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Libye : jadis fertile, une zone montagneuse en proie au dérèglement climatique

lybie fertiel jadis

M'hamed Maakaf arrose un figuier avec de l'eau tirée d'un puits dans son champ en Libye, le 26 mai 2024 © AFP Mahmud TURKIA

Kabao (Libye) (AFP) – M’hamed Maakaf verse un bidon d’eau sur un figuier qu’il s’échine à maintenir en vie sur un plateau du Djebel Nefoussa, en Libye, où le dérèglement climatique pousse des villageois à abandonner leurs terres et élevages.

Les champs autour du village de Kabao étaient encore « verdoyants et prospères jusqu’au début du millénaire et les gens aimaient venir s’y promener », explique à l’AFP cet agriculteur de 65 ans, en tunique et sarouel traditionnels blancs.

Située à 200 kilomètres au sud-ouest de Tripoli, cette zone « très pluvieuse jusqu’à la décennie 1986-1996 », selon lui, était connue pour ses plantations d’oliviers, figuiers et amandiers.

Aujourd’hui, le spectacle est désolant: au milieu d’un désert rocailleux battu par le vent, les arbustes, souffrant du manque de pluies et de températures dépassant les normales saisonnières, peinent à produire des fruits ou sont complètement asséchés.

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La Libye, dont plus de 90% de la superficie est désertique, est l’un des six pays les plus secs au monde, selon l’ONU, avec des précipitations annuelles tombées de 400 mm en 2019, à 200 mm sur le littoral et une demande en eau bien supérieure à la disponibilité.

Le Djebel Nefoussa, région montagneuse de l’ouest de la Libye, qui culmine à 968 mètres d’altitude abrite environ un demi-million de personnes sur une population de 7 millions.

Mélange de villages arabes et berbères, le massif et les plaines se vident progressivement de leurs agriculteurs, chassés par le stress hydrique qui s’est accentué ces dernières années.

 « Exode »

« Il ne s’agit pas seulement d’une pénurie d’eau ou de cultures qui se meurent à cause de la sécheresse. Il y a une dimension démographique et humaine avec l’exode de centaines de familles vers la capitale et les villes côtières », déplore Mourad Makhlouf, maire de Kabao.

« La vie en montagne est désormais très exigeante et coûteuse », ajoute-t-il.

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La plupart des éleveurs ont vendu leurs moutons ou chèvres pour éviter de les voir mourir.

« Comment peut-on supporter cette situation qui pousse les éleveurs à vendre leurs bêtes parce qu’elles leur coûtent (en eau et nourriture) le double de leur valeur? », explique Suleiman Mohamad, un fermier de Kabao, pour qui « vivre sans eau, c’est une mort certaine ».

Sans pluie, les nappes phréatiques ne sont plus alimentées et la sécheresse détruit les oliveraies.

« Des milliers d’oliviers sont morts, certains hérités de nos aïeux et vieux de 200 ans », se désole M. Maakaf, devant un amas de troncs secs.

« Avec d’autres villageois, nous venons arroser nos parcelles deux à trois fois par semaine mais l’eau coûte cher », souligne le sexagénaire.

Un ballet incessant de camions-citernes, entre la station de pompage située dans la vallée et les villages des hauteurs, leur permet de tenir.

Grâce à des fonds publics, la municipalité vend de l’eau aux habitants à un prix subventionné de 25 dinars (environ 5 euros) par cargaison de 12.000 litres, c’est « l’une des solutions proposées avec les puits et les réservoirs », explique le maire.

Par contre, lorsque les convoyeurs sont des entrepreneurs privés, « le camion qui achemine l’eau sur 40 ou 50 km de distance, demande 150 à 160 dinars » (environ 30 euros) pour une cargaison, selon M’hamed Maakaf.

 « Menaces émergentes »

Faute de pluies suffisantes, la manne précieuse provient de la Grande Rivière Artificielle, un projet pharaonique réalisé dans les années 80 sous le régime de Kadhafi, qui constitue aujourd’hui la principale source d’approvisionnement en eau en Libye.

Puisant l’eau fossile non renouvelable des nappes aquifères au coeur du désert dans le sud du pays, des tuyaux géants la transportent vers les villes et régions du nord, fournissant environ 60% des besoins du pays.

« Le manque d’eau est l’une des plus grandes menaces émergentes à laquelle fait face la Libye » qui doit « prendre des mesures pro-actives » contre la sécheresse, le risque de désertification et l’élévation du niveau de la mer, estime le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Si le pays nord-africain a signé la Convention de l’ONU sur les changements climatiques en 2015 et ratifié l’Accord de Paris sur le climat en 2021, il n’a présenté ni stratégie de réduction des risques, ni plan d’adaptation au changement climatique.

« La sécheresse ne concerne pas uniquement le Djebel Nefoussa mais tout le pays. La Libye a besoin d’un plan de secours (…) qui ne sera pas la solution à tout mais permettra de s’adapter », estime le maire de Kabao.

© AFP

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