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Décarbonation de l’industrie: la France et l’Allemagne en « situation inversée », selon une étude

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La cokerie du sidérurgiste allemand HKM (Huettenwerke Krupp Mannesmann, Thyssenkrupp) à Duisbourg le 13 août 2024 © AFP/Archives Ina FASSBENDER

Paris (AFP) – L’industrie allemande émet proportionnellement moins de gaz à effet de serre que sa concurrente française, mais la France affiche une nette avance en matière d’électrification des procédés, indique jeudi une étude qui jauge les performances environnementales des deux puissances industrielles.

Les émissions directes de l’industrie française (dites de scope 1, en jargon climatique) s’élevaient en 2021 à 380 grammes de CO2 ou équivalent par euro de valeur ajoutée, soit un secteur plus carboné que l’industrie allemande, qui a émis 290 grammes de CO2 sur les mêmes bases, souligne l’étude publiée par le groupe de réflexion La Fabrique de l’industrie et le cabinet conseil McKinsey.

Explication de la différence : l’industrie française est plus représentée dans les secteurs de base comme la métallurgie, la chimie, la fabrication de produits minéraux non métalliques, le papier-carton ou la cokéfaction-raffinage – qui sont aussi les plus émetteurs – que l’industrie allemande, plus axée sur des secteurs moins émetteurs, comme l’automobile.

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Par ailleurs, « en considérant le mix électrique des deux pays, l’écart entre la France et l’Allemagne s’annule, voire même s’inverse dans certains secteurs » en raison de l’approvisionnement en électricité français majoritairement nucléaire et bas carbone, signale David Lolo, économiste à la Fabrique de l’industrie, auteur de l’étude.

En prenant uniquement en compte les émissions indirectes de l’énergie utilisée dans l’industrie, c’est-à-dire essentiellement l’électricité (scope 2), la comparaison ressort « systématiquement à l’avantage de la France », dont l’électricité issue du nucléaire émet « six fois moins de CO2 » que l’énergie en Allemagne qui dépend encore du charbon fossile, relève l’étude.

 « Complexes à chiffrer »

La France et l’Allemagne se retrouvent ainsi « en position inversée »: « la France est proportionnellement plus émettrice en scope 1 que sa voisine, là où l’Allemagne est moins vertueuse en scope 2 », résume McKinsey.

En cumulant les deux scopes, les émissions de l’industrie française s’élèvent à 371 grammes de CO2 par euro de valeur ajoutée, et celles de l’Allemagne à 359 grammes, soit une intensité très comparable, calcule M. Lolo.

L’Allemagne affiche une avance sur les « combustibles alternatifs » et « probablement aussi sur l’économie circulaire et la réutilisation de certains intrants industriels », précise-t-il.

L’étude n’analyse pas les émissions indirectes de l’industrie, dites de scope 3, issues des clients, car elles sont trop « complexes à chiffrer » pour l’instant, selon l’étude.

Pour Matthieu Dussud, directeur-associé de McKinsey, la décarbonation industrielle aussi bien en France qu’en Allemagne doit être pensée à l’échelle de « grands bassins » en mutualisant notamment les investissements en matière d’infrastructures de transport ou de génération électrique.

Il cite notamment le projet d' »autoroute de la chaleur » près de Lille, et le projet d’infrastructures D’Artagnan à Dunkerque pour capter, rassembler, stocker ou exporter le CO2 industriel.

 Une « banque de l’électrification »

Mais « les industriels ont besoin d’assurance sur la rentabilité de leurs investissements avant de les engager », avertit Vincent Charlet, délégué général de la Fabrique de l’industrie.

Constat partagé par le président de France Industrie, Alexandre Saubot, interrogé par l’AFP. « Il y a des secteurs qui ont été fragilisés par l’explosion des prix de l’énergie et par l’intensification de la concurrence chinoise et qui n’ont plus les moyens qu’ils imaginaient il y a quelques années pour assumer leur part de financement d’une transition lourde », explique-t-il.

Aujourd’hui, le secteur automobile « est fragilisé par les incertitudes sur la concurrence chinoise, et des craintes sur la vitesse de déploiement et de la demande sur les véhicules électriques. La chimie est bien impactée par la remontée des prix de l’énergie par rapport à ce qui se peut se faire Amérique et en Chine », ajoute-t-il.

Autre frein d’importance pour la décarbonation, selon l’étude, le coût de l’électricité en France.

« L’électrification de l’industrie va buter contre l’hypothèse d’un mégawatt à 70 euros », le prix proposé par EDF à ses clients industriels pour leurs contrats long terme, prévient M. Charlet.

Tant que le mégawatt issu du gaz sera beaucoup moins cher, juge M. Dussud, « il n’est pas possible d’attendre que les industriels s’électrifient massivement ».

Afin de faciliter la transition des industriels européens vers l’électrification, le PDG d’EDF, Luc Rémont, a suggéré jeudi à Bruxelles la création d’une « banque de l’électrification » qui serait intégrée au « pacte pour l’industrie propre » évoqué par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de sa reconduction en juillet.

© AFP

2 commentaires

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    • Jean-Pierre Bardinet

    L’intensité carbone de la France est, sur un an, de 45 gCO2/kWh, alors que celle de l’Allemagne est de 425 gCO2/kWh, malgré un très fort développement de l’éolien et du solaire, ce qui semble paradoxal. En fait, pour gérer les fluctuations et l’intermittence des EnR, il faut des centrales thermiques de même puissance pour éviter un crash électrique. Les pays aux intensités carbone les plus faibles sont les pays nordiques : 20 gCO2/kWh pour la Suède, 25 gCO2/kWh pour la Norvège et 92 gCO2/kWh pour la Finlande, grâce à leurs énormes capacités hydroélectriques et au nucléaire (Suède, Finlande). Notons que l’intensité carbone du Danemark, qui se veut être champion de l’éolien est assez moyenne : 163 gCO2/kWh.

    • Jean-Pierre Bardinet

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