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Dans le grenier à blé de Turquie, la sécheresse avale les sols

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Vue aérienne d'une doline causée par la sécheresse dans un champ à Karapinar en Anatolie centrale, province turque de Konya, le 24 juin 2024. © AFP Yasin AKGUL

Karapınar (Turquie) (AFP) – Fatih Sik sait que la mort est tapie sous ses pieds depuis que deux immenses trous se sont formés dans son champ de maïs. Mais l’agriculteur a appris à vivre avec la peur, car partir n’est pas une option.

« Lorsque je suis sur mon tracteur, je ne peux m’empêcher de penser que (le sol) peut s’effondrer et je sais que la mort m’attendra au fond », confie ce fermier de 45 ans à l’AFP à Karapinar, dans la province de Konya (centre), le grenier à blé de la Turquie.

« Mais je dois continuer à travailler, sinon ma famille mourra de faim », se résigne-t-il.

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Les dolines existent depuis des siècles dans cette région, mais leur nombre a cru ces dernières années sous l’effet de la sécheresse et de la surexploitation des nappes phréatiques, selon les experts.

Invisibles de loin, ces cavités, qui se forment là où l’eau souterraine dissout le substrat rocheux, peuvent être profondes de 50 mètres.

« Une des causes majeures des dolines est le changement climatique », explique Arif Delikan, professeur à l’Université technique de Konya, qui a dénombré 640 dolines dans la province de Konya, dont 600 dans le district de Karapinar.

De concert avec les autorités, il a identifié 2.700 zones à risque.

« Environ 20 trous se sont formés en un an à Karapinar », ajoute le spécialiste, marteau à la main pour sonder le sol au bord du gouffre d’une doline.

 « Effrayant »

L’an dernier, Adem Ekmekci se trouvait dans un de ses champs lorsque la terre a manqué de l’avaler.

« Mon pied a soudainement glissé. J’ai regardé le sol et j’ai vu des fissures », raconte cet agriculteur de 57 ans, dont les 10 hectares de terre ont vu se créer deux dolines en trois ans, large chacune d’environ 50 mètres.

« Quand je suis revenu, le sol s’était effondré et plusieurs arbres avaient été emportés. C’était vraiment effrayant. »

Une autre doline s’était formée à 10 mètres de sa maison en 2020. Le sol s’est « affaissé de 20 mètres », explique-t-il, disant avoir eu trop peur pour pouvoir dormir chez lui cette nuit-là.

Mais sans nulle part où aller, lui aussi a appris à vivre avec la peur, qui s’est installée chez les habitants de la région, bien qu’aucun n’ait encore été tué ou blessé.

 Puits illégaux

La crainte est d’autant plus forte que les précipitations ont été 40% inférieures à la moyenne cet hiver dans la province de Konya, la première en Turquie pour la production de blé, de maïs et de betteraves à sucre.

« Des jours difficiles nous attendent », affirme Yigit Aksel, un agriculteur qui sait que l’irrigation, précieuse pour ces cultures gourmandes en eau, est en partie responsable du problème.

Face au manque de précipitations, certains fermiers ont foré des puits illégaux, fragilisant plus encore le substrat rocheux.

Selon Arif Delikan, la sécheresse qui s’est accrue depuis deux décennies dans la région a accentué la pression sur les eaux souterraines.

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« L’eau qui était à la surface il y a 30 ans se trouve aujourd’hui 40 mètres sous terre », explique-t-il.

En une décennie, le lac Meke, un lac de cratère de Karapinar, s’est lui asséché et couvert de sel.

Tourisme

Des entrepreneurs essaient toutefois de transformer ce sol aux airs de gruyère en opportunité.

Fin juin, l’un d’eux, Cem Kinay, a ouvert un hôtel de luxe de 13 chambres dans un caravansérail seldjoukide vieux de 800 ans, situé au bord du gouffre le plus ancien et célèbre de Turquie.

À demi rempli d’eau, la doline ressemble à un lac. « C’est la première fois que je vois ça, c’est impressionnant », s’exclame, fasciné, Seongmo Kim, un touriste sud-coréen.

Mais dans cette doline aussi l’eau se raréfie.

Le grand-père de Gumus Uzun, une villageoise, lui racontait que le gouffre servait il y a soixante ans à abreuver les moutons et laver les vêtements.

À l’époque, le niveau de l’eau était beaucoup plus élevé, dit-elle. « Aujourd’hui, il ne cesse de baisser ».

© AFP

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