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La scientifique Anne Atlan : « un des problèmes de notre société est la dichotomie nature – culture, il va falloir sortir de la logique les humains d’un côté, la nature de l’autre. »

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Un chat attiré par un pigeon en ville PHOTO Wouter van Dijke / unsplash

L’impact des chats sur la faune sauvage est une problématique de préservation de la biodiversité bien identifiée. Cependant, elle met en lumière des dilemmes éthiques sur la manière de concilier protection du vivant, des êtres sensibles et des espèces. La régulation des populations de chats suscite des controverses. GoodPlanet Mag’ revient sur ce sujet complexe et a interviewé la scientifique Anne Atlan.  Elle vient de publier dans la revue Natures Sciences Sociétés un article explorant la question des éthiques environnementales sous le titre Protéger la nature ou protéger les animaux ? Les chats harets à la croisée des éthiques environnementales. L’approche d’Anne Atlan, qui est directrice de recherche CNRS au laboratoire ESO – Espaces et sociétés combien une approche écologique et sociologique. Elle aide à mieux comprendre la manière dont une approche morale et des valeurs aossciées entrent en compte dans la protection de la nature et des animaux.

Vos travaux portent sur le dilemme entre la protection de la nature et celle des animaux en se basant sur le cas du chat haret. Tout d’abord, qu’est-ce que le chat haret ? Quel lien a-t-il avec le chat domestique ?

Mes travaux portent sur le chat domestique. C’est une seule et même espèce, Felis catus, présente sur toute la planète, mais qui peut avoir des comportements écologiques et sociaux différents.

Ainsi, il y a le chat domestique qui possède un maître. Il vit dans les maisons, il est nourri par les humains et dort à l’intérieur des habitations ou dans les jardins. Le chat est un animal particulièrement aimé, il représente 15 % des consultations du web et 12 millions d’animaux en France.

« La présence des chats entraîne un gros risque pour la biodiversité dans de nombreux espaces naturels »

Il y a ensuite le chat errant, sans maître, qu’on trouve à la campagne ou en ville. Il dépend en partie des humains car il se nourrit de ce qu’on veut bien lui donner ou des poubelles.

Enfin, il y a le chat haret. Il s’agit d’un chat redevenu sauvage, à ne pas confondre avec le chat sauvage ou chat forestier (Felis silvestris silvestris) qui est une espèce distincte. Le chat haret se nourrit exclusivement d’animaux sauvages qu’il aura chassés.

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L’impact des chats sur la faune

Les chats sont de redoutables prédateurs de la faune sauvage. Pour replacer les enjeux de vos travaux, pouvez-vous expliquer en quoi, dans ce cas de figure, la protection de la nature entre en contradiction avec celle des animaux, ici le chat ?

Le chat côtoie l’espèce humaine depuis des millénaires. Mais, il a la particularité d’être le seul animal domestique qui n’était pas nourri par les humains car sa mission était de chasser les rats et les souris afin de protéger les denrées alimentaires. Pour ces raisons-là, le chat a conservé toutes ses capacités de prédation de carnassier. Ce qui en fait un redoutable chasseur parfaitement capable de se nourrir une fois lâché dans la nature. Il chasse les oiseaux, les petits mammifères et les batraciens.

« Le chat a donc conservé toutes ses capacités de prédation de carnassier. »

Les chats ont été introduits dans toutes les régions du monde par les humains qui les amenaient avec eux sur les bateaux. Ainsi, ils sont arrivés dans des écosystèmes, en particulier dans les îles, où les oiseaux, les petits mammifères ou les batraciens n’avaient pas de prédateurs. Or, cette faune sauvage a du mal à s’adapter à ce nouveau prédateur qui fait des ravages. Un chat peut tuer énormément de petits animaux. Ainsi, la présence des chats entraîne un gros risque pour la biodiversité dans de nombreux espaces naturels. Ces félins deviennent dès lors une menace pour la faune sauvage.

« Les chats ont été introduits dans toutes les régions du monde par les humains »

Il faut avoir en tête que les gestionnaires d’espace naturel ont l’obligation légale de prévenir les menaces qui pèsent sur la faune, ce qui inclut les chats.  Dans le même temps, comme animaux domestique de compagnie, les chats sont protégés par la loi, notamment contre la cruauté envers eux. La présence du chat et les manières de l’empêcher de nuire deviennent alors des objets de controverse et d’affrontement entre différentes formes d’éthique.

Quels sont les dommages que le chat peut causer à la faune ?

Selon les estimations actuelles, un chat qui vit dans une maison tue une trentaine d’animaux par an.  Pour un chat errant, ce chiffre tourne autour des 300 tandis que, pour le chat haret, ce chat redevenu sauvage et se nourrissant uniquement grâce à sa chasse, le chiffre atteint 1300 proies.

