Electricité: 140 ans après, le Royaume-Uni dit « bye bye » au charbon

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La centrale à charbon de Ratcliffe-on-Soar, qui doit fermer le 30 septembre, photographiée le 12 septembre 2024 © AFP Oli SCARFF

Ratcliffe-on-Soar (AFP) – Plus de 140 ans après l’ouverture à Londres de la première centrale électrique au charbon du monde, le Royaume-Uni s’apprête à dire adieu à ce combustible ultra polluant, qui a tant compté dans son développement. Une première pour un pays du G7.

Ses imposantes cheminées grises détonnent au milieu de la verdure des East Midlands, au centre de l’Angleterre. Huit balises alignées, parfois fumantes, qui s’incrustent à chaque coin de terre dans l’oeil des habitants.

Mais les jours de la centrale de Ratcliffe-on-Soar, entre Derby et Nottingham, la dernière à utiliser du charbon au Royaume-Uni, sont comptés: le vénérable établissement, inauguré en 1967, mettra la clé sous la porte le 30 septembre, sonnant le glas du combustible dans la production électrique du pays.

« Ca va être très étrange parce qu’elle a toujours été là », témoigne David Reynolds, un retraité de 74 ans qui a vu la centrale se construire sous ses yeux quand il était enfant.

« Quand j’étais plus jeune, on pouvait traverser certains coins et ne voir que des mines de charbon », se remémore cet homme aux traits creusés. Avant de s’interroger: « Je me demande comment nous allons pouvoir nous en passer tout d’un coup. »

« Great Smog »

L’histoire du Royaume-Uni est intimement liée à celle du charbon, qui a contribué à son essor économique au XIXème siècle et jusqu’aux années 1990.

[À lire aussi 95 % des centrales à charbon du monde ont une date de fermeture programmée ou un objectif de neutralité carbone]

Cette énergie extrêmement polluante -le « Great Smog » londonien de 1952 et ses milliers de morts restent d’ailleurs gravés dans la mémoire britannique- représentait encore près de 70% de l’électricité dans les années 1980. Avant une baisse spectaculaire: 38% en 2013, 5% en 2018 et 1% l’an passé, selon l’institut Our World in Data.

La fermeture de Ratcliffe-on-Soar est une étape symbolique dans l’ambition de Londres de décarboner totalement son électricité d’ici 2030, puis d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Un horizon 2030 « très ambitieux », reconnaît Jess Ralston, du groupe de réflexion Energy and Climate Intelligence Unit (ECIU). Mais la fin du charbon permet déjà d’envoyer « un message très fort » aux autres pays.

Car le Royaume-Uni est le premier pays du G7 à faire sans le combustible: l’Italie s’est fixé 2025, la France 2027, le Canada 2030, l’Allemagne 2038. Le Japon et les Etats-Unis n’ont pas de date précise.

-Dioxyde de souffre

Pour se défaire du combustible, les Britanniques ont compensé avec le gaz naturel, un peu moins polluant, qui représente en 2023 un tiers de l’électricité. Un quart revient à l’éolien, une proportion notable. Le nucléaire est à environ 13%.

Ce succès s’explique par « une combinaison de facteurs économiques et de réglementations », détaille Jess Ralston. D’une part, la fin de l’économie manufacturière a fait perdre au charbon de son importance.

D’autre part, les centrales électriques « ont été soumises à des réglementations en raison du dioxyde de soufre, des oxydes d’azote et de toutes (leurs) émissions », poursuit l’analyste.

Au bout du compte, « il n’était plus économiquement intéressant d’investir » dans cette énergie, contrairement aux renouvelables.

Les engagements du Royaume-Uni en matière de changement climatique n’ont que renforcé le mouvement.

Le nouveau gouvernement travailliste a lancé cet été un plan sur les énergies vertes, avec la création d’une entreprise publique pour investir dans les éoliennes flottantes, l’énergie marémotrice ou le nucléaire.

 Thomas Edison

La centrale de Ratcliffe-on-Soar, potentiellement capable d’électriser 2 millions de foyers, n’était plus sollicitée que ponctuellement: par exemple à cause d’une vague de froid en 2022, ou d’une canicule toute relative (parfois plus de 30 degrés) faisant craindre l’utilisation intensive de climatiseurs en 2023.

Son ultime cargaison, 1.650 tonnes de charbon au début de l’été, permet à peine d’alimenter 500.000 foyers pendant huit heures.

« C’est comme la fin d’une ère », résume Becky, 25 ans, qui sert tatouage au poignet des pintes à 4 livres derrière le comptoir en bois du « Red Lion », un pub du bourg de Kegworth, proche du site.

Son père, qui travaille dans la centrale depuis des années, va perdre son emploi. Elle anticipe « beaucoup d’émotion » le 30 septembre pour les 350 employés. « C’est toute leur vie. »

Il ne reste rien de la première centrale au charbon du monde, créée par Thomas Edison et ouverte en plein coeur de Londres en 1882.

Un destin similaire attend celle de Ratcliffe-on-Soar, totalement démantelée « d’ici la fin de la décennie », selon Uniper. Avant la création sur place d’un « pôle de technologie et d’énergie sans carbone ».

© AFP

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    • Serge Rochain

    Les heures sont compter pour les producteurs d’électricité qui tirent leur énergie de ce qu’ils extraient de la Terre pour le transformer en chaleur. Le charbon n’aura pas duré deux siécles, une étincelle dans l’esperance de vie de l’humanité. Combien de temps vivra encore l’uranium qui n’a commencé sa carriere qu’il y a moins de 60 ans ?