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Au Tadjikistan, la difficile quête de la sécurité alimentaire

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Un vendeur de légumes au marché Mehrgon à Douchanbé, la capitale du Tadjikistan, le 1er avril 2024 © AFP Amir ISAEV

Douchanbe (Tadjikistan) (AFP) – Un immense portrait du président du Tadjikistan, Emomali Rakhmon, une abondance de fruits et légumes à ses côtés, le tout barré d’un slogan « Assurons la sécurité alimentaire ! »: l’objectif a beau s’afficher aux quatre coins du Tadjikistan, il est loin d’être atteint dans ce pays d’Asie centrale particulièrement vulnérable au changement climatique.

A travers les villes et villages de cet État rural frontalier de la Chine et de l’Afghanistan, le dirigeant Rakhmon apparaît partout sur des affiches tout sourire, tenant en main d’immenses grappes de raisin, rompant le pain, vérifiant la cuisson d’un plat national, ou encore au milieu d’un champ de blé.

Mais la question de la sécurité alimentaire est tout sauf anecdotique : elle a récemment été portée au rang d' »objectif stratégique national » au Tadjikistan, où la faible productivité de l’agriculture couplée aux aléas climatiques menacent les quelque dix millions d’habitants.

Malgré des progrès, un tiers de la population souffre encore de sous-alimentation -un record en Asie centrale- et la moitié de la nourriture est importée, selon le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies, qui souligne que « la sécurité alimentaire du pays est à la merci des fluctuations brutales de prix ».

Alors M. Rakhmon, au pouvoir depuis 1992, le martèle : « Chaque famille doit posséder jusqu’à deux ans de réserves alimentaires ».

Halte au gaspillage –

Ce que tentent de faire, tant bien que mal, des Tadjiks interrogés par l’AFP à Douchanbé, la capitale.

« A la maison, on a trois sacs de farine, des pommes de terre, des oignons, du beurre, ça suffira pour l’hiver », dit Zarif Gaforov, plombier. « Mais je ne peux pas faire des réserves pour deux ans, il n’y a rien pour stocker, tout se gâterait », reconnaît le sexagénaire.

Mavtchouda Obedova, rencontrée dans un supermarché, assure « essayer de faire des réserves d’eau, de farine, de céréales comme le conseille le président ».

Mais économiser reste impossible pour la majorité des Tadjiks, avec un salaire moyen mensuel inférieur à 200 euros, le plus bas des ex-républiques soviétiques.

« Nous achetons de la nourriture au jour le jour. Si nous gagnions plus d’argent, on ferait des réserves », résume Mavzouna Tchakalova, infirmière d’une trentaine d’années, alors qu’environ 60% du budget des ménages est utilisé pour se nourrir, trois fois plus qu’en France.

Et gare au gaspillage, interdit par la loi: en mars, un fonctionnaire a été arrêté à Pendjikent (ouest) pour avoir « organisé une célébration avec une centaine d’invités » où « plusieurs plats ont été préparés ».

Le président a même invoqué le Coran pour récriminer les gaspilleurs, qui « entravent la hausse du niveau de vie de la population ».

Montagnes de fruits

Dans sa lutte contre l’insécurité alimentaire, le Tadjikistan a le malheur d’être, de tous les pays d’Asie centrale, le plus touché par les catastrophes naturelles.

Une tendance aggravée par le changement climatique : glissements de terrains détruisant des terres arables, fonte des glaciers entraînant la sécheresse, qui elle-même accélère l’érosion des sols…

« Les appels du président à faire des réserves de nourriture, comme du blé ou des aliments en conserve, sur fond de changement climatique sont importants », insiste auprès de l’AFP Bakhodour Rakhmonalizoda, fonctionnaire au Comité tadjik pour la sécurité alimentaire.

« Au Tadjikistan, environ 70% de la population vit dans des zones rurales où l’accès à la nourriture peut être compliqué en cas de catastrophe naturelle », poursuit M. Rakhmonalizoda.

C’est pour cela que l’État stocke des réserves, dans des quantités et des lieux tenus secrets à travers le pays, indique-t-il.

Et pour ne rien arranger, l’agriculture -qui compte encore pour environ 23% du PIB et emploie 60% de la population tadjike- reste largement improductive, d’après les organisations internationales.

« Nous devons travailler plus dur, utiliser la terre et l’eau de façon efficace, produire autant de produits que possible », a insisté fin mai M. Rakhmon, exhortant les agriculteurs à « contribuer plus que jamais à protéger la sécurité alimentaire du pays ».

Cela ne l’empêche pas de mettre en scène une abondance de nourriture, notamment lors des fêtes nationales ou des visites de dirigeants étrangers, accueillis avec des montagnes de pommes de plusieurs mètres de haut, des parterres de raisins, pastèques ou melons élégamment disposés.

Le président russe Vladimir Poutine avait été particulièrement gâté pour son 70e anniversaire en 2022, avec six camions de fruits offerts.

© AFP

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