La Méditerranée française à 30 degrés, une « anomalie » potentiellement dangereuse

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La Méditerranée connaît actuellement une "anomalie" de température révélatrice du changement climatique et aux conséquences potentiellement dangereuses © AFP/Archives Stefano RELLANDINI

Aix-en-Provence (AFP) – La Méditerranée connaît actuellement une « anomalie » de température révélatrice du changement climatique et aux conséquences potentiellement dangereuses, selon Romaric Cinotti, climatologue-prévisionniste à Météo-France.

Une température supérieure à 30 degrés a été observée en début de semaine à la surface de l’eau en mer Méditerranée. Peut-on parler d’un record à cette période de l’année ?

On a effectivement mesuré une température entre dimanche et lundi qui a dépassé les 30 degrés sur une bouée au large de Monaco, donc à proximité de la côte. Et une température qui avoisine les 30 degrés, très exactement de 29,7 degrés, sur la bouée Azur, qui, elle, est située à peu près à mi-chemin entre le continent et la Corse.

Il est difficile de parler de record, puisque la bouée qui a mesuré ces 30 degrés est installée depuis 2014 seulement, donc on a peu de profondeur de données. Mais c’est une valeur notable, puisque c’est une anomalie de quatre degrés. La normale de température de la mer Ligurienne, cette partie de la mer Méditerranée, devrait être plutôt autour de 26 degrés à cette période. Et c’est ça qui est vraiment marquant, plus que l’aspect de record.

A quoi peut-on attribuer ce phénomène ?

Quand on a cette masse d’air caniculaire qui reste plusieurs jours, forcément on a des échanges entre l’océan ou la mer et l’atmosphère, et donc la température (de l’eau) va augmenter. Mais ça se fait de manière plus lente, parce qu’il y a une certaine inertie de l’océan ou de la mer.

La Méditerranée est ce qu’on appelle un +hotspot+ du changement climatique. C’est un secteur géographique où on retrouve les effets du changement climatique et ça se traduit aussi sur la température de la mer. En ce moment, l’anomalie de température de la Méditerranée est positive, c’est-à-dire qu’elle est trop chaude par rapport à la normale.

Cette hausse de température liée à un épisode caniculaire, on la retrouve (déjà) à l’été 2022, puisque le 4 août 2022 on avait mesuré en Méditerranée une valeur de 30,8 degrés (de température en surface).

Quelles peuvent être les conséquences ?

Quand la température de l’eau augmente, on va avoir plusieurs phénomènes physiques qui vont se mettre en place.

Plus un fluide va être chaud plus il se dilate, donc la hausse de température de la mer Méditerranée va être liée à une hausse de son niveau, que l’on va pouvoir constater au niveau du trait de côte.

Mais également, une mer plus chaude va plus évaporer, ce qui veut dire qu’on va avoir potentiellement plus d’eau contenue dans l’atmosphère et un potentiel de précipitations qui va être plus important, puisque l’atmosphère sera chargée avec plus d’humidité.

Par ailleurs, les mers et les océans accumulent actuellement 90% de l’excédent de chaleur de l’atmosphère, c’est-à-dire que quand on dit que la température moyenne de la Terre augmente avec le changement climatique, une majeure partie de cette augmentation de température est en fait absorbée par les océans qui se réchauffent. Et donc forcément le suivi de la température de l’océan va avoir un grand intérêt pour le suivi du changement climatique. Mais également plus quotidiennement pour le suivi de la situation météorologique. Parce qu’une mer chaude est un facteur aggravant, notamment pour les épisodes méditerranéens (précipitations intenses) que l’on connaît dans le sud de la France.

© AFP

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Un commentaire

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    • Guy J.J.P. Lafond

    Analyse très intéressante. Merci!
    D’autre part, au Canada, des mesures et des observations nous révèlent aussi que l’érosion des traits de côte s’accélèrent.
    En hiver et parce que les océans sont plus chauds, il se forme moins de glace le long des côtes. Ces remparts de glace avaient pourtant un effet protecteur contre le recul des traits de côte dû à l’érosion marine.
    Sommes-nous entrés dans une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène?
    Et serions-nous de plus en plus nombreux à regretter l’Holocène et ses magnifiques glaciers qui se reforment d’une année à l’autre?
    Il n’est jamais trop tard pour brûler moins de pétrole et moins de charbon sur notre bonne vieille planète Terre.
    En réduisant notre dépendance aux énergies fossiles, en gérant mieux nos ressources naturelles, les forêts et le plancton des océans seraient beaucoup moins débordés dans leur travail de captage du CO2 dans l’atmosphère, ce gaz à effet de serre de longue durée qui ne cesse de croître depuis environ un siècle et qui par conséquent menace la santé des saisons.
    Chacun et chacune d’entre nous, relevons nos manches!
    Faisons des petits gestes qui pourraient résulter en des effets bénéfiques globaux.
    La dernière fois que j’ai pris l’avion, c’était en 2011.
    Je n’ai plus d’auto depuis 2013 car je vis en ville. Je laisse plus de place aux camionneurs qui doivent livrer des marchandises essentiels.
    Quand je dois faire des longues distances, je prends le train ou je fais du covoiturage.
    Etc.
    Action!
    @Guy J.J.P. Lafond (un bon papa qui est empêché par des juges de parler à sa fille en Ontario)
    Un esprit sain dans un corps sain sur cette si magnifique mais si fragile planète bleue.