Butha-Buthe (Lesotho) (AFP) – Dans ce village perché du royaume montagneux du Lesotho, à la pointe sud de l’Afrique, Daniel Phoofolo arpente son champ désolé, arrachant des racines mortes, cramées par le soleil.
Ce potager nourrissait sa famille et produisait assez de légumes pour se faire un peu d’argent au marché. Mais la sécheresse intense liée au phénomène El Niño, qui affame le sud du continent depuis des mois, a transformé la terre en poussière.
Son épouse est partie en Afrique du Sud voisine pour trouver du travail. Pour lui comme pour ses deux filles, il faut se limiter à deux repas par jour. Du pain et du thé au petit déjeuner, lait et bouillie de maïs le soir.
Derrière ce paysan anxieux, en pull jacquard poussiéreux et bottes en caoutchouc, de vastes étendues de maïs flétri s’étiolent dans un paysage uniformément brunâtre.
Cette famille près de la ville frontalière de Butha-Buthe, dans le nord-ouest du pays, figure parmi les 700.000 personnes qui, selon le gouvernement, luttent contre la faim au Lesotho, qui a déclaré en juillet une catastrophe nationale.
Quelques semaines plus tôt, le Malawi, la Zambie et le Zimbabwe avaient fait de même, la sécheresse la plus grave depuis un siècle ayant ravagé les récoltes et assoiffé le bétail.
« J’ai planté une rangée de pommes de terre, mais elles n’ont pas poussé. Parce qu’il n’y a pas de pluie », regrette Daniel Phoofolo.
Au Lesotho, près d’un quart des deux millions d’habitants est sans emploi et la moitié vit sous le seuil de pauvreté. Et quelque 80% dépendent de l’agriculture de subsistance, selon le Programme alimentaire mondial (PAM).
Pour nombre de paysans de Butha-Buthe, c’est la première année sans récolte, confie le conseiller municipal Tshepo Makara à l’AFP. « Avant, cela n’avait jamais été aussi catastrophique ».
« Le nombre de personnes touchées est élevé, c’est pour cette raison que le gouvernement a dû intervenir », note-t-il.
Ne plus dormir la nuit
Un programme d’emplois temporaires propose 500 loti (25 euros) par semaine en échange de travaux d’intérêt général, sur les routes ou pour le nettoyage de cimetières, explique-t-il.
Arabang Polanka, veuf de 59 ans à la maigre silhouette, a été ainsi embauché pour l’entretien de la chaussée. Quelques choux pâlots survivent dans son jardin, là où d’ordinaire poussaient aussi betteraves, épinards et oignons.
Ses quatre enfants vont à l’école le ventre vide. Il craint qu’ils doivent bientôt se coucher dans le même état.
« C’est sec, il n’y a pas l’ombre d’une pluie », dit-il le regard inquiet.
Dans son village de Lipelaneng, des femmes font la lessive dans un maigre filet d’eau qui ruisselle d’un côté du lit asséché d’une rivière. Un enfant mène un âne pour le faire boire.
Face au risque de famine pour des milliers de ses concitoyens, le Premier ministre Sam Matekane, un millionnaire magnat du diamant qui a créé la surprise en remportant les législatives fin 2022, a demandé de l’aide internationale et provisionné quelque 100.000 euros pour aider les plus précaires.
Selon le PAM, la situation va empirer, face à la persistance de la sécheresse. Au moins 27 millions de personnes sont déjà affectées en Afrique australe, a souligné récemment auprès de l’AFP sa directrice régionale Lola Castro.
L’absence de récoltes appauvrit aussi les paysans. Et les vols de bétail flambent alors que peu peuvent se permettre de manger de la viande, souligne le conseiller municipal.
Alors que les autorités de la région exhortent les agriculteurs à se tourner vers des cultures résistantes à la sécheresse telles que le sorgho, certaines familles de ce coin rural du Lesotho mettent en commun leurs maigres ressources et leur travail dans des potagers partagés.
Daniel Phoofolo envisage aussi de creuser un petit réservoir d’eau pour dépanner, si la pluie continue à se dérober. La sécheresse « me perturbe terriblement », dit-il. « Je finis par ne plus pouvoir dormir la nuit ».
© AFP
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