Offrez un cadeau qui fait sens pour cette fin d’année : soutenez GoodPlanet Mag’ et les projets engagés de la Fondation GoodPlanet

En Afrique du Nord, les précieuses figues de barbarie décimées par un insecte

figues de barbarie

Une photo prise le 23 avril 2024 dans la banlieue de Sousse dans le centre de la Tunisie d'un figuier de barbarie infesté par la cochenille © AFP FETHI BELAID

Chebika (Tunisie) (AFP) – Amor Nouira observe avec dépit les raquettes ramollies et tâchées de blanc de ses précieux figuiers de barbarie. Il a renoncé à sauver son champ de Chebika en Tunisie, ravagé par la cochenille du cactus, un insecte qui se propage en Afrique du Nord.

Le quinquagénaire a vu son demi-hectare de figuiers envahi par ce parasite (« dactylopius opuntiae ») qui a déjà détruit un tiers des plantations du pays, selon le ministère de l’Agriculture, après son apparition en 2021.

« Je voulais expérimenter cette production et chercher des consommateurs hors du pays, notamment pour l’huile de figue de barbarie. Maintenant j’ai abandonné cette idée et même arrêté d’y penser », explique M. Nouira à l’AFP.

Chebika et d’autres zones agricoles du centre de la Tunisie sont les plus récentes victimes de l’invasion de cet insecte, apparu au Maghreb il y a 10 ans. La cochenille, importée fortuitement des Amériques – dont est aussi originaire la figue de barbarie – pompe la sève de la plante, la tuant à petit feu.

En Tunisie, environ 150.000 familles vivent de la figue de barbarie, consommée sous forme de fruit, et de plus en plus souvent transformée en produits cosmétiques. A l’étranger, l’huile de pépins de figue de barbarie, aux propriétés antivieillissement, peut se vendre jusqu’à 4.000 euros le litre.

Le pays d’Afrique du nord est le deuxième producteur au monde derrière le Mexique avec 600.000 hectares cultivés et 150.000 tonnes produites par an, selon Rabeh Hajlaoui, responsable du dossier au ministère de l’Agriculture.

La production destinée à l’exportation – pour laquelle la Tunisie est au quatrième rang mondial – soit un tiers des cultures (200.000 hectares), reste viable pour le moment mais « nous multiplions les efforts pour la sauver car c’est une très importante source de revenus pour certaines populations », souligne M. Hajlaoui.

 « Sécurité nationale »

Au Maroc, où les premiers cas d’infestation à la cochenille datent de 2014, les figues de barbarie sont cultivées sur environ 160.000 hectares.

En 2016, le gouvernement marocain a lancé un « plan d’urgence » contre le parasite en expérimentant des produits chimiques (sans grand succès), l’enfouissement des raquettes contaminées et en initiant des recherches sur les espèces résistantes à la cochenille.

Malgré ces efforts, environ 75% des cultures de figuiers étaient infestées en août 2022, selon Mohamed Sbaghi, professeur à l’Institut national de recherche agricole (Inra) et coordinateur du plan.

En Algérie voisine où les figuiers recouvrent environ 60.000 hectares, la cochenille a été détectée en 2021 à Tlemcen (ouest), près de la frontière avec le Maroc avant de poursuivre sa route vers la Tunisie.

Quoique non autochtone, la plante a prospéré en Afrique du nord, particulièrement adaptée au changement climatique, caractérisé par « davantage de sécheresses et des fortes températures », explique l’entomologiste tunisien Brahim Chermiti.

Ce cactus est très prisé des agriculteurs pour délimiter les exploitations et les protéger du vent.

L’expert redoute une infestation de l’ensemble des cultures en Tunisie car « tôt ou tard la contamination va s’étendre, aidée par le vent et (les déplacements du) bétail ».

Il s’agit d’une « question de sécurité nationale », selon M. Chermiti qui préconise « une surveillance étroite des frontières et une plus grande sensibilisation » pour éviter l’entrée de fruits ou plantes contaminés.

 Lueur d’espoir

M. Hajlaoui du ministère craint de possibles mouvements sociaux dans des régions comme Kasserine (sud-ouest) où cette culture est parfois le seul moyen de subsistance. « La figue est une source de revenus et si l’insecte la contamine, on va avoir des problèmes avec la population », souligne-t-il.

Pour ce responsable, il y a eu en Tunisie des « lenteurs administratives » dans la contre-attaque, notamment pour l’élimination des plants contaminés.

Aujourd’hui, il recommande de miser sur la « résistance naturelle » des plantes.

L’été dernier, au Maroc, l’Inra a annoncé avoir identifié huit espèces immunisées contre la cochenille.

L’autre lueur d’espoir vient d’une coccinelle mexicaine, prédatrice de la cochenille, que des chercheurs marocains expérimentent avec succès. « Nous utilisons des serres pour élever la coccinelle afin qu’elle soit toujours prête » pour la lutte biologique, explique à l’AFP le Dr Aissa Derhem, le président de la Fondation Dar Si Hmad.

Cette solution a convaincu la FAO qui a annoncé fin juin l’introduction en Tunisie, grâce à une collaboration avec le Maroc, de 100 coccinelles « hyperaspis trifurcata » avec l’objectif de « sauver le patrimoine de cactus en Tunisie ». L’organisation onusienne a mobilisé en « urgence » 500.000 dollars pour aider le pays à « circonscrire le ravageur dans les zones infestées ».

© AFP

À lire aussi

Les fourmis protègent mieux les cultures que les pesticides

Ecrire un commentaire