Gilles Macagno est l’auteur et illustrateur de plusieurs bandes dessinées (BD) qui abordent de près ou de loin les sciences naturelles. Véritable passionné des animaux, il a publié Mauvaise réputation en 2022, une BD qui déconstruit de nombreuses idées reçues sur les animaux mal-aimés. Des loups aux méduses, en passant par les moustiques et les corbeaux, Gilles Macagno tente, avec humour, de réconcilier les lecteurs avec tout un tas d’animaux précédés par leur mauvaise réputation. Dans cet entretien avec GoodPlanet Mag’, il revient sur les aprioris négatifs que l’on peut avoir vis-à-vis certains animaux, les causes de cette méfiance et les conséquences de celle-ci.
Mauvaise réputation, une BD pour sensibiliser
Comment vous est venue l’idée de Mauvaise réputation, une BD sur les animaux mal-aimés ?
Je fais des livres sur les animaux depuis des années et, à chaque fois, j’essaie de chercher de nouveaux thèmes. Il y a de nombreux animaux mal-aimés que j’apprécie beaucoup comme les renards, les loups et les corbeaux. Ces derniers sont souvent mal perçus par les humains. Naturellement, je me suis dit que je pourrais faire un bouquin sur ce sujet pour présenter ces animaux différemment.
Y a-t-il un animal mal-aimé que vous trouvez particulièrement fascinant, et pourquoi ?
Je trouve les araignées fascinantes parce que ce sont de tout petits animaux mais, plus on les étudie, plus on s’aperçoit qu’elles ont des comportements très riches. Par exemple, il y a des araignées qui trouvent le moyen de se déplacer en volant, elles produisent un fil qui est entrainé par le vent.
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« Les corbeaux ont des relations amoureuses, nouent des amitiés, se réconcilient, etc. »
Dans un autre registre, j’aime également beaucoup toute la famille des corbeaux. Ce sont des animaux très intelligents avec des comportements extrêmement variés. Plus les éthologues les étudient, plus ils les comparent aux chimpanzés. Ils savent utiliser des objets comme outils et ont des dialogues beaucoup plus complexes qu’on ne le pense. Les corbeaux ont des relations amoureuses, nouent des amitiés, se réconcilient, etc.
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« Ceux qui gardent l’image du loup dangereux sont les personnes qui ne veulent pas la changer »
Selon vous, les histoires telles que celle du petit chaperon rouge et du grand méchant loup jouent-elles un rôle important dans la construction de l’image que le grand public se fait des animaux ?
Je pense que ça joue un peu mais je ne suis pas sûr que ça joue un rôle majeur. En grandissant, on sait faire la distinction entre la réalité et les contes. Ceux qui gardent l’image du loup dangereux sont les personnes qui ne veulent pas la changer.
D’après vous, comment les biens culturels (films, livres, peintures, etc.) peuvent changer la perception négative du public à l’égard des animaux mal-aimés ?
Ils peuvent changer la perception du public en montrant de belles images. Plus l’image d’un animal est belle, plus les personnes voudront le préserver. L’idée n’est pas non plus de leurrer le public parce que les animaux peuvent être dangereux mais il faut montrer que cela fait partie de la vie.
Pensez-vous que la perception des humains vis-à-vis de certains animaux peut évoluer dans les prochaines années ?
Il y a des progrès dans ce domaine puisqu’on peut, par exemple, remarquer que l’image du renard commence à être un peu plus positive depuis peu, notamment dans les médias. Cela s’explique par de nombreuses années de militantisme et d’actions de la part d’associations. Je pense que les préjugés peuvent évoluer mais c’est un combat de longue haleine.
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Comprendre et repenser la cohabitation entre les espèces sauvages et les humains
« En tant qu’Européens privilégiés, on n’a pas trop de mal à cohabiter avec la nature puisque, de toute façon, on ne vit pas beaucoup dedans »
Vous écrivez « On aime le tigre, tant qu’il est loin », pensez-vous qu’une cohabitation harmonieuse entre les humains et la nature est véritablement possible ?
Je pense que c’est difficile. En tant qu’Européens privilégiés, on n’a pas trop de mal à cohabiter avec la nature puisque, de toute façon, on ne vit pas beaucoup dedans. Ce sont les agriculteurs qui rencontrent le plus de problèmes vis-à-vis de bêtes sauvages. Dans la BD, j’ai pris le cas du tigre parce qu’on est content d’en voir dans les zoos mais ce sont des animaux qui restent dangereux. Les populations indiennes qui vivent à proximité de ces animaux peuvent rencontrer des problèmes et ce alors que la cohabitation déjà.
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Aujourd’hui, le problème lié à la cohabitation réside dans le fait qu’il y a de plus en plus d’humains sur Terre. Par conséquent, il y a de moins en moins de place pour les animaux sauvages. Cela rend la cohabitation difficile mais il y a encore de l’espace sur Terre pour le monde sauvage et les activités humaines. Je crois qu’on doit pouvoir partager cet espace.
