Melle (France) (AFP) – Quelque 5.000 opposants aux « méga-bassines » sont réunis au « Village de l’eau » dans les Deux-Sèvres, épicentre de la lutte contre ces réserves d’irrigation contestées, dont « 10% de black blocs » selon les autorités qui craignent des violences lors de manifestations interdites en fin de semaine.
Quinze mois après les affrontements entre manifestants radicaux et forces de l’ordre à Sainte-Soline dans le département, plus de 3.000 gendarmes sont mobilisés autour de Melle, commune qui accueille ce rassemblement militant international depuis mardi et jusqu’à dimanche.
Jeudi, sous un soleil de plomb, les participants, certains masqués ou cagoulés, vaquaient à leurs occupations sous les chapiteaux du campement accueillant ateliers, conférences et formations sur la question de l’eau.
« C’est un lieu d’échange, ça donne beaucoup d’énergie. On a l’impression que cette lutte s’affine avec le temps et arrive à grossir de manière spectaculaire », juge Victorin Vallier, 30 ans, technicien des milieux aquatiques en Auvergne et membre du collectif Bassines Non Merci (BNM) – l’un des organisateurs du Village avec les mouvements Soulèvements de la Terre et Extinction Rébellion, l’union syndicale Solidaires et l’association altermondialiste Attac.
Selon les autorités, 450 personnes « connues des services pour activisme violent ou ayant des antécédents judiciaires lors de manifestations » sont présentes sur le camp, dont 123 individus « fichés S ».
Les forces de l’ordre disent avoir saisi 1.600 « matériels » dont la moitié considérés comme des « armes par destination » (haches, couteaux, barres à mine, outillages, etc.), ainsi que des éléments de « protection » (casques, masques, lunettes), lors de fouilles de véhicules à Melle mais aussi parfois très loin des lieux.
« Désobéissance de masse »
Deux manifestations au programme de l’événement, non déclarées, ont été interdites : vendredi à Saint-Sauvant (Vienne) sur le site d’une future « bassine » et samedi devant le terminal agro-industriel du port de La Rochelle (Charente-Maritime).
Les autorités appellent les manifestants à « rester au Village de l’eau ». « Je le redis avec gravité, il est responsable de ne pas participer », a déclaré jeudi la préfète des Deux-Sèvres, Emmanuelle Dubée.
« Nous revendiquons notre droit de nous opposer aux projets d’accaparement de l’eau », répondent les organisateurs, alors que les « bassines » visent à stocker des millions de mètres cubes puisés dans les nappes phréatiques en hiver afin d’irriguer les cultures en été.
Le « cadre d’action » affiché des manifestations annonce des « formes de désobéissance de masse » destinées à « impacter concrètement leurs cibles », avec différents « niveaux d’engagement » dans les cortèges.
« Si on se rassemble et qu’on ne nous écoute pas, comment on fait ? », interroge Gabriele Latour, jeune militante de BNM, « quand il n’y a plus de solution, quel poids a-t-on, en tant que citoyens et citoyennes ? »
Ces « occupations, blocages ou désarmements » d’installations doivent viser vendredi des « bassines (ou leurs réseaux) qui viennent d’être construites, en chantier ou en projet », puis des « dispositifs majeurs du complexe agro-industriel » samedi.
« Défendre les fermes »
Le dispositif de sécurité des autorités concerne quatre départements potentiellement concernés par ces actions (Deux-Sèvres, Vienne, Charente-Maritime et Vendée).
En mars 2023, de violents heurts avaient opposé manifestants radicaux et gendarmes autour de la « bassine » de Sainte-Soline, proche de Melle, qui doit être remplie cet hiver. Jeudi, le site était très calme, surveillé par des dizaines de gendarmes alors que des bivouacs ont été repérés alentour.
À Saint-Sauvant, des travaux agricoles suivaient leur cours près d’un champ de maïs où la prochaine réserve d’eau doit être creusée à l’automne, lieu annoncé de la manifestation de vendredi. Ici, « il n’y a rien à casser », estimait l’épicier du village.
Un syndicat agricole, la Coordination rurale, majoritaire dans la Vienne, a appelé à venir « défendre les fermes » du territoire contre les « groupuscules écologistes ».
Les organisateurs, eux, assurent ne pas vouloir « prendre pour cible les agriculteurs et leurs fermes », accusant les autorités « d’attiser les peurs et les tensions » et qualifiant la Coordination rurale « d’apprentis miliciens ».
La préfète a appelé riverains et exploitants « à rester calme » et « en cas d’inquiétude pour leurs biens, à ne pas chercher à intervenir par eux-mêmes ».
En Charente-Maritime, la préfecture a interdit de manifester dans « toute la ville » de La Rochelle samedi.
© AFP
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