Les prisons françaises à l’épreuve du changement climatique et des pollutions

alcatraz prison

Ville de San Francisco et la prison d'Alcatraz dans la baie, Californie, Etats Unis © Yann Arthus-Bertrand

Parmi les 188 prisons françaises, aucune n’échappe aux risques climatiques. C’est le constat alarmant du rapport Double peine réalisé par l’association Notre Affaire à Tous qui a cherché à rendre visibles les problématiques liées à l’adaptation du milieu carcéral au changement climatique. Ce rapport met en lumière la vulnérabilité des détenus, de leurs familles et des personnels pénitentiaires – des populations jusqu’alors peu considérées – face aux risques climatiques et environnementaux. Pour cela, l’ensemble des établissements pénitentiaires de France métropolitaine et d’Outre-Mer ont été passés au crible par Notre Affaire à Tous, dans l’objectif d’évaluer 9 risques climatiques et environnementaux, ainsi que 8 facteurs aggravants. Au travers de cette étude, l’association déplore l’absence de politique publique sur le sujet et le manque de transparence quant à la situation des prisons françaises.

Une surexposition aux risques climatiques et environnementaux

Concernant les risques climatiques, la totalité des établissements pénitentiaires sont soumis au risque de canicule, plus de la moitié sont concernés par le risque d’inondation et près d’un tiers par le risque tempête et cyclone. De même, la moitié des prisons françaises se situent en zone à risque modéré ou important de retrait et gonflement des argiles, pouvant fragiliser les infrastructures et ainsi mettre en danger les détenus et les personnels. Les risques de feux de forêts, de montée des eaux et/ou de submersion marine concernent également de nombreux établissements. Chloé Lailler, juriste et autrice principale du rapport, explique qu’ « il y a trois établissements en France qui, avec un réchauffement climatique de + 1,5°C à + 3°C, se retrouveront sous le niveau de la mer ou toutes leurs routes d’accès aux alentours seront submergées. Les conséquences de la montée des eaux due au changement climatique doivent d’ores et déjà être pensées et réfléchies. Il faut anticiper toutes ces questions climatiques et les rendre visibles. »

« Il faut anticiper toutes ces questions climatiques et les rendre visibles. »

Aux risques climatiques peuvent se cumuler les risques environnementaux que constituent les pollutions des sols, les pollutions industrielles et les pollutions liées aux infrastructures de transport. Ces risques environnementaux pouvant gravement affecter la santé et la sécurité des personnes, il est important d’en tenir compte. Le rapport indique notamment que 7 établissements sur 10 sont implantés sur des sols potentiellement pollués et que 7 prisons françaises se situent à moins d’1 km d’une usine classée SEVESO, c’est-à-dire identifiée comme étant à risque du fait de la production, de l’utilisation ou du stockage de certaines substances dangereuses.

Notre Affaire à Tous a également pris en compte 8 facteurs récurrents du système pénitentiaire français qui renforcent la vulnérabilité des personnes face aux conséquences du changement climatique et aux effets des pollutions. La surpopulation carcérale, la vétusté des bâtiments et les problèmes d’isolation figurent notamment parmi les facteurs aggravants retenus. 15 prisons françaises cumulent l’ensemble des 8 facteurs aggravants étudiés.

De fortes disparités entre les établissements pénitentiaires

L’étude met en lumière d’importantes disparités entre les établissements pénitentiaires. Certains territoires français sont fortement exposés à des types d’aléas auxquels ne sont pas soumis d’autres territoires. Les zones situées dans le Sud de l’Hexagone cumulent en moyenne davantage de risques. Ce sont particulièrement les établissements des Directions Interrégionales des Services Pénitentiaires (DISP) de Marseille et de Toulouse qui sont les plus impactés. Les mesures mises en place varient également d’un établissement à un autre, comme l’explique Chloé Lailler : « Les DISP sont plus ou moins indépendantes quant à certains projets. Par conséquent, on remarque que certaines DISP sont beaucoup plus proactives que d’autres sur les questions climatiques et environnementales. Celle de Lyon mène par exemple déjà des analyses de risques climatiques. Ensuite, chaque chef d’établissement a aussi une grande part de décisions et un libre arbitre quant à d’éventuelles mesures. D’une prison à l’autre, le contexte peut être extrêmement différent. »

Une réinsertion dans la société plus compliquée pour les détenus

Il est d’autant plus important de se préoccuper des risques climatiques et environnementaux que la surexposition des détenus à ces risques constitue un obstacle à leur future réinsertion, d’après Notre Affaire à Tous. Chloé Lailler explique que « ces risques ont un impact sur la manière dont les détenus vivent leur peine et sur la façon dont ils se sentent considérés par la société. Également, si on prend l’exemple d’une évacuation en cas d’inondation (ce qui arrive déjà assez régulièrement), les détenus sont transférés dans d’autres établissements, impliquant souvent une coupure avec leur conseiller d’insertion et le juge des libertés et de la détention qui a un regard global sur leur peine. »

Marion Lamure

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