Durabilité : les fédérations sportives présentes aux JO de Paris 2024 jouent-elles le jeu ?

piscine

Piscine à Singapour © Yann Arthus-Bertrand

Les organisateurs l’ont promis : les Jeux olympiques (JO) d’été 2024 qui s’ouvrent à Paris doivent être l’édition la plus respectueuse de l’environnement de l’histoire des Jeux, notamment en émettant au moins deux fois moins de gaz à effet de serre (GES) que les éditions de Londres (2012) ou Rio (2016).

Le succès de ce pari ne pourra être confirmé qu’après les olympiades. Pour y parvenir, entre autres mesures prévues, les JO utiliseront 95 % d’infrastructures existantes pour accueillir les événements sportifs, autrement dit pour miser sur une forme de « sobriété structurelle ».

Les fédérations sportives ne sont pas en reste : poussées par le CIO à s’engager sur la voie du développement durable, elles procèdent depuis peu à leur examen de conscience écologique. Trois ans après la dernière revue en amont des JO de Tokyo, le Sport Ecology Group (communauté internationale de chercheurs et universitaires), associé au Sustainability Report, vient de publier une nouvelle évaluation des stratégies de durabilité des fédérations sportives présentes aux JO de Paris (2024) ainsi qu’aux futurs Jeux de Los Angeles (2028).

L’environnement, « troisième pilier de l’olympisme »

Car l’élan olympique autour du développement durable n’est pas récent. C’est au détour des années 1990 que la prise de conscience des impacts écologiques de ces mégaévénements insuffle un changement de direction au Comité international olympique (CIO).

Le mât olympique d’Albertville est un témoin des cérémonies d’ouverture et de fermeture des Jeux d’hiver en 1992.
Guilhem Vellut/Flickr, CC BY-SA

Il y eut d’abord le désastre environnemental des Jeux d’Albertville en 1992, qui vit des chantiers titanesques remodeler montagnes et forêts, puis le Sommet de Rio la même année.

Le CIO reconnaît alors l’importance du développement durable et déclare l’environnement comme « troisième pilier de l’olympisme », au même titre que le sport et la culture.

En 1999, le CIO lance, avec le concours du Programme des Nations unies pour l’Environnement, son « Agenda 21 ». L’enjeu : promouvoir la durabilité au sein des 206 nations membres, des 30 organisations en charge des sports d’hiver et d’été, et encourager les différentes fédérations sportives à s’engager elles aussi sur la voie du développement durable.

Comment évaluer la durabilité des fédérations sportives ?

Aujourd’hui, où en sont ces fédérations ? En 2020, en amont des JO de Tokyo, la co-fondatrice du Sport Ecology Group avait déjà procédé à une évaluation de leurs engagements. À la clé, un rapport en trois parties : la première s’intéressait au cyclisme, au tir à l’arc et à l’équitation, la deuxième au tennis de table, à l’athlétisme et au taekwondo, et enfin la troisième au surf, à l’escalade et au baseball/softball.

La comparaison avec le nouveau rapport permet d’identifier les progrès réalisés entre les deux olympiades, ainsi que les améliorations à apporter pour rendre la pratique sportive plus durable.

La principale difficulté était d’harmoniser les données issues de fédérations internationales ne disposant pas des mêmes moyens, a fortiori lorsqu’il s’agit de recenser les initiatives de développement durable dont la définition est ambiguë. La durabilité, parfois appelée soutenabilité (« sustainability » en anglais), peut en effet se comprendre comme durabilité économique, sociale, culturelle ou environnementale selon les contextes. Or, ce rapport se penche principalement sur la question environnementale.

Pour évaluer l’engagement durable des fédérations présentes aux Jeux olympiques, nous nous sommes basés sur huit critères principaux :

  1. La publication d’une stratégie de développement durable et de rapports de progression réguliers.
  2. L’emploi de personnel dédié au développement durable au sein de la fédération.
  3. La gestion durable des locaux et bureaux des fédérations, ainsi que des événements sportifs qu’elles organisent.
  4. L’adhésion au Sports for Climate Action Framework des Nations unies et au Sports for Nature Framework de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).
  5. La croissance de la fédération depuis 2021 (en termes de volume d’événements ou d’expansion géographique).
  6. La présence d’industries pollueuses ou émettrices de gaz à effet de serre (GES) parmi les sponsors des fédérations.
  7. Les communications ou activités relevant d’une forme de greenwashing manifeste.
  8. Les controverses et polémiques liées au développement durable au sein de cette fédération depuis 2021.
Un maillot géant du club allemand de football Schalke 04 affiche clairement son sponsor Gazprom.
Schalke 04/Flickr, CC BY-NC-ND

Les résultats sont encourageants : dans les faits, les fédérations jouent le jeu. Sur l’ensemble des 36 fédérations sportives évaluées, 17 ont adopté des stratégies de développement durable, et dix d’entre elles ont au moins une personne employée à plein temps sur cette thématique. Parmi ces fédérations, 18 ont publié des recommandations claires concernant la tenue d’événements sportifs.

