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Dans les alpages, des randonneurs apprennent à montrer patte blanche face aux patous

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Un patou monte la garde à côté d'un troupeau de moutons, le 27 juin 2024 à Saint-Etienne-les-Orgues, dans les Alpes-de-Haute-Provence © AFP Nicolas TUCAT

Saint-Étienne-les-Orgues (France) (AFP) – Avec son mètre de haut et ses 55 kilos, le chien Pantin impressionne. En particulier les randonneurs qui s’aventurent sur le chemin longeant l’enclos du troupeau de 300 moutons dont ce patou a la garde cet été dans les alpages du sud-est de la France.

Aux aguets, ces chiens de protection constituent l’un des meilleurs alliés des éleveurs contre les attaques de loups, fréquentes dans cette région des Alpes du sud où ils sont réapparus vers 1995.

Pour éviter que des incidents ne se produisent avec des humains, des médiateurs « Alpatous », programme géré par l’association France Nature Environnement (FNE), sensibilisent les usagers de la montagne aux bons gestes à adopter face à ces chiens afin de faciliter la cohabitation entre tourisme et pastoralisme.

« Il est impressionnant, si massif! », s’exclame Didier Gaudiller, retraité de 72 ans se promenant autour de Saint-Étienne-les-Orgues (Alpes-de-Haute-Provence), un peu intimidé en voyant Pantin qui, avec ses longs poils blancs, se fond au milieu du cheptel.

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Ces dernières années, plusieurs incidents entre randonneurs et patous ont été recensés: mi-juillet, un homme a été mordu à la cuisse dans le massif de la Chartreuse (Savoie); une campeuse, poursuivie par plusieurs patous dans le Vercors, s’est réfugiée dans un arbre avant d’être secourue en hélicoptère. Dans les Hautes-Alpes, un bichon frisé a lui été attaqué par deux d’entre eux.

Selon la FNE, l’augmentation du nombre de loups en France jusqu’en 2023, un millier environ, oblige les éleveurs à s’équiper davantage en chiens de protection. Avec en parallèle une fréquentation accrue des espaces naturels par des visiteurs, ces accrocs sont amenés à se multiplier.

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L’association, comme les éleveurs, pointe surtout du doigt les mauvais comportements humains.

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« Les gens peuvent se sentir agressés par ces chiens. Par peur, ils agitent leur bâton, envoient des pierres voire utilisent des bombes à poivre. C’est contreproductif car ces chiens vont ensuite assimiler randonneur = dangereux », explique Gérard Humbert, 69 ans, médiateur « Alpatous ».

Il conseille de « contourner si possible le troupeau et garder son calme. Signalez-vous pour ne pas surprendre le chien et s’il vient vers vous, laissez-le vous sentir pour qu’il s’aperçoive que vous n’êtes pas une menace ».

Randonner sur les espaces pastoraux sans son chien domestique, « qui risque de se faire attaquer », est à privilégier.

L’utilisation de l’application PastoRando, qui permet de repérer en temps réel les emplacements des troupeaux d’estives, est aussi conseillée mais celle-ci n’est pas encore développée sur tout le territoire alpin.

Les médiateurs « Alpatous » distribuent également un livret explicatif, parfois disponible en mairies et offices de tourisme, expliquant les bons comportements à adopter.

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Ici comme à d’autres départs de randonnées du département, des écriteaux ont été installés, parfois confectionnés par les éleveurs eux-mêmes, pour prévenir les visiteurs de la présence de troupeaux… et donc de leurs « anges gardiens ».

« Certains (randonneurs) pensent ne pas avoir à changer leurs habitudes car il ne leur apparaît pas normal de partager l’espace avec les éleveurs », regrette Justine Poncet de la FNE des Alpes-de-Haute-Provence qui forme depuis 2021 une trentaine de médiateurs « Alpatous » par an.

Le problème, c’est « l’Homme »

Un programme salué par les éleveurs qui n’ont « pas le temps d’aller voir les offices de tourisme ou les randonneurs pour les former car cela se ferait sur le (temps de) boulot », explique Angélique Olivier, éleveuse de 37 ans à Saint-Étienne-les-Orgues.

Un avis partagé par son confrère Mathias Guibert, 35 ans, également maire de Montjustin, commune d’une cinquantaine d’habitants. Il possède sept patous pour protéger ses 300 brebis, 15 vaches, 15 chevaux et 20 chèvres: « Il faut que les gens se forment pour adopter les bons comportements. Car il n’est plus question d’être pour ou contre le loup: le loup, il y sera pour toujours, donc les patous aussi. Il faut s’adapter ».

« Le problème ce n’est pas +l’Homme et le loup+ mais +l’Homme et l’Homme+! », ajoute-t-il.

Lui-même a fait l’objet d’une plainte après la morsure de l’un de ses patous sur un randonneur en 2018: « J’ai eu une mise à l’épreuve de trois ans avec un sursis de 30.000 euros d’amende », se lamente celui qui « ne roule pas sur l’or ».

Il réclame en cas d’incident avec le public un partage des responsabilités avec l’Etat qui, à travers son « Plan loup », impose aux éleveurs l’utilisation des patous pour se protéger de canis lupus.

« Il faut un vrai statut du patou: les attaques de brebis c’est déjà traumatique mais si en plus aussi on reçoit des plaintes, c’est trop », plaide M. Guibert.

© AFP

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