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Aux confins du Kurdistan d’Irak, l’insoluble diplomatie de l’eau avec l’Iran voisin

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Vue aérienne de la rivière du Petit Zab, près de Qaladiza, dans le nord du Kurdistan d'Irak, le 29 août 2024 © AFP Shwan NAWZAD

Qaladiza (Irak) (AFP) – Aux confins du Kurdistan d’Irak, la pittoresque ville de Qaladiza se dresse près du Petit Zab. Cette rivière arrive de l’Iran voisin et par endroit son lit est exposé, illustrant les pénuries d’eau pesant depuis des années sur le quotidien des 90.000 habitants.

Enserrée par des collines, Qaladiza est à une trentaine de kilomètres de la frontière iranienne. Le Petit Zab serpente dans la vallée, bordé de terres agricoles, mais aussi des bacs en damier des fermes piscicoles.

« Quotidiennement nous surveillons le niveau de l’eau », indique à l’AFP Marf Karim, directeur de la station d’épuration: « A l’oeil nu, on constate une baisse d’environ 80% ».

Naguère, la rivière apportait annuellement sept milliards de mètres cubes d’eau. La crise a commencé en 2017, explique-t-il: en amont sur le Petit Zab, l’Iran a construit le barrage de Kolsa.

« C’est une catastrophe pour l’environnement de notre région », déplore le responsable, citant les répercussions sur « les puits d’eau et les nappes phréatiques ».

Pour sécuriser l’eau potable de Qaladiza, un barrage artisanal retenant le débit de la rivière a été érigé à la station d’épuration.

Mais cela ne résout pas « le problème de la qualité de l’eau. Il nous faut plus de produits pour filtrer les impuretés », regrette M. Karim.

Enchaînant les sécheresses, confronté à l’inexorable hausse des températures et au recul des précipitations, l’Irak est considéré par l’ONU comme un des cinq pays au monde les plus exposés à certains effets du changement climatique.

Mais à Qaladiza, c’est aussi une diplomatie de l’eau qui est en jeu, mettant au jour lignes de fracture et tensions régionales, inévitables à mesure que les pays doivent gérer des conditions climatiques toujours plus extrêmes.

 « Négociations géopolitiques »

Affluent du fleuve Tigre, le Petit Zab prend sa source en Iran, aussi frappé par la sécheresse.

A l’été 2023, le département météorologique de la province iranienne de l’Azerbaïdjan occidental, frontalière d’Irak, assurait ainsi que « 56% » de son territoire vivait une « sécheresse très sévère ».

Malgré plusieurs barrages érigés dès les années 1990, « l’Iran a réalisé en 2017 qu’il perdait encore les deux tiers de ses eaux vers l’Irak, ce qui pourrait conduire à des pénuries en Iran même, d’ici 2036 », indique à l’AFP Banafseh Keynoush, chercheuse à l’Institut Kroc de l’université américaine Notre-Dame.

Téhéran s’est donc lancé dans la construction d’une centaine de barrages supplémentaires « pour rediriger ce débit d’eau allant en Irak vers ses propres réservoirs », ajoute-t-elle.

Sur son sol, l’Irak veut aussi construire des barrages et encourage les agriculteurs à abandonner des méthodes d’irrigation ancestrales consistant à inonder les champs. Bagdad veut également obtenir de son grand allié un partage des eaux.

Mais l’Iran a fait de « la dispute de l’eau une sous-catégorie au sein des discussions géopolitiques entre les deux pays.

Tout progrès pour résoudre cette question est aussi conditionné à des négociations politiques et géopolitiques » tant avec Bagdad qu’avec le Kurdistan autonome, ajoute M. Keynoush.

Elle rappelle qu’en novembre, l’Iran libérait plus d’eau du Zab « pour minimiser certaines tensions avec le gouvernement régional du Kurdistan ».

« Il y avait certainement des facteurs politiques derrière (ce geste), outre des considérations environnementales », souligne-t-elle. Car il est « vital » pour l’Iran d’éviter « tout bouleversement majeur à ses frontières ».

 « Les poissons vont mourir »

En aval sur le Petit Zab, le directeur du barrage de Dukan, Kochar Jamal, minimise l’impact des « coupures » du voisin iranien sur ses propres réserves. Cette année, elles ont augmenté par rapport à 2023, mais c’est surtout « en raison des quantités de pluies à l’hiver et au printemps », dit-il.

Bakr Baez, gouverneur de Qaladiza, explique que ses agriculteurs n’ont pas assez d’eau pour irriguer leurs champs. Et sur les 257 bacs des fermes piscicoles, 200 ont grandement souffert du manque d’eau.

Juché près d’un énorme trou sur sa propriété, Ali Hassan observe une pelleteuse creusant laborieusement une terre boueuse, gorgée de cailloux. Pour sauver sa ferme piscicole, il faut de l’eau. Alors il espère approfondir son puits pour accéder à une nappe phréatique.

« Cela fait trois jours que l’on n’arrive pas à changer l’eau des bacs », déplore le quinquagénaire: « Sans cela, l’eau sera chaude, les poissons mourront. Il leur faut de l’eau fraîche. »

Aux commandes du bulldozer, Omar Mohamed est aussi agriculteur. « Avec le manque d’eau on reste parfois trois, quatre jours sans irriguer », déplore l’homme de 48 ans.

« J’avais des vergers, ils sont perdus », regrette-t-il: « Un voisin a tenté de planter des bamias, un autre des pastèques, tous ont échoué ».

© AFP

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