Indonésie: le rhinocéros de Java en très grand danger après une vague de braconnage

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Image tirée d'une vidéo du 22 mai 2020 publiée par le ministère de l'Environnement et des Forêts, le 20 septembre 2020, montrant un rhinocéros de Java (d) et un jeune rhinocéros de Java mâle nommé Luther (g) dans le parc national d'Ujung Kulon, en Indonésie © Ministère indonésien de l'Environnement et des Forêts/AFP/Archives Handout

Jakarta (AFP) – En 2023, la naissance d’un rhinocéros de Java, en Indonésie, avait suscité des espoirs pour une espèce hautement menacée. Un an plus tard, le risque de disparition de l’animal chassé pour ses cornes est réel, sous la menace des braconniers.

Depuis le début de l’année, pas moins de six braconniers présumés ont été arrêtés, mais huit d’entre eux sont toujours en fuite.

Ils sont soupçonnés d’avoir abattu pas moins de 26 rhinocéros depuis 2018, convoités pour leurs cornes vendues ensuite en Chine où elles sont utilisées en médecine traditionnelle.

Un braconnier qui a réussi à échapper à la police disposait, selon les autorités, de données récentes sur les rhinocéros vivant dans le parc national d’Ujung Kulon à Java, le seul endroit au monde où l’espèce est encore présente à l’état sauvage, ce qui fait craindre une complicité interne.

Un premier groupe de braconniers a admis que 22 animaux avaient été tués et leurs cornes vendues tandis que quatre autres animaux ont été abattus par un second groupe de chasseurs.

« C’est un chiffre énorme », a déclaré Nina Fascione, directrice de l’ONG International Rhino Foundation, se disant « choquée et dévastée ».

Les rhinocéros de Java, dont la peau aux larges plis fait penser à une armure, se comptaient autrefois par milliers en Asie du Sud-Est mais ils ont beaucoup souffert du braconnage et de la réduction de leur espace de vie en raison des activités humaines.

Les rhinocéros sont recherchés pour leurs cornes, composées de kératine et très prisées en Chine et dont chaque exemplaire peut se négocier 500 millions de roupies (28.400 euros) auprès des braconniers.

Mais si la traque au rhinocéros pour sa corne est pratiquée dans d’autres régions, le rhinocéros de Java échappait jusqu’alors à ce fléau.

« Le braconnage du rhinocéros de Java est vraiment une préoccupation nouvelle », a ainsi déclaré Timer Manurung, directeur de l’ONG environnementale locale Auriga Nusantara, qui suit de près l’espèce.

Le braconnage de l’animal avait rarement été signalé au cours des dernières décennies à Java, l’île la plus peuplée d’Indonésie.

Mais l’année dernière, l’ONG avait signalé des signes inquiétants laissant penser que des braconniers opéraient dans le parc national d’Ujung Kulon : des collets y avaient été découverts et un rhinocéros mort avait été découvert, un trou dans la tête.

– Soupçons de complicité –

Plus grave encore, « il existe plusieurs indications d’une aide interne », ayant également permis à l’un des braconniers recherchés d’échapper à la police à quelques heures d’une intervention à son domicile, lequel braconnier disposait de données récentes sur la localisation des rhinocéros, a expliqué M. Manurung

© AFP
Photo diffusée le 26 avril 2018 par le ministère indonésien de l’Environnement d’agents de la faune inspectant le corps d’un rhinocéros mâle trouvé dans le parc national d’Ujung Kulon, dans l’ouest de Java, en Indonésie
© Ministère indonésien de l’Environnement/AFP/Archives Indonesia Environment Ministry
Pour Muhammad Ali Imron, responsable du programme Forêts et faune sauvage de l’ONG WWF Indonésie, il faut mener une « évaluation complète » de toutes les personnes impliquées dans la conservation du rhinocéros pour éviter toute collusion potentielle avec les braconniers.

Les forces de l’ordre indonésiennes n’ont pas encore confirmé l’existence d’une complicité interne, mais Mme Fascione souligne que dans d’autres endroits, les braconniers ont souvent agi avec l’aide d’employés censés protéger les animaux.

« Il suffit que quelqu’un ait des problèmes financiers (…) et un besoin urgent d’argent rapidement », a-t-elle expliqué, estimant que « le problème existe partout ».

Les premières informations faisant état de soupçons de braconnage ont commencé à émerger en avril, mais ce n’est que début juin que la police a présenté les suspects aux médias.

Début juin, un tribunal indonésien a condamné un braconnier à 12 ans de prison pour avoir tué au moins six rhinocéros.

Le parc national a dans le même temps renforcé la sécurité avec des patrouilles 24 heures sur 24.

– Chiffres incertains –

La question est maintenant de savoir combien de rhinocéros de Java subsistent dans le parc.

Avant même que le braconnage ne soit révélé, des doutes avaient été émis sur l’estimation officielle du nombre d’animaux à l’état sauvage.

Sur la base de l’observation des traces et selon les pièges photographiques, la population se situait entre 76 individus en 2021 et 80 en 2022, a indiqué à l’AFP Satyawan Pudyatmoko, directeur général des Ressources naturelles et de la conservation des écosystèmes d’Indonésie.

Malgré les récents braconnages, la population actuelle pourrait se chiffrer à 82 individus, grâce aux récentes naissances.

Des chiffres tempérés par l’ONG Auriga qui indiquait l’an passé que l’existence de seulement 63 individus avait été confirmée par des observations en 2018.

Le nombre réel de rhinocéros de Java encore vivants et à l’état sauvage pourrait donc être plus proche des 50 individus.

Pour M. Manurung, une évaluation immédiate, « transparente et crédible » de l’espèce est désormais nécessaire.

L’espèce est menacée depuis des décennies. Le rhinocéros a ainsi disparu de son dernier refuge hors d’Indonésie, au Vietnam, en 2010, en raison du braconnage.

Mais les défenseurs de l’environnement ne perdent pas encore espoir pour l’espèce en Indonésie où la population a été sauvée, après avoir déjà failli disparaître.

En mars, un spécimen âgé d’environ trois mois a été repéré par caméra à Ujung Kulon, montrant que l’espèce se reproduit toujours correctement.

« Les rhinocéros de Java savent quoi faire », souligne Mme Fascione. « Ils ont juste besoin d’être protégés. »

© AFP

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