« Dans des espèces sauvages ou périurbains dans lesquels vivent des espèces endémiques, la présence d’une dizaine de chats peut mettre en péril des espèces fragiles »

Dans les campagnes, c’est un problème. Il est amplifié dans les îles où se trouvent des espèces d’oiseaux endémiques. Ainsi, dans des espèces sauvages ou périurbains dans lesquels vivent des espèces endémiques, la présence d’une dizaine de chats peut mettre en péril des espèces fragiles, menacées, protégées, rares ou en danger.

Selon vous, est-ce que la population a conscience des ravages sur la faune que le chat peut engendrer ?

Les populations humaines s’en rendent rarement compte bien que les discours sur le sujet se multiplient. Je rencontre de plus en plus de propriétaires de chats qui sont conscients du problème et font attention en mettant, par exemple, des clochettes sur leur animal. Même quand la population a conscience des dégâts que le chat peut faire sur la faune sauvage, une partie s’oppose à ce qu’on lui fasse du mal car c’est un être sensible. Ce qui gêne les gestionnaires d’espaces naturels qui doivent capturer ou de tuer les chats.

« Avec l’émergence de mouvements défendant le bien-être animal, l’idée de faire du mal à un animal est moralement insupportable. »

En effet, avec l’émergence de mouvements défendant le bien-être animal, l’idée de faire du mal à un animal est moralement insupportable.  En conséquence, le fait de savoir que le chat fait des ravages ne suffit pas à justifier ou à accepter les actions des gestionnaires d’espaces naturels. Ils capturent et/ou tuent les chats, en vue de réduire leur impact.

« Étudier cette contradiction entre la protection de la nature et la protection des animaux afin de savoir où se situe le dilemme d’un point de vue éthique. »

J’ai voulu étudier cette contradiction entre la protection de la nature et la protection des animaux afin de savoir où se situe le dilemme d’un point de vue éthique.

Quand 3 formes d’éthique pas toujours conciliables émergent quand on parle de la protection du vivant

À la complexité du sujet s’ajoute l’affect que les humains ont pour les chats. Vous faites référence à 3 formes d’éthique distinctes selon les points de vue et les objectifs poursuivis, anthropocentrée, biocentrée et écocentrée.  Qu’est-ce qu’une éthique ?

L’éthique est la valeur morale qui sert à évaluer si une action est bonne ou mauvaise en fonction de ses conséquences.

À quoi correspondent ces 3 visions morales ?

L’éthique anthropocentrée mesure la conséquence sur les humains. Elle invite à protéger la nature car l’espèce humaine en a besoin pour survivre. Pour les chats, cela signifie donc qu’il faut les retirer de l’espace public car ils causent des nuisances et peuvent transmettre des maladies. La loi interdit par exemple de nourrir un chat errant non-identifié.  Cependant, le rôle des chats dans la lutte contre les souris et les rats en ville est appréciée et reconnue.

« L’éthique est la valeur morale qui sert à évaluer si une action est bonne ou mauvaise en fonction de ses conséquences. »

L’éthique biocentrée consiste à considérer une action comme bonne ou mauvaise en fonction de ses conséquences sur un être vivant donné. Il s’agit de ne pas faire de mal. On la retrouve dans les mouvements en faveur du bien-être animal. Elle est notamment au cœur de l’antispécisme. Elle implique de respecter le vivant, mais il faut trouver une limite sinon cette éthique se montre difficilement tenable. Surtout si on devait l’appliquer à l’ensemble du vivant. C’est pourquoi dans cette approche morale la limite a pendant longtemps été celle d’être sensible qui se cantonnait aux mammifères et aux oiseaux. Toutefois, depuis peu, la notion s’étend à d’autres familles du vivant. De plus, cette approche s’applique indifféremment à une espèce qui pullule ou une en voie de disparition… ce qui a abouti à ce que cette manière de voir ne permette pas de véritablement protéger les espèces et les écosystèmes. Dans le cas des chats, l’éthique biocentrée s’oppose à ce qu’on leur fasse du mal, qu’on les capture ou qu’on les élimine.

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L’éthique écocentrée va évaluer le caractère bénéfique ou nocif d’une action en fonction de ses conséquences sur les écosystèmes et les espèces qui les peuplent. Dans ce cas-là, la présence du chat dans certains milieux dont la faune sauvage est menacée est remise en question au nom de la préservation de la biodiversité.

Que nous dit l’exemple du chat des tensions entre ces éthiques ?

On voit donc dans le cas du chat qu’en dehors de sa gestion en ville qui relève de la vision anthropocentrée, deux visions se font face. Il y a d’un côté l’éthique biocentrée avec des défenseurs des animaux qui refusent qu’on fasse du mal, qu’on tue ou qu’on capture des chats. De l’autre côté, se trouve l’éthique écocentrée des gestionnaires de la nature dont c’est à la fois le métier et l’obligation légale. Dans un cas on a l’obligation de nourrir les chats, dans l’autre on a l’obligation de les tuer. On se retrouve face à une contradiction dont il est difficile de sortir.

