« Ça suffit »: l’indignation des peuples de l’Amazonie équatorienne face à l’extraction pétrolière

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Un écoulement de pétrole près du village de Guiyero Waorani dans le parc national de Yasuni, dans la province d'Orellana, en Equateur, le 27 août 2024 © AFP Rodrigo BUENDIA

Guiyero (Equateur) (AFP) – Une nappe dense et huileuse recouvre en partie un estuaire de la réserve naturelle Yasuni, en Amazonie équatorienne, où le peuple indigène Waorani réclame à cor et à cri l’arrêt de l’extraction du pétrole.

« Il est temps de dire ça suffit, ils ont assez abusé de nous », clame auprès de l’AFP Ene Nenquimo, la vice-présidente de l’organisation Nacionalidad Waorani (Nawe), des plumes multicolores sur la tête.

La tache noire borde une route menant à la communauté de Guiyero, sur les rives de la rivière Tiputini, où vivent des indigènes Waorani et d’autres communautés en isolement volontaire.

« De gros lézards sont morts », se lamente Pablo Ahua, 44 ans, parmi la centaine d’autochtones du petit village situé près de l’un des nombreux puits de la réserve, d’où est extrait un or noir précieux pour le pays mais dévastateur pour l’environnement.

En juin, l’entreprise publique Petroecuador a admis qu’une fuite de pétrole brut survenue dans le bloc 16 (appelé Iro) avait contaminé les sources d’eau de plusieurs villages et atteint le fleuve Napo, un affluent de l’Amazone.

Selon les défenseurs de l’environnement, les fuites sont fréquentes dans la réserve d’un million d’hectares, classée réserve mondiale de la biosphère avec quelque 600 espèces d’oiseaux, 220 de mammifères, 120 de reptiles et 120 d’amphibiens recensées.

Ces fuites ont « un impact immense auquel personne ne peut remédier », dénonce Ene Nenquimo, qui regrette aussi le manque de services essentiels pour les populations indigènes de la réserve tels que les soins de santé. « Nous sommes oubliés », assure-t-elle.

Selon Kevin Koenig de l’ONG Amazon Watch, l’extraction pétrolière a également comme effet néfaste qu’elle engendre des maladies. « Nous constatons (…) une corrélation entre la proximité des populations avec les plateformes pétrolières et les puits et des taux élevés de cancer, » souligne-t-il.

 « Aucun développement »

L’écologiste exhorte les pays développés à investir dans la protection de l’environnement via des mécanismes financiers tels que les échanges de dettes qui permettent à un pays de réduire sa dette extérieure en échange de son engagement à financer des projets de protection de l’environnement.

En attendant, en août 2023, les défenseurs de l’environnement ont remporté une victoire historique lorsque 59% des électeurs équatoriens ont voté pour l’arrêt de l’exploitation dans un autre bloc, le 43 (connu sous le nom d’ITT), dont une petite partie se trouve dans la réserve Yasuni.

La consultation prévoyait l’arrêt progressif de l’extraction pétrolière dans un délai d’un an. Cependant, le gouvernement a récemment annoncé que la clôture des 247 puits du bloc prendrait au moins cinq ans. A ce jour, seul un puits a été fermé, le 28 août.

Pour Ene Nenquimo, l’Etat « doit respecter, qu’on le veuille ou non » ce qui a été décidé dans les urnes. En 2023, l’Équateur a estimé à près de 16,5 milliards de dollars les pertes liées à la fermeture de l’ITT, l’un des 80 blocs situés dans la jungle équatorienne.

« Ils disent que (le pétrole) est destiné au développement des communautés, mais il n’y a aucun développement », s’indigne Ene Nenquimo, qui ne perçoit que les conséquences néfastes sur l’environnement et la santé.

Si de nombreux indigènes partagent son rêve de voir la jungle totalement libérée de l’extraction pétrolière, ceux travaillant pour les compagnies pétrolières ne souhaitent pas la fin d’une activité qui a généré 7,8 milliards de dollars de revenus l’année dernière.

Avec quelque 17 millions d’habitants, l’Équateur connait un taux de pauvreté de 25,5% et d’extrême pauvreté de 10,6%, un fléau qui affecte principalement les communautés indigènes.

Le Nawe, principale organisation Waorani, estime posséder quelque 800.000 hectares en Amazonie, mais en revendique 1,2 million de plus.

La Constitution reconnaît aux peuples indigènes « la propriété collective de la terre, en tant que forme ancestrale d’organisation territoriale », mais maintient le pouvoir de l’État sur les ressources du sous-sol.

© AFP

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