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L’inquiétant ver de feu s’invite dans la Méditerranée qui se réchauffe

ver de feu

Originaires de la Méditerranée, les vers de feu étaient autrefois moins nombreux et n'étaient observés au large de la Sicile qu'en été. © AFP Filippo MONTEFORTE

Marzamemi (Italie) (AFP) – Les poissons qu’Alfonso Barone remonte dans ses filets au large de la Sicile sont à moitié dévorés par des vers de feu, d’inquiétants prédateurs voraces qui prospèrent dans les eaux de plus en plus chaudes de la Méditerranée.

Ces créatures aux airs de mille-pattes sont friandes de tout, du corail aux poissons prisonniers des filets de pêche, alors que la hausse des températures des eaux due au changement climatique favorise leur multiplication. Ils mesurent habituellement entre 15 et 30 cm, mais peuvent atteindre jusqu’à 50 cm.

Alfonso Barone tire un long ver rouge frétillant d’un maquereau sans tête à bord de son bateau. Ses poils blancs au venin urticant se détachent au moindre contact et rentrent dans la peau, donnant une vive sensation de brûlure. Le jeune homme de 34 ans confie avoir été piqué à de nombreuses reprises, y compris une fois dans l’œil.

Les vers se jettent sur les poissons dès qu’ils sont pris dans les filets. Appelés aussi vers barbelés, ils « mangent la tête, tout le corps, et l’éviscèrent », explique le pêcheur en remontant une daurade mutilée au large du village de Marzamemi, une localité touristique renommée à la pointe sud-est de la Sicile.

La présence des vers de feu n’est pas nouvelle en Méditerranée, mais ils étaient autrefois bien moins nombreux et n’étaient observés en Sicile que durant l’été.

« Avec le réchauffement climatique, les eaux se réchauffent, devenant un habitat idéal pour ces vers, qui sont de plus en plus nombreux d’année en année, et sont présents tout au long de l’année », note Alfonso Barone, qui pêche depuis son enfance.

Les poissons à moitié dévorés ne peuvent pas être vendus. Les pêcheurs ont donc réduit la durée d’immersion des filets, ce qui se traduit par des pêches moins abondantes et n’empêche pas totalement les attaques des vers bruns, verts ou rouges.

« Ils avaient l’habitude de manger environ 30% des prises… Désormais, ce chiffre est passé à 70% », déplore-t-il.

 Prédateur et charognard

Les vers migrent également vers de nouvelles zones : le zoologue Francesco Tiralongo, qui dirige un projet de l’université sicilienne de Catane étudiant ce phénomène, a recensé des cas en Calabre, la pointe de la Botte italienne.

Le ver de feu « est une espèce opportuniste qui se comporte à la fois comme un prédateur et un charognard », et « il y en a des quantités impressionnantes… dans des eaux très peu profondes », remarque-t-il dans un entretien avec l’AFP.

Sur la plage de Marzamemi, des vacanciers quelque peu inquiets enfilent des masques ou des chaussures plastiques avant de se baigner.

« Je refuse que cela gâche mes vacances, mais je me baigne toujours avec mon masque pour voir le fond », confie Fabiana Davanzo, une touriste de 56 ans venant de Milan (nord).

Alors qu’il trempe prudemment ses pieds dans l’eau, Salvatore Lazzaro, 51 ans, explique qu’il a été piqué par une créature non identifiée la veille, mais qu’il brave l’eau de nouveau sous un soleil étouffant.

L’appréhension des nageurs et le manque à gagner des pêcheurs ne sont pas les seuls problèmes.

« Le réchauffement climatique provoque divers changements en Méditerranée, qui seront probablement exacerbés dans les années à venir », met en garde Federico Betti, expert en espèces invasives à l’université de Gênes (nord-est).

La température moyenne de la Méditerranée a augmenté d’environ 1,2 degré au cours des 40 dernières années, rappelle-t-il.

« Changements profonds »

Le réchauffement des mers se traduit notamment par une diminution des variations saisonnières des espèces présentes et des environnements moins diversifiés incapables d’abriter des écosystèmes riches.

La chaleur peut en outre provoquer des épisodes de mortalité massive au sein d’une espèce, souligne Federico Betti.

En revanche, d’autres espèces en profitent : on assiste à une augmentation des espèces tropicales non indigènes en Méditerranée, qui « provoquent de profonds changements dans les écosystèmes marins », s’inquiète Francesco Tiralongo.

Il s’agit notamment du crabe bleu, qui dévaste les élevages de coquillages du delta du Pô, dans le nord de l’Italie.

Ces crabes n’ont pas de prédateurs naturels, mais les Italiens tentent de les transformer en une ressource en les mangeant.

Les spaghettis aux vers de feu ne sont malheureusement pas une option.

Bien qu’il faille poursuivre les recherches sur d’éventuelles solutions, M. Tiralongo a déjà fait une découverte déconcertante: « On ne peut pas tuer un ver de feu en le coupant en deux, car il a d’excellentes capacités de régénération ».

« Si vous le coupez en deux, non seulement la partie avec la tête régénère une partie arrière, mais la partie arrière parvient elle aussi à reconstituer une tête en 22 jours environ ».

© AFP

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