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Sur le plateau de Millevaches, l’âpre bataille de la forêt

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Un tas de bois coupé sur le plateau des Millevaches, à Tarnac (Corrèze), le 5 juin 2024 © AFP Pascal LACHENAUD

La Villedieu (France) (AFP) – Arpentant les chemins du plateau de Millevaches avec son chien, Corinne (prénom modifié) est à l’affût des dernières coupes rases: dans la forêt limousine, des habitants dénoncent les pratiques de coopératives sylvicoles et les projets industriels de la filière.

« Ici, le petit ruisseau en contrebas a été défoncé par les machines et là, on voit des taches d’huile. On est en train de massacrer notre environnement », fulmine cette quinquagénaire devant une parcelle d’une cinquantaine d’hectares recouverte de souches et de branchages d’épicéas récemment mis à terre.

« On ne veut pas mettre la forêt sous cloche mais on réclame des pratiques responsables », ajoute cette « guetteuse » du Syndicat de la Montagne limousine, l’un des nombreux collectifs mobilisés localement.

De jeudi à samedi, l’organisation accueillera à Royère-de-Vassivière la deuxième « assemblée des forêts vivantes », dans ce territoire aux confins de la Creuse, de la Corrèze et de la Haute-Vienne où « l’industrialisation » de la sylviculture est à l’œuvre.

En témoignent d’innombrables amoncellements de grumes au bord des chemins, prêtes pour l’expédition.

« Entre 200 à 300 camions passent tous les jours sur la commune », déplore le maire PS de Meymac Philippe Brugère, devant une vaste parcelle hachurée d’andains (alignements de déchets forestiers).

« Omerta »

Président du Parc naturel régional de Millevaches, l’élu évoque des coupes « quotidiennes » sur ce territoire abritant des zones Natura 2000, qui font disparaître « des milliers de mètres cubes de bois », exportés notamment « vers la Chine ».

Pour lui, ce « pillage » de la forêt recouvrant un tiers du Limousin va de pair avec une « omerta » sur la gestion des forêts, privées à 95% dans la région et dont les propriétaires détiennent en moyenne trois hectares.

L’exploitation s’est accélérée « ces quatre dernières années » en raison d’une demande tendue et d’une hausse des prix du bois, liée notamment à la guerre en Ukraine, relève Marc Deconchat, écologue des paysages forestiers à l’Inrae.

Autre facteur, l’arrivée « à maturité économique » de peuplements d’arbres d’une cinquantaine d’années, récoltés au même moment. Sur le plateau, les landes de bruyère originelles ont laissé place depuis longtemps à une forêt de production de résineux (28% des essences).

Selon le scientifique, la multiplication des coupes rases – critiquées pour leurs effets sur les sols – serait aussi favorisée par un « effet pernicieux » du plan gouvernemental visant à planter un milliard d’arbres plus adaptés au changement climatique.

« Écocide »

Une « supercherie » rasant des forêts « bien portantes » au profit du pin douglas, essence prisée des industriels, accuse l’association écologiste Canopée.

« La forêt limousine recule. En Creuse, le volume de bois sur pied décroit chaque année de 0,2 million de mètres cubes », affirme son porte-parole, Bruno Doucet.

Points d’orgue de la contestation: l’extension d’une méga-scierie à Égletons (Corrèze) et l’implantation d’une usine de granulés de bois à Guéret.

Un projet « écocide » pour la députée LFI Catherine Couturier: « les coupes rases vont être encore plus importantes » pour alimenter cette usine « à plus de 70% en feuillus », assure l’auteure d’une proposition de loi transpartisane sur le sujet.

Une manifestation nationale prévue dimanche a été reportée à l’automne en raison des élections législatives.

« On n’est pas des coupeurs de bois », rétorquent les coopératives forestières, regroupant plusieurs dizaines de milliers de propriétaires. Elles dénoncent le sabotage d’abatteuses en pointant l’ultragauche implantée alentour.

« Réussite économique »

Dans le Limousin, « 85% des coupes sont des coupes d’éclaircie. La surface de résineux a diminué de 20% en 30 ans. Il n’y a pas de phénomène d’enrésinement », argue Benoît Rachez, directeur général d’Unisylva, associée à Biosyl pour l’usine de pellets.

« C’est un débouché pour les petits bois, qui va améliorer la vitalité et la croissance de la forêt, essentielle pour la captation de carbone. »

« Ce n’est pas parce qu’un chirurgien rate une opération qu’il faut jeter la chirurgie avec l’eau du bain. On s’améliore constamment », abonde Lionel Say de la Coopérative forestière Bourgogne Limousin.

Il met en avant une évolution des techniques comme celle de l’éco-reboisement, « permaculture » maintenant au sol le bois coupé, qui « gagne du terrain » chez les propriétaires.

« On arrive sur la première génération de forêt plantée à exploiter, contestée lors de sa plantation et contestée aujourd’hui parce qu’on l’exploite », soupire Stéphane Viéban, directeur général d’Alliance Forêts Bois, premier groupe coopératif français. « Alors que c’est une réussite économique pour ce territoire. »

Et de justifier la « nécessaire mécanisation » de la sylviculture en termes de rentabilité et de pénibilité: « On ne reviendra pas au bûcheron d’antan, courbé en deux avec sa hache dans les broussailles ».

© AFP

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