Un centre pour secourir les tortues en détresse sur les côtes du Sénégal

Tomas Diagne © African Chelonian Institute tortues senegal

Tomas Diagne © African Chelonian Institute

Depuis plus d’une trentaine d’années, le Sénégalais Tomas Diagne s’efforce de protéger les tortues de son pays. Ses premiers combats ont concerné la tortue de terre géante sillonnée (Centrochelys sulcata). Il est parvenu à co-fondé un refuge pour ces dernières, le Village des Tortues à Noflaye, au Sénégal. Ensuite, il a pris part à la création d’une réserve sauvage citoyenne dans le nord du Sénégal afin de protéger l’habitat de la péluse d’Adanson. Enfin, cet infatigable passionné des tortues, dont il est devenu un fin connaisseur, a créé l’Institut Africain pour l’Etude et la protection des Tortues (African Chelonian Institute) qu’il dirige encore. Cet Institut œuvre partout en Afrique occidentale et centrale pour l’Etude et la conservation des tortues. Il consacre désormais une part de son énergie aux tortues de mer, victimes du plastique et de la pêche.

Des tortues migratrices menacées par la pêche le long des côtes de l’Afrique de l’Ouest

Aujourd’hui, Tomas Diagne s’engage pour venir en aide aux tortues de mer blessées quand elles s’échouent sur les plages au Sénégal. Il explique qu’on trouve 5 espèces de tortues marines au large du pays dont « le statut de péninsule à l’Ouest du continent africain en fait un lieu de convergence des corridors migratoires de tortues marines. Elles parcourent les eaux sénégalaises pour se rendre sur leur site de ponte plus au sud ». Ce sont donc surtout des espèces migratrices qu’on y trouve et très peu viennent enterrer ses œufs sur les plages du pays. Cependant, il arrive souvent qu’elles s’y échouent prises dans les filets de pêche accidentellement. L’écologiste précise : « entre 4000 et 5000 tortues s’échouent sur les côtes en Afrique de l’Ouest chaque année. Pour une tortue marine qui s’échoue et vue sur la plage, on estime que 5 autres meurent en mer en raison des activités humaines. » Parmi les victimes de cette hécatombe figurent la tortue Luth, la tortue verte qui est considérée en danger d’extinction ainsi que la tortue caouanne.

Tomas Diagne © African Chelonian Institute
Tomas Diagne et un membre de son organisation en train de venir en aide à une tortue de mer au large du Sénégal © African Chelonian Institute

Un centre pour soigner les tortues

Il aura fallu des années au passionné de tortues pour arriver à mettre en place un centre pour les soigner. Tomas Diagne raconte que lorsqu’il travaillait sur les tortues terrestres, « il arrivait souvent qu’on vienne nous voir parce qu’on avait retrouvé des tortues mal en point sur les plages. Elles étaient blessées aux nageoires par les filets de pêche ou avaient ingurgité trop de plastiques. Or, le centre pour les tortues terrestres n’est pas équipé pour accueillir les tortues marines. Faute d’équipements adaptés, nous étions frustrés de ne rien pouvoir faire pour ces tortues-là. » C’est pourquoi il a lancé la construction du Parc Tortues & Nature de Joal. Ce centre de réhabilitation des tortues marines est inspiré par ce qui existe déjà en Europe et en Amériques. Celui-ci s’étend sur 2 hectares, il doit voir le jour et être opérationnel fin 2025.  Les tortues de mer blessées retrouvées sur le littoral y seront soignées avant d’être remises à l’eau. Tomas Diagne n’en est pas à son coup d’essai dans l’aide à la faune sauvage. Il avait reçu en 1998 un prix Rolex pour son engagement dans la conservation des tortues terrestres. Puis, il a reçu en 2019 le prix de la Conservation Tusk dont la dotation lui a permis d’acquérir le terrain du Parc Tortues & Nature de Joal. Tomas Diagne résume ses motivations et les enjeux derrière son projet : « les tortues existent sur Terre depuis 260 millions d’années. Leur ancêtre a été découvert en Afrique du Sud. Paradoxalement, c’est ici, en Afrique, qu’elles ont le statut de conservation le plus défavorable. Nous travaillons donc d’arrache-pied afin de remédier à cette ironie du sort avec des actions de sensibilisation, de protection, de conservation, de soins et de sauvegarde. Notre but est de prouver leur efficacité et de démontrer qu’il est possible de sauver les espèces de tortues pour les générations présentes et futures. »

Actuellement, le défenseur des tortues poursuit les recherches de financements pour faire aboutir son projet de Parc Tortues & Nature de Joal et rendre plus tangible son rêve d’une cohabitation apaisée entre l’humain et les tortues.

Julien Leprovost

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Article édité le 5 aout 2023 à 16h

Pour aller plus loin

Le site Internet di Parc Tortues et Nature

Le site Internet African Chelonian Institute

Une vidéo de Paris Match consacré à Tomas Diagne

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