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Les malheurs du Balkhach, un des plus grands lacs d’Asie centrale

lac Balkhach

Plage au bord du lac Balkhach au Kazakhstan, le 18 juin 2024, avec la fonderie de cuivre de Kazakhmys © AFP Ruslan PRYANIKOV

Balkhach (AFP) – Vues du ciel, les eaux aux teintes turquoises du Balkhach s’étirent en forme de croissant au milieu des étendues désertiques du Kazakhstan. Mais leur surexploitation, la pollution et le changement climatique menacent l’existence du deuxième plus grand lac d’Asie centrale.

« J’ai tous les malheurs du Balkhach sous mes yeux », se désole auprès de l’AFP Alekseï Grebennikov, pêcheur sur la rive nord de ce lac unique à l’eau tantôt salée, tantôt douce et abritant de nombreuses espèces rares.

« Il y a de moins en moins de poissons, c’est catastrophique, le lac s’ensable », se lamente le quinquagénaire sur son bateau amarré au port de la ville industrielle de Balkhach restée dans son jus soviétique.

Au large, flotte une barge pour désensabler le petit golfe, rouillée et inutilisée.

« Avant, nous emmenions les touristes faire de la pêche sous-marine. Maintenant, cet endroit est devenu un marécage », poursuit cet organisateur de pêche sportive.

Dans son laboratoire en ville, la scientifique Olga Charipova étudie ces changements.

« Le Balkhach est le plus grand réservoir de pêche du pays. Mais quand le niveau de l’eau baisse, la quantité de poissons aussi, car les conditions de reproduction sont perturbées », explique-t-elle à l’AFP.

Le niveau de « la perle du Kazakhstan » n’est plus qu’à un mètre d’un seuil jugé critique.

Au printemps, le salut est venu du ciel: après des inondations sans précédent, les autorités kazakhes ont détourné respectivement 6 et 3,3 milliards de mètres cubes d’eau vers la Caspienne –le plus grand lac de la région– et le Balkhach.

 Pas d’accord avec la Chine

Si l’eau est remontée de quelques centimètres, la tendance de fond demeure.

« Le niveau du Balkhach baisse partout depuis 2019, principalement en raison d’une diminution du débit de la rivière Ili, qui prend sa source en Chine voisine » dans la région du Xinjiang, précise Mme Charipova.

Un sort partagé à différents degrés par tous les grands lacs, aussi appelés mers fermées, d’Asie centrale: la mer d’Aral a quasiment disparu, la situation est alarmante dans la Caspienne et Issyk-Koul (Kirghizstan) est aussi en danger.

Car ces lacs endoréiques (isolés de l’océan) dans des zones sèches sont particulièrement « vulnérables » aux perturbations « exacerbées par le réchauffement climatique et les activités humaines », détaille la revue scientifique de référence Nature.

La hausse des températures accélère l’évaporation de l’eau tandis que les ressources hydrologiques s’amenuisent du fait de la fonte des glaciers environnants.

Et l’importance économique croissante du Balkhach, situé sur l’itinéraire des « Nouvelles routes de la soie », projet chinois d’infrastructures reliant l’Asie à l’Europe, contribue à sa perte.

Selon une étude de 2021 réalisée par des scientifiques de l’université d’Oxford et publiée dans la revue « Eau », cette baisse résulte principalement de la sur-utilisation de l’Ili par la Chine pour les besoins croissants de son agriculture, dont la gourmande culture du coton.

D’après la même source, « si le régime hydroclimatique de l’Ili reste inchangé d’ici 2060 et que la Chine continue de développer l’agriculture, les approvisionnements en eau deviendront de plus en plus limités ».

Partenaire économique incontournable des pays centrasiatiques, Pékin est moins enclin à collaborer sur le plan hydrique.

« L’élaboration et la signature d’un accord avec la Chine sur le partage des eaux des rivières transfrontalières sont une question-clé », indiquait fin juillet à l’AFP le ministère kazakh des ressources hydriques, soulignant que « l’objectif principal est la fourniture de volumes d’eau nécessaires pour préserver le Balkhach ».

Lourde pollution

Au détournement de l’eau s’ajoute « la pollution par les métaux lourds, les pesticides et autres substances nocives », selon les autorités kazakhes.

Si aucun coupable n’est cité, il suffit de lever les yeux ou de sentir l’air.

Sur la plage municipale, les vacanciers se baignent avec vue sur les cheminées fumantes de l’immense usine métallurgique de Kazakhmys, plus gros producteur de cuivre au Kazakhstan, autour duquel a été fondée la ville.

Ici, le taux d’incidence du cancer du poumon est près de dix fois supérieur au taux régional, déjà parmi les plus élevés du pays, selon les autorités sanitaires, avec des dizaines de milliers de tonnes de polluants rejetés.

« Kazakhmys effectue un travail de protection pour prévenir les catastrophes environnementales du Balkhach », assure à l’AFP Cherkhan Roustemov, ingénieur écologue de l’entreprise.

Pourtant sanctionnée pour non-respect des normes environnementales, Kazakhmys dément être le principal pollueur du Balkhach et garantit renouveler son équipement pour moins polluer.

Pourtant, l’usine rejette ses déchets industriels dans une autre étendue d’eau immense, juste à côté du lac.

© AFP

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