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En Inde, des villages meurent de soif pour faire boire Bombay

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Des villageoises portent des pots d'eau dans le district de Shahapur, dans l'Etat du Maharashtra, le 26 mai 2024 en Inde © AFP Indranil MUKHERJEE

Navinwadi (Inde) (AFP) – « Les habitants de Bombay boivent notre eau », accuse Sunita Pandurang Satgirune, dont le village meurt de soif à une centaine de kilomètres de la capitale économique de l’Inde.

Un lourd pot rempli d’eau nauséabonde sur la tête, la villageoise de 35 ans affirme passer jusqu’à six heures par jour, au plus fort de l’été, à aller s’approvisionner en eau.

« Chercher de l’eau occupe toutes nos journées et nos vies », se lamente Mme Satgir qui doit faire « quatre à six allers-retours quotidiens » faute de raccordement direct au réseau d’eau du village de Navinwadi.

« Les habitants de Bombay boivent notre eau, mais personne, y compris le gouvernement, ne s’intéresse à nous ou à nos demandes », fustige-t-elle encore.

La mégapole de l’ouest du pays est alimentée par une immense infrastructure de réservoirs reliés par des canaux et des canalisations sur une centaine de kilomètres.

Selon des experts, en raison d’un défaut de planification, le réseau n’est souvent pas relié aux centaines de villages de la région et des districts voisins, qui dépendent donc des puits traditionnels.

Or la demande est largement supérieure aux maigres ressources.

Dans le pays le plus peuplé du monde, avec plus de 1,4 milliard d’habitants, le niveau des nappes phréatiques diminue, le changement climatique entraînant des précipitations irrégulières et des sécheresses plus intenses et plus longues.

 Puits asséchés

Les puits s’assèchent rapidement sous l’effet de la chaleur extrême. Cette année, les températures ont dépassé les 45°C.

Quand son puits est à sec, Navinwadi doit compter sur un camion-citerne du gouvernement, avec un approvisionnement irrégulier, deux ou trois fois par semaine.

L’eau livrée est en outre non traitée : elle provient d’une rivière où les gens se lavent et où vagabondent les animaux.

La cheffe adjointe du village, Rupali Bhaskar Sadgir, 26 ans, affirme que les habitants sont souvent malades à cause de l’eau.

« Depuis des années, nous demandons aux gouvernements de veiller à ce que l’eau disponible dans les barrages nous parvienne également », dit-elle, mais la situation « ne fait qu’empirer ».

Les immenses réservoirs de la région fournissent environ 60% de l’eau à Bombay, selon les autorités locales.

Les autorités gouvernementales, tant au niveau de l’Etat qu’à New Delhi, se déclarent déterminées à s’attaquer au problème et ont annoncé à plusieurs reprises des programmes visant à résoudre la crise de l’eau.

Toutefois, pour l’instant « rien n’a changé » pour les villageois, s’insurge encore Sunita Pandurang.

Le groupe de réflexion NITI Aayog, dirigé par le gouvernement, prévoit une « chute brutale d’environ 40% de la disponibilité d’eau douce d’ici à 2030 », dans un rapport publié en juillet 2023.

Il met également en garde contre « l’aggravation des pénuries d’eau, l’épuisement des nappes phréatiques et la détérioration de la qualité des ressources ».

 « Rythme insoutenable »

Les ressources en eaux souterraines « s’épuisent à un rythme insoutenable », ajoute le rapport, précisant qu’elles représentent environ 40% des réserves totales en eau.

Selon Himanshu Thakkar, du Réseau d’Asie du Sud sur les barrages, les rivières et les populations, une organisation militant pour le droit à l’eau, cette histoire se répète « dans tout le pays ».

« Alors que les projets sont planifiés et justifiés pour les régions sujettes à la sécheresse et leurs habitants, la plupart d’entre eux finissent par n’approvisionner que les zones urbaines et les industries qui sont loin », déplore-t-il.

Le Premier ministre Narendra Modi a annoncé un programme visant à fournir de l’eau courante à chaque foyer en 2019.

A Navinwadi, les habitants se sont cependant résignés à vivre avec un approvisionnement très rationné.

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Lorsque le camion-citerne arrive, des dizaines de femmes et d’enfants sortent en courant avec des casseroles, des poêles et des seaux.

Santosh Trambakh Dhonner, un ouvrier de 50 ans, se joint à la bousculade car « plus il y a de mains, plus il y a d’eau à la maison ».

« Nous ne vivons pas avec de grandes ambitions », explique Ganesh Waghe, un jeune habitant de Naviwadi. « Nous rêvons simplement d’avoir de l’eau le matin suivant ».

© AFP

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