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De plus, en seulement trois ans, 7 fédérations ont rejoint les 16 déjà signataires du Sports for Climate Action des Nations unies, qui vise à évaluer et réduire l’empreinte climatique des organisations sportives. Par ailleurs, 11 fédérations ont rejoint l’initiative Sports for Nature de l’UICN, qui vise à limiter la perte de biodiversité d’ici à 2030.

Des fédérations à la pointe

De fait, certaines fédérations font figure de bons élèves suite à ces évaluations. C’est le cas de la fédération mondiale de voile, seule fédération avec six critères positifs, ou encore de celles d’aviron, de baseball et de softball, de cyclisme, de tennis de table, de canoë et d’athlétisme, qui présentent toutes cinq critères positifs, sans être ternies par des controverses majeures liées au sponsoring ou à du greenwashing.

Le président de la fédération mondiale d’athlétisme (World Athletics), Sebastian Coe, n’a de cesse de promouvoir les adaptations nécessaires aux changements climatiques (annuler ou reporter certains événements en raison de la qualité de l’air ou de la chaleur, par exemple). Cette fédération mène d’ailleurs des enquêtes annuelles auprès des athlètes pour comprendre l’étendue des impacts de ces changements sur leur santé et leur performance.

Ses prises de parole ont beaucoup d’écho médiatique et contribuent à développer plus rapidement les stratégies de développement durable :

« Nous sommes dans une course contre la montre. Et c’est une course que nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de perdre ».

Les adaptations du monde du sport aux crises environnementales peuvent aussi être d’ordre technologique. Ainsi, la Fédération internationale de hockey entend réduire sa dépendance à l’eau pour le hockey sur gazon. Plutôt que de répandre jusqu’à 15 000 litres d’eau pour humidifier le gazon synthétique et offrir des conditions optimales de jeu, une solution en cours de développement porte sur la création d’une balle « autohumidifiante » reproduisant les mêmes conditions… avec seulement 10 litres d’eau !

Terrain de hockey zéro carbone installé pour les JO de Paris.
Fédération internationale de hockey

À la demande de la fédération, un terrain de hockey « zéro carbone » a aussi été développé et installé à Paris pour les Jeux afin de poursuivre ses efforts environnementaux réalisés depuis Tokyo.

Enfin, les initiatives mises en place au sein des différentes fédérations peuvent servir d’exemple et inspirer d’autres actions dans les fédérations sportives. C’est le cas du projet Sustainability Sessions de la fédération internationale de voile, en collaboration avec Sailors for the Sea, une ONG de protection de l’environnement.

Ce projet éducatif basé sur l’apprentissage par les pairs vise à mieux former les acteurs de la voile (navigateurs, organisateurs, clubs, pratiquants), notamment autour des enjeux de biodiversité comme les collisions avec la faune marine, l’observation des animaux, les risques liés aux espèces exotiques envahissantes, les marées noires ou les produits cosmétiques néfastes aux coraux.

Comme à l’entraînement, s’améliorer, encore et toujours

Nombre de ces efforts sont louables et semblent aller dans la bonne direction. Il existe toutefois des points de vigilance importants. En premier lieu, si certaines fédérations internationales ont clairement saisi les enjeux des bouleversements environnementaux (climat, pollution, perte de biodiversité, etc.), développé des stratégies de développement durable et investi dans des actions concrètes pour remédier à ces différentes crises, certains choix de sponsoring et de communication jettent le doute sur la cohérence et la réelle volonté de faire bouger les lignes.

On peut citer ici la fédération internationale de football (FIFA), qui a affirmé à travers plusieurs actions concrètes ses engagements pour la durabilité, mais dont le dernier contrat de sponsoring avec Aramco – une des plus grosses entreprises d’énergies fossiles – discrédite les efforts. De même, World Rugby fait figure de leader en termes de durabilité de par ses engagements annoncés dans son dernier rapport Rugby and Climate Change, mais ces promesses restent entachées par le sponsoring de la dernière coupe du monde en France par Total Energies.

Une limite importante à nos recherches tient à la rareté des informations concernant les stratégies de développement durable de certaines fédérations, et au manque de régularité et de clarté des rapports produits par celles-ci.

Il est encore difficile de cerner le fossé entre ce qui est annoncé sur le papier, et ce qui sera fait concrètement sur le terrain. À ce titre, l’évaluation de ce cycle olympique produite par le Sport Ecology Group et le Sustainability Report met en lumière l’engagement croissant de ces fédérations sportives pour la durabilité. Le prochain cycle olympique devra être celui de la consolidation et de l’accélération des changements. Autrement dit, ce sera l’heure de vérité pour découvrir qui, parmi les fédérations sportives, aura transformé l’essai… ou non.The Conversation

Ugo Arbieu, Chercheur postdoctoral, Université Paris-Saclay et Madeleine Orr, Assistant Professor, Sport Ecology, University of Toronto

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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