Tucumcari (États-Unis) (AFP) – Perché à près de 90 mètres au-dessus des plaines du Nouveau-Mexique, attaché au sommet d’une éolienne par un simple harnais de sécurité, Terrill Stowe est dans son élément.
« En 14 ans, je n’ai jamais vu personne tomber. J’espère que ce n’est pas la première aujourd’hui », plaisante le technicien instructeur, en s’adressant aux journalistes de l’AFP qui viennent de grimper les 260 barreaux de l’échelle menant au toit.
Cette éolienne surplombe la petite ville de Tucumcari, dans le sud-ouest des Etats-Unis. Comme un géant solitaire, perdu dans l’immensité le long de la célèbre route 66.
Construite en 2008, elle est l’une des rares éoliennes fonctionnelles où les apprentis techniciens américains peuvent se former à la maintenance de ces engins.
Un outil essentiel, utilisé par un établissement d’enseignement supérieur local pour soutenir une industrie en plein essor aux Etats-Unis.
La quantité d’électricité que l’éolien est capable de générer a plus que doublé en dix ans. Le pays compte environ 75.000 éoliennes, qui produisent suffisamment d’électricité pour alimenter 40 millions de foyers américains.
La maintenance devient donc un enjeu crucial. Mais « il n’y a pas assez de techniciens par rapport au nombre de champs d’éoliennes », explique M. Stowe.
L’enseignant forme 10 à 20 étudiants par semestre. D’abord dans un hangar au sol avec une réplique de générateur et de boîte de vitesse, avant de grimper vers la salle des machines, logée au cœur des trois pales de la tour géante.
Ames sensibles, s’abstenir
Le métier n’est pas fait pour les âmes sensibles, selon M. Stowe.
« Je leur dis que s’ils ont une peur bleue des hauteurs, ils ne devraient pas se lancer là-dedans », raconte-t-il. Lorsqu’il y a des rafales, évoluer au sommet d’une éolienne, c’est « comme tanguer sur un bateau, dans un sens et dans l’autre (…) à 100 mètres dans les airs. »
Parmi les récentes recrues, Nathaniel Alexander et Kevin Blea ont passé leur diplôme et sont eux-mêmes devenus instructeurs.
« Je suis pour l’énergie propre », confie M. Alexander, un local de Tucumcari. Mais le jeune homme de 28 ans souhaitait surtout exercer « un travail d’homme », avec un bon salaire.
La formation dure deux ans et coûte entre 6.000 et 10.000 dollars. Elle débouche sur des postes qui permettent de gagner 50.000 à 90.000 dollars, bien plus que le salaire moyen de la région.
Si la baisse des coûts et l’amélioration de la technologie éolienne propulse l’essor du secteur, l’industrie a aussi reçu un coup de pouce majeur de la part de Joe Biden, qui a financé un ambitieux programme écologique.
Pourtant, rares sont ceux qui lui en savent gré à Tucumcari, région rurale conservatrice, nichée aux confins d’un Nouveau-Mexique par ailleurs largement démocrate.
Il y a eu « une sorte de tendance à la hausse » ces dernières années, reconnaît M. Stowe. « Mais en fait, lorsque Trump était là, la tendance haussière était plus prononcée que sous Biden », estime-t-il.
M. Alexander, lui, juge que les crédits d’impôts accordés à l’éolien ont « définitivement aidé » l’industrie, mais s’avoue « peu passionné » par la réputation verte du secteur.
« Théories du complot »
Ce qui l’intéresse davantage, c’est de lire les « théories du complot sur la quantité de diesel nécessaire pour faire fonctionner » une éolienne.
« Ce n’est pas du tout vrai, je trouve juste ça assez marrant », sourit-il.
Les éoliennes sont fréquemment frappées par la foudre, ce qui oblige les techniciens à grimper pour les réparer. Mais la sécurité a radicalement changé ces dernières années.
Avant sa carrière d’instructeur, M. Stowe a parfois rampé sur une « couche de glace gelée », au sommet d’éoliennes secouées par des vents à 145 km/h.
« A l’époque, la météo importait peu », lâche-t-il avec nostalgie. Aujourd’hui, « s’il y a la moindre incertitude sur le temps, ils ne grimpent pas. »
Son autre ancien élève, M. Blea, se rappelle pourtant avoir vu un de ses camarades « vomir dans son casque », à cause du vent qui ballottait l’éolienne de formation. « C’était assez dégoûtant, franchement », rit le jeune homme de 27 ans.
Mais les dangers sont vite oubliés, selon M. Alexander, grâce à une carrière rythmée par des panoramas « impressionnants » dans la lumière du matin. « C’est une bonne façon de se réveiller », conclut-il.
© AFP
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