Les lignes électriques au défi de se muscler pour mieux affronter tempêtes et canicules

lignes électriques

Depuis la tempête dévastatrice de 1999, les nouvelles lignes aériennes en France peuvent résister à des vents de 180 km/h. © AFP LOIC VENANCE

Téteghem (France) (AFP) – Dans la campagne de Dunkerque, un drone bourdonne entre des lignes électriques, à la recherche d’indices d’usure ou d’anomalies: un aperçu du chantier colossal qui doit être mené pour moderniser et adapter le réseau à des aléas climatiques extrêmes plus fréquents.

Une fois téléchargées sur ordinateur, ces images captées par un technicien droniste d’Enedis, principal distributeur d’électricité en France, seront traitées à l’aide de l’intelligence artificielle.

Il s’agit de « pré-détecter des anomalies qui pourraient survenir sur ce réseau haute tension dans les prochaines années », explique Majid Ziraoui, délégué territorial Nord chez Enedis, lors d’un chantier d’inspection, dans un champ à Téteghem-Coudekerque-Village.

Le but d’Enedis? « Renouveler les réseaux de façon ciblée et les rendre plus robustes face au changement climatique », résume son directeur technique, Hervé Champenois.

Enedis consacre aujourd’hui 1 milliard d’euros par an pour la modernisation et la « résilience » de son réseau, qui amène le courant aux maisons et entreprises, commerces et petites industries -1,4 million de km de lignes au total.

Câbles, poteaux, pièces métalliques… « Avec des matériels plus modernes, on permet à ce réseau d’être plus performant face aux aléas climatiques, notamment face au risque vent », explique M. Ziraoui.

« Les aléas climatiques ont toujours existé sur le réseau, mais ce qu’on voit maintenant c’est peut-être une résurgence plus importante », poursuit-il.

Rien qu’en 2023, Enedis a recensé 21 « événements climatiques d’ampleur » dont 16 tempêtes – c’était entre 4 et 9 événements par an depuis 2015. D’où cet impératif de rénovation. Mais il vient s’ajouter à d’autres défis immenses pour le réseau appelé aussi à se redimensionner pour accueillir les énergies renouvelables qui remplaceront pétrole et gaz.

Pour ces chantiers du siècle, Enedis et RTE, le gestionnaire des « autoroutes de l’électricité » qui partent des centrales nucléaires et des parcs éoliens et solaires, anticipent un investissement vertigineux de près 200 milliard d’euros d’ici 2040 (96 pour Enedis).

Risque accru de pannes

Aujourd’hui, « environ un quart des réseaux électriques mondiaux sont exposés à des tempêtes violentes et plus de 10 % (…) sont exposés à des cyclones tropicaux, notamment en Amérique du Nord, en Australie et en Asie de l’Est », selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur la résilience climatique pour la sécurité énergétique.

Cyclones, vagues de froid intenses et canicules peuvent provoquer des coupures de courant « en raison des dommages au réseau » mais aussi « des déséquilibres entre l’offre et la demande » quand il faut pousser radiateurs et climatiseurs, souligne par ailleurs l’AIE.

130°C

En France, les tempêtes de 1999 qui avaient privé de courant 3,5 millions de foyers, un électrochoc, ont conduit Enedis à accélérer l’enfouissement de ses lignes aériennes; RTE à installer des pylônes anti-cascade (qui évitent des chutes de pylônes en effet domino) et des lignes résistant à des vents de 180 km/h, contre 130 km/h en 1999.

Sans ses investissements, les dégâts de la tempête Ciaran qui a balayé le Nord-Ouest fin 2023 auraient été plus importants, assurent les deux gestionnaires.

Aujourd’hui, la majorité des nouveaux réseaux d’Enedis sont enterrés, mais cette technique souterraine, parfois perçue comme une solution idéale, a aussi ses inconvénients.

En ville, où la plupart des réseaux sont enterrés, les vagues de chaleur peuvent mettre les câbles en tension bien que conçus pour résister à un mercure de plus de 90°C sous le bitume. Quand les chaleurs s’accumulent pendant des jours et des nuits, la température souterraine peut atteindre 120-130°C, augmentant le risque de vieillissement des câbles et in fine, le « claquage ».

Particulièrement vulnérables, les câbles anciens à isolation « papier imprégné » d’huile, sont progressivement remplacés par des câbles à isolation synthétique. Les ingénieurs développent aussi des moyens de surveiller le câble comme avec un « stéthoscope »: « on mesure les petits défauts d’isolation (…) qui nous alertent sur la fin de vie ou le risque de claquage d’un câble », explique Jérôme Fournier, directeur Innovation chez Nexans, la multinationale française du câble.

« Face aux effets croissants du changement climatique », les investissements dans des réseaux résilients apportent « plus d’avantages que de coûts », estime l’AIE. Mais à leur niveau actuel, ils « restent probablement bien en deçà de ce qui est nécessaire ».

© AFP

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