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Les forêts françaises, « laboratoires » pour des crédits carbone exigeants

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Des arbres du parc national de Chambord, dans le Loir-et-Cher, le 2 juillet 2022 © AFP/Archives GUILLAUME SOUVANT

Château de Chambord (France) (AFP) – Chêne adulte, 150 ans, bonne santé, 70 cm de diamètre et toujours en pleine croissance: « c’est au minimum quatre tonnes de CO2 ». Au lieu de le couper, le propriétaire forestier va s’engager à le conserver, en échange de crédits carbone.

« On peut l’emmener jusqu’à 90 cm » et augmenter le stock de CO2 absorbé par l’arbre au lieu d’en relâcher une partie en l’abattant, explique Philippe Gourmain, cofondateur de La Belle Forêt, qui propose aux entreprises des crédits carbone certifiés issus de la forêt française.

Sur les 4.280 hectares de la forêt qui entoure le célèbre château de Chambord — l’équivalent de la moitié de Paris — 811 sont « récoltables » et en bonne santé.

Face à la dégradation de sa forêt, fragilisée par le changement climatique, ce domaine national classé a dû trouver des « ressources innovantes » pour financer son adaptation. Il a décidé de devenir « un laboratoire » pour une nouvelle méthodologie, raconte son directeur général Pierre Dubreuil.

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Selon le plan de La Belle Forêt, 90% des 811 hectares éligibles ne seront pas coupés ces trente prochaines années et le CO2 ainsi conservé génèrera quelque 54.000 crédits carbone sur 15 ans, équivalant chacun à une tonne de carbone stockée par le bois.

EDF a acheté le premier lot de 18.000 crédits, pour 1,8 million d’euros, pour compenser les émissions liées à la construction et l’exploitation d’une centrale nucléaire voisine.

Cet argent financera la plantation d’essences plus résistantes au changement climatique et la protection de la biodiversité à Chambord.

Défier les critiques

Les crédits carbone sont des outils financiers controversés: nombre d’études ont montré leur inefficacité pour empêcher la déforestation des forêts tropicales, en raison de méthodologies trop laxistes.

Mais pour tenter d’enrayer l’érosion des capacités de séquestration de CO2 des forêts françaises, quelques start-up comptent sur les revenus des crédits carbone pour motiver les propriétaires privés (75% de la superficie) et publics (25%) à adopter une gestion forestière « orientée carbone », avec des méthodologies plus exigeantes et adaptées aux spécificités locales.

L’avantage des forêts françaises de plus de 20 hectares est qu’elles disposent d’un plan détaillant les coupes prévues sur plusieurs années. Il est donc plus facile de mesurer le CO2 stocké en plus si ces coupes sont empêchées, contrairement à l’Amazonie, difficile à réglementer.

Grâce à des repères répartis dans la forêt autour desquels la taille des différents arbres est mesurée, La Belle Forêt estime le volume moyen de carbone stocké. Un vérificateur indépendant, Ecocert, repasse ces mesures au peigne fin.

La start-up utilise ensuite des hypothèses conservatrices sur des risques comme la sécheresse ou les incendies, mais aussi le dépérissement des arbres, explique Sabine Barets, ingénieure et directrice R&D. Le nombre de crédits générés est réduit proportionnellement à ces risques.

Enfin, l’entreprise place un pourcentage des crédits restants sur un compte fonctionnant comme une mutuelle, qui permet de compenser un éventuel incendie d’une des forêts.

 « Précurseurs »

Le prix du crédit est ensuite rehaussé en fonction de la « note biodiversité » du propriétaire forestier, de la notoriété de la forêt et de l’exclusivité du contrat: 100 euros la tonne pour Chambord, bien loin des quelques centimes payés pour des crédits « fantômes » en Amazonie, dénoncés par des ONG.

« Ils ont été précurseurs avec leur méthodologie » très « sévère » qui intègre aussi des actions pour préserver la biodiversité (conservation des arbres morts ou refuges pour la faune, entretien des mares, interdiction des éoliennes…), affirme Séverine Gaubert, responsable de l’innovation au sein de Bureau Veritas, qui a certifié les crédits de La Belle Forêt, après avoir fait valider sa méthode par ses experts mais aussi des ONG.

La start-up a rapidement écarté les certificateurs américains Verra et Gold Standard, aux méthodologies critiquées. Elle voulait aussi « garder la main sur la vente des crédits », raconte son cofondateur Matthieu de Lesseux, qui interdit à ses clients de les revendre pour spéculer, chose assez rare sur ce marché.

« Spéculer sur des stocks de carbone additionnels, c’est difficile à concevoir pour un forestier », abonde Étienne Guillaumat, directeur de la chasse et de la forêt à Chambord, où il constate déjà les bénéfices de cette nouvelle gestion.

Avec 46.000 hectares sous contrat (sur 17 millions d’hectares en France métropolitaine), La Belle Forêt voudrait rallier davantage de petits propriétaires et, à plus long terme, viser des marchés dans l’est de l’Europe.

En revanche, celles du sud du continent « sont déjà trop menacées pour être éligibles », affirme Philippe Gourmain. Et les forêts tropicales, au potentiel de stockage de CO2 pourtant bien plus important, « ne correspondent pas à nos méthodes ».

© AFP

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