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« On ne laisse pas la nature tranquille, on en détruit certains aspects et on la déséquilibre »
Dans la BD, vous expliquez que les populations de tiques sont en augmentation à cause du réchauffement climatique qui leur permet d’avoir plus de cycles de reproduction. On comprend alors que les humains se plaignent d’animaux dont ils incitent indirectement la hausse de population. Pouvez-vous développer ce point ?
Effectivement, plus les périodes chaudes s’étendent dans l’année, plus les tiques peuvent souvent se reproduire. En plus du réchauffement climatique, la chasse des renards les aide à se reproduire puisque les rongeurs sont d’importants réservoirs à tiques. En tuant les prédateurs des rongeurs, on permet à la population de tiques d’augmenter. On ne laisse pas la nature tranquille, on en détruit certains aspects et on la déséquilibre. Tant pis pour nous si la population de tiques augmente.
« Accuser des animaux est une manière de se dédouaner des problèmes liés à un modèle agricole qui ne fonctionne pas aussi bien qu’on veut le croire »
Vous dénoncez le fait que les humains remettent parfois la faute sur les animaux pour justifier des problèmes d’ampleur. Pouvez-vous évoquer un exemple ?
Dans les journaux, on voit régulièrement un agriculteur mécontent parce que des corbeaux lui ont dévasté 2 ou 3 hectares du champ qu’il vient de semer. En réalité, une étude suisse a montré que les dégâts liés aux corbeaux n’engendrent même pas 1 % de pertes aux cultures. Ce ne sont pas tellement les graines qui intéressent les corbeaux, ce sont d’abord les vers. De plus, les corbeaux ne sont pas suffisamment nombreux pour faire autant de dégâts qu’on peut le laisser penser. Accuser des animaux est une manière de se dédouaner des problèmes liés à un modèle agricole qui ne fonctionne pas aussi bien qu’on veut le croire. En effet, les terres s’appauvrissent à force de mettre des engrais et de les semer en continu. Les productions agricoles sont moins bonnes alors il faut trouver un coupable donc on accuse les animaux ou la météo.
Quels peuvent être les impacts négatifs de la mauvaise réputation d’animaux sur leur conservation ?
En France, on lutte contre les loups car l’espèce y a très mauvaise réputation, auprès non seulement des éleveurs mais aussi, et surtout, auprès des chasseurs. On ne peut cependant pas dire que cette espèce va mal puisque sa population augmente depuis une trentaine d’années. Pour parler des dégâts des loups, si on regarde les faits, ils ne représentent que 0,2 % des brebis ou moutons tués chaque année. Ces animaux meurent essentiellement à cause d’accidents ou de maladies. C’est facile de mettre en cause les loups, compte tenu de leur image, mais je pense que les dégâts qu’ils occasionnent sont largement inférieurs à ce qu’on veut nous faire croire.
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Par ailleurs, on ne parle pas beaucoup des serpents mais je pense qu’il y en a de moins en moins. À mon avis, il y a encore de nombreuses personnes qui tuent une vipère si elles en croisent une. C’est la même chose pour les araignées : dès qu’on en croise une, on l’écrase sans raison. L’air de rien, je pense que les araignées sont de moins en moins fréquentes.
« La France est le pays d’Europe dans lequel il y a le plus d’espèces chassables »
Dans votre BD, vous évoquez le retard de la France en matière de protection des corbeaux freux. De manière générale, la France est-elle en retard dans la protection des animaux mal-aimés ?
La France est le pays d’Europe dans lequel il y a le plus d’espèces chassables : il y en a environ 90 alors qu’en Allemagne par exemple, il y en a deux fois moins. On continue de chasser des espèces qui sont protégées dans d’autres pays européens. C’est essentiellement dû au fait qu’il y a un très gros lobby de la chasse en France qui retarde beaucoup de politiques de préservation de la biodiversité.
« Il faut accepter cette diversité, même quand elle ne nous plaît pas forcément »
Quel message aimeriez-vous que les lecteurs gardent en tête après avoir lu votre BD ?
Le message que j’essaie de faire passer c’est que la vie est faite de diversité et elle en a besoin donc il faut accepter cette diversité, même quand elle ne nous plaît pas forcément. Les humains font partie du monde vivant, au même titre que les mouches et les moustiques donc il n’y a pas de raison de ne pas mieux tolérer les animaux qu’on le fait actuellement. On a besoin de préserver cette richesse.
Propos recueillis par Marion Lamure
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A voir aussi :
La BD Mauvaise réputation de Gilles Macagno – éditions Delachaux et Niestlé
Lancement de la Grande Cause de la biodiversité avec Make.org
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Francis
La température ambiante n’a aucune influence sur le cycle de reproduction des tiques: ils vivent, croissent et se reproduisent avec la température corporelle des animaux qu’ils parasitent. Ensuite, les corbeaux sont omnivores: ils mangent autant des graines que les vers de terre. J’épandais du maïs de consommation, du maïs à poules, sur mes champs avant la levée pour qu’ils ne s’attaquent pas à la semence facile à trouver quand le germe sort du sol. C’était efficace.