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En Indonésie, un peuple autochtone « encerclé » par l’industrie minière


Les usines de nickel du parc industriel de Weda Bay en Indonésie, le 7 juillet 2024 © AFP AZZAM RISQULLAH

Jakarta (AFP) – L’industrie du nickel en Indonésie menace un peuple autochtone qui se voit privé de ses moyens de subsistance, en raison de la déforestation et de la pollution générées par l’exploitation de ce minerai, alertent des ONG.

« Le monde est devenu apocalyptique pour les O’Hongana Manyawa », estime Callum Russell de l’ONG Survival International.

Sur l’île d’Halmahera, dans la province des Moluques du Nord, cette communauté autochtone qui évite tout contact avec le monde extérieur se trouve « encerclée » par la mine de Weda Bay, considérée comme le plus important gisement de nickel de la planète, selon Syamsul Alam Agus de l’Association des défenseurs des peuples indigènes.

Si certains se sont sédentarisés au fil des années, entre 300 et 500 membres de cette communauté mènent encore une vie nomade, vivant de la cueillette et de la chasse.

Ils sont « contraints d’abandonner » leur mode de vie et « sortent souvent pour quémander de la nourriture », dénonce M. Russell.

Leurs terres, d’où ils tirent leur nourriture, souffrent de la déforestation, ce qui les contraint à multiplier les contacts humains pour se procurer des vivres, au risque de s’exposer à de nouvelles maladies.

Malgré les conséquences de cette industrie sur l’environnement et les populations locales, le gouvernement indonésien souhaite accroître la production de nickel, élément clef de la fabrication d’acier inoxydable et utilisé dans les batteries de véhicules électriques.

Champion mondial de la production de ce minerai, l’Indonésie possède des gisements de nickel estimés à environ 21 millions de tonnes, soit plus de 20% des réserves mondiales.

« Notre maison »

Sur cette île, une rencontre entre des membres de cette communauté autochtone et des mineurs a été filmée puis diffusée sur les réseaux sociaux. Dans cette vidéo, apparaissent deux hommes, munis de lances, faisant face à des ouvriers et un bulldozer.

Une autre vidéo montre un homme et deux femmes semblant s’approcher des mineurs pour leur demander de la nourriture.

La cellule d’investigation numérique de l’AFP n’a pu vérifier ces vidéos, mais Dewi Anakoda, une militante écologiste locale qui se décrit comme une « camarade » des O’Hongana Manyawa, a confirmé leur authenticité.

« Ils ont toujours vécu dans la forêt. Ils disent +c’est notre territoire, c’est notre maison. Nous ne vous avons jamais dérangés, pourquoi nous dérangez-vous?+ », explique-t-elle.

Les gisements de cette gigantesque mine de nickel ont commencé à être exploités en 2019 par la société indonésienne PT Weda Bay Nickel.

Celle-ci est détenue majoritairement par Strand Minerals dont le géant minier français Eramet et le groupe chinois Tsingshan se répartissent les parts.

Selon Eramet, environ 6.000 des 45.000 hectares de la concession minière de Weda Bay seront exploités sur une période de 25 ans.

Déjà 1.400 hectares de forêts ont été abattus cette année sur la concession de Weda Bay, d’après l’ONG Climate Rights International.

Les autochtones voient ainsi leurs terres « spoliées, déforestées, excavées par des entreprises minières et des promoteurs sans leur consentement », détaille l’organisation.

En outre, des échantillons prélevés dans des rivières de la zone et les eaux du littoral ont révélé, selon l’ONG, la présence de métaux lourds, probablement liée aux opérations minières sur l’île.

Déforestation

Weda Bay Nickel et Tsingshan, ainsi que le ministère indonésien de l’Energie et des Ressources minérales, n’ont pas répondu aux sollicitations de l’AFP.

Eramet a pour sa part déclaré à l’AFP être « informé » de la présence du peuple des O’Hongana Manyawa et comprendre l' »extrême importance » que revêt une exploitation minière respectueuse du bien-être des populations locales.

Et de vanter les retombées économiques des activités minières, soulignant la création de 14.000 emplois et l’investissement de 1,4 million d’euros.

La déforestation dévore l’Indonésie depuis longtemps, mais la perte de forêts primaires a bondi de 27% en 2023 après avoir reculé pendant plusieurs années, selon le World Resources Institute.

Ce fléau est imputé aux incendies, aux plantations d’huile de palme et aux bois de plantation. Mais à elle seule, l’exploitation minière a été responsable de la perte d’environ 10.000 hectares de forêt primaire l’an dernier, selon la société The Tree map.

Les inquiétudes soulevées par le site de Weda Bay ont récemment déclenché une campagne contre un projet d’investissement en Indonésie d’Eramet et du groupe allemand BASF qui y ont finalement renoncé le mois dernier.

« Il ne s’agit pas seulement de la tribu O’Hongana Manyawa, mais aussi des oiseaux endémiques de Halmahera (..) et d’autres écosystèmes », souligne Dewi Anakoda.

© AFP

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