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A Chypre, la première pépinière flottante de corail en Méditerranée

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Des chercheurs installent dans les eaux de la méditerranée une pépinière flottante de corail, au large d'Ayia Napa, dans le sud-est de l'île de Chypre, le 20 juin 2024 © AFP Emily IRVING-SWIFT

Cape Greco (Chypre) (AFP) – Sanglés dans des combinaisons, trois chercheurs s’apprêtent à plonger dans les eaux cristallines de Chypre pour installer des coraux sur une pépinière flottante, une initiative inédite en Méditerranée visant à restaurer la population affectée par le réchauffement climatique et le surtourisme.

Au large d’Ayia Napa, dans le sud-est de l’île, ces Chypriotes collent, sur des bâtonnets numérotés, des fragments de coraux d’une espèce locale conservés pendant plusieurs semaines par le Département de la pêche et de la recherche marine de Chypre (DFMR).

Quelques minutes plus tard, ils s’affairent à environ cinq mètres de profondeur sur le filet d’une pépinière flottante située près du Cape Greco.

Le Dr Louis Hadjioannou, chercheur associé à l’Institut marin et maritime de Chypre (CMMI), responsable de la recherche sur le « Cladocora caespitosa », explique que cette espèce de corail de la Méditerranée a diminué depuis quelques années à cause du dérèglement climatique et qu’il veut la « restaurer ».

La restauration des coraux à Chypre a d’abord consisté à disposer des souches sur les fonds rocheux, leur habitat naturel, explique le scientifique de 41 ans. « Puis un expert israélien a eu l’idée d’essayer ces pépinières flottantes, car elles permettent de les maintenir à l’écart de leurs prédateurs », des « pathogènes » ou encore des « conséquences du tourisme non durable » le temps de leur croissance.

Le Cladocora caespitosa se trouve dans des zones très peu profondes à Chypre, généralement sur des roches situées de zéro à quatre mètres, et « les touristes peuvent marcher dessus », atteste l’expert.

« En les faisant flotter (…), on exclut donc certains des facteurs de stress », ajoute-t-il.

« Bons résultats »

Il s’agit de « la première étude pilote qui teste les pépinières flottantes en Méditerranée » pour évaluer leur efficacité, assure M. Hadjioannou.

Cette technique a pour la première fois été utilisée en 2000 en mer Rouge, dans le nord du golfe d’Eilat, près de la frontière jordanienne, raconte à l’AFP le professeur Buki Rinkevich, de l’Institut national d’océanographie de Haïfa, en Israël, qui l’a mise au point.

Elle a été testée à travers le monde, notamment en Thaïlande, aux Philippines, sur l’île Maurice, aux Seychelles, à Zanzibar, en Colombie ou encore en Jamaïque.

Les pépinières flottantes « ont donné de bons résultats » pour une centaine d’espèces de coraux différents, assure M. Rinkevich.

Au total, deux structures ont été installées dans deux aires marines protégées à Chypre, à Cape Greco et près de la station balnéaire d’Ayia Napa. Leurs imposants blocs d’amarrage sont respectivement situés à 11 et 17 mètres de profondeur.

Fin juin, dix fragments de coraux ont été installés sur chaque pépinière flottante et seront analysés tous les mois ou deux pour vérifier leur état.

L’objectif est d’en implanter au moins une centaine sur chaque pépinière pour cette étude de cas, dit Louis Hadjioannou.

« Dans un an, nous saurons si les coraux se portent bien ou non », et si c’est le cas, espère le scientifique, « nous recueillerons les fragments et les transplanterons sur des récifs naturels ».

« Grandes bioconstructions »

Cette expérience fait partie du projet « EFFECTIVE », lancé l’année dernière et financé par l’Union européenne, dont l’objectif est de « restaurer le capital naturel méditerranéen », explique à l’AFP Manos Moraitis, 36 ans, biologiste et chercheur associé au CMMI.

Les récifs de coraux font partie des écosystèmes les plus riches de la planète. Biotopes de nombreuses espèces, ils sont des garants de la biodiversité mais très sensibles aux changements environnementaux.

Les écosystèmes marins chypriotes sont menacés par le dérèglement climatique ainsi que par le tourisme de masse, le développement du littoral et la pollution agricole.

En 2015, après une vague de chaleur, « 30 à 40% des coraux » que les chercheurs chypriotes étudiaient sont « partiellement morts », affirme le Dr Hadjioannou.

« Avec l’aggravation de la crise climatique (…), un pourcentage encore plus élevé du tissu vivant du corail mourra », assure-t-il.

Le Cladocora caespitosa est une espèce « très importante » en Méditerranée, d’après lui, car elle est « capable de construire de grandes bioconstructions, proches de celles des récifs tropicaux ».

Si l’expérience se révèle efficace, dit-il, l’objectif est « d’essayer de reproduire ces pépinières de coraux dans d’autres régions » de la Méditerranée et « d’en déployer davantage à Chypre ».

© AFP

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