Ris-Orangis (France) (AFP) – Planter des fleurs sauvages, ne pas tondre frénétiquement ou mettre des abris à insectes et oiseaux: de plus en plus de particuliers disent stop au modèle du jardin uniforme et ultra-domestiqué pour contribuer au retour des abeilles, papillons et autres êtres vivants.
Avec un million de jardins privés en France, couvrant 1,2 million d’hectares, selon l’Insee, il y a un « beau potentiel pour faire quelque chose face à la perte de biodiversité », estime Isabelle Bouchy, présidente du club du Val de Seine de l’association départementale des jardiniers de l’Essonne.
« C’est quatre fois la surface des parcs naturels en France », donc si chacun des 58% de Français qui possèdent un jardin privé « s’implique là-dedans, même un tout petit peu, ça fait un levier extraordinaire », explique cette sexagénaire, qui organise plusieurs fois par an des visites pour sensibiliser aux pouvoirs extraordinaires des jardins.
Sur le petit terrain qui entoure sa maison à Ris-Orangis (Essonne), Mme Bouchy a créé différents espaces pour favoriser la biodiversité: un potager, des plantations de fleurs, une pelouse où trône un salon de jardin, mais aussi des zones plus sauvages, des arbres et des buissons, une toute petite mare.
« Ce n’est pas parfait ce jardin, mais j’avance. Il s’agit souvent de petites choses » qui peuvent tout changer.
« Je sens la nature qui souffre, la baisse du nombre de papillons, le fait qu’il y ait de moins en moins d’arbres, les plantes qui meurent à cause de la sécheresse. (…) Donc je me suis dit: +Qu’est-ce que je peux faire à mon niveau, chez moi ?+ ».
A bas la tondeuse ?
Pour celle qui rechignait « à laisser le fouillis s’installer », cela n’a pas été simple. « Il a fallu changer (…) ma vision du jardinage. »
Comme elle, beaucoup de particuliers craignent de se retrouver « au milieu d’une jungle » s’ils laissent la nature reprendre ses droits.
Selon une enquête réalisée en 2022 par le fabricant de matériel suédois Husqvarna auprès de 4.000 propriétaires dans huit pays européens, la biodiversité n’est une « priorité absolue » que pour 22% d’entre eux et 80% avouent ne pas savoir comment en tenir compte.
Seuls 30% ont laissé des parcelles d’herbes folles, alors que 50% restent adeptes d’une pelouse bien verte et rasée de près, ne laissant aucune chance aux graminés et qu’un bref répit aux trèfles et pâquerettes avant le retour rapide d’une tondeuse trop zélée.
En réponse, Plantlige, une association britannique, mène depuis cinq ans une campagne #NoMowMay » (« Mai sans tondeuse ») pour laisser prospérer les fleurs sauvages et fournir ainsi une pitance aux pollinisateurs, menacés d’extinction.
Mme Bouchy tond, elle, sa pelouse « par paliers » et jamais à ras. « Quand vous le tondez trop, le gazon souffre beaucoup plus, il ne peut pas se régénérer et il sèche plus. Donc je laisse (…) des endroits où ça fait 10-15 cm, et ce n’est pas du tout gênant pour marcher, pour vivre là. »
Couloirs écologiques
Pour le reste, pas besoin de révolutionner son jardin.
Outre renoncer aux produits phytosanitaires, interdits en France pour les jardins particuliers depuis 2019, des choses simples peuvent faire la différence: planter des « plantes sauvages permet de faire des étapes pour les insectes, de recréer des petits couloirs écologiques », laisser « un petit amas de bois mort » leur offre un refuge et « laisser une petite partie de jardin qui reste un peu sauvage, ça suffit » aussi.
« Ca peut être juste un mètre ou deux » de large, explique Mme Bouchy, et pour l’esthétique, car « c’est souvent ça qui freine les gens », il suffit d’une petite barrière, de cailloux ou de piquets de couleur.
Autre avantage méconnu d’un jardin plus naturel: il réduit les émissions de gaz à effet de serre (GES), via la transformation des pelouses en potagers, offrant des légumes au meilleur bilan carbone que ceux du commerce, selon une étude menée en 2016 par David Cleveland de l’université américaine de Santa Barbara.
En outre, « les techniques douces de jardinage, d’entretien et de gestion écologique limitent la libération de carbone dans l’atmosphère », souligne la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).
Les haies ou un arbuste sur un balcon « procurent non seulement le gîte et le couvert à la faune sauvage mais aident aussi le climat par leur capacité à stocker le carbone via la photosynthèse », rappelle la LPO.
© AFP
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