule du Yucatan, dont Tabasco.
Le train Maya a été critiqué par les écologistes pour ses conséquences sur l’environnement. Pour en atténuer l’impact, le gouvernement affirme avoir lancé le plus grand plan de reforestation au monde, plantant des arbres sur un million d’hectares.
Transition
La candidate de la gauche au pouvoir, Claudia Sheinbaum, grande favorite de la présidentielle, est une scientifique en ingénierie énergétique.
Fidèle à son mentor Lopez Obrador, Claudia Sheinbaum, 61 ans, a promis de maintenir le « sauvetage » de la compagnie pétrolière Pemex (publique), qui traîne une dette d’environ 100 milliards de dollars.
Elle s’est engagée à investir 13,6 milliards de dollars dans les énergies renouvelables d’ici 2030.
« Nous allons impulser la transition énergétique », a déclaré l’ex-membre d’un panel du Groupement international des experts sur le climat (GIEC), lauréat du prix Nobel de la paix en 2007.
« Elle va se démarquer de Lopez Obrador », affirme Pamela Starr, professeur de sciences politiques et spécialiste du Mexique à l’Université de Californie du Sud. « Elle va encourager bien davantage d’investissements dans l’énergie propre ».
Sa rivale de centre-droit, Xochitl Galvez, propose de fermer deux raffineries dans le nord du pays et que Pemex produise des énergies propres. « Il faut en finir avec notre addiction aux combustibles fossile », déclare-t-elle.
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La candidate de l’opposition à l’élection présidentielle du 2 juin au Mexique, l’ex-sénatrice de centre-droit Xochitl Galvez, quitte en vélo une réunion dans le quartier de Coyoacan à Mexico, le 26 avril 2024
© AFP/Archives Yuri CORTEZ
Selon Boris Graizbord, chercheur au Colegio de Mexico, il est nécessaire de fermer « graduellement certaines raffineries qui sont obsolètes ou hyper-polluantes, ou il faut les améliorer ».
« Il n’existe pas une politique publique pour faire face aux graves impacts du changement climatique, qui vont empirer », regrette Pablo Ramirez, coordinateur du programme Climat et énergie de Greenpeace au Mexique.
Dans le hameau d’El Bosque, la maison de Cristy Echeverria a commencé à s’effondrer le 20 novembre 2022.
« On n’est pas responsables de tout ce qui est en train de se passer, mais on est en train de le payer. On n’est pas les premiers, et on ne sera pas les seuls », dit-elle avec tristesse.
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