Qu’est-ce que la contradiction entre protection de la nature (éthique écocentrée) et protection des animaux (éthique biocentrée), révèle de notre rapport au vivant ?

Ce que cela dit de notre rapport à la nature est premièrement que nous n’arrivons pas à nous unir, puisqu’on a des personnes qui veulent tuer des chats pour protéger des espèces endémiques et d’autres qui ne veulent pas qu’on procède ainsi. Ces derniers veulent qu’on respecte les êtres vivants sensibles. Les défenseurs de chacune des approches vont se battre, y compris au niveau juridique, alors qu’ils cherchent tous les deux le bien commun. Il y a donc une difficulté à s’unir pour les défenseurs du vivant, qui trouve ses origines dans des positionnements moraux divergents dont les acteurs n’ont pas nécessairement eux-mêmes conscience. Elle entraîne une faiblesse des défenseurs de l’environnement qui se retrouvent divisés, ce qui bénéficie aux grands intérêts économiques privés responsables en partie des crises écologiques comme Monsanto ou Total.

« Il y a donc une difficulté à s’unir pour les défenseurs du vivant »

Ensuite, les deux éthiques peinent à se comprendre et à se respecter. Or, il faudrait toutes les deux les prendre en compte. Ce sont effectivement toutes deux des éthiques qui portent les valeurs du respect du non-humain, ce qui est indispensable afin de progresser dans la transition écologique.  Oui, il faut respecter les chats comme des êtres sensibles, pourtant, oui, il faut aussi préserver les espèces d’oiseaux endémiques. Il ne suffit pas de vouloir faire le bien, il ne s’agit pas de comprendre qui a tort ou raison dans l’absolu, mais d’accepter que ce sont deux registres éthiques différents.

« Se demander si les oiseaux valent plus que les chats n’a pas de sens »

C’est-à-dire ?

Une étique écocentrée se base sur l’échelle de la population, alors qu’une étique biocentrée est souvent ramené à l’échelle d’un individu. Or, se demander si les oiseaux valent plus que les chats n’a pas de sens en soi. Il faut ramener la question à un autre niveau pour avoir de nouvelles perspectives. Ainsi, au niveau de la population, elle peut se poser en des termes différents et surtout bien plus précis, entre, par exemple, un oiseau endémique dont la population risque de disparaitre et le chat qui est en pleine explosion démographique dans le monde entier.

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Vous avancez cependant également dans l’article Protéger la nature ou protéger les animaux ? Les chats harets à la croisée des éthiques environnementales une conclusion positive sur le fait que malgré leurs frictions, ces éthiques disent quelque chose d’un nouveau rapport au vivant. Pouvez-vous développer cette idée ?

Dans certains cas, les différentes approches éthiques ne s’accordent pas. Mais, dans d’autres, comme la protection des bélugas ou d’autres espèces menacées, elles se rejoignent. La prise en compte du respect et de la dignité des êtres vivants non humains progresse. Il y a encore quelques décennies, tuer des chatons et des chats était considéré comme normal, aujourd’hui la question du rapport au vivant à évoluer. On ne peut plus simplement exploiter le vivant.

« Un des problèmes de notre société est la dichotomie nature – culture. Il va falloir sortir de la logique les humains d’un côté, la nature de l’autre. »

De nos jours, on réalise aussi que les espèces disparaissent avec la 6e extinction de masse. On peut agir en éliminant dans certains cas précis les chats quand ils sont une menace, mais on peut aussi agir en éliminant les pesticides ou en stoppant la déforestation.

Les scientifiques ont alerté depuis longtemps sur l’érosion de nos ressources, mais la prise de conscience de la population sur ce sujet est récente, une vingtaine d’année, et s’ajoute aux préoccupations de bien-être animal. Quand on cesse de considérer la nature comme une source inépuisable de ressources, on comprend qu’il faut la protéger tout comme on réalise, et c’est important, que les animaux sont des êtres qui ont une dignité en soi. Pour le dire autrement, un des problèmes de notre société est la dichotomie nature – culture. Il va falloir sortir de la logique les humains d’un côté, la nature de l’autre. C’est ce que permettent ces deux éthiques. L’approche biocentrée donne aux animaux une dignité tandis que l’approche écocentrée va dans un esprit de protection de la nature et non plus d’exploitation.

De quelle manière comprendre le rapport entretenu avec les animaux présents dans le cadre de vie des personnes peut aider à améliorer les mesures de préservation et de protection de la biodiversité ?

Il est important de côtoyer les espèces pour leur accorder de la valeur. Cela permet de comprendre le non-humain, toutefois il faut veiller à ne pas trop non plus l’anthropiser car le risque est alors de perdre l’altérité. La place des chats n’est pas naturellement de glander sur le canapé.

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Mes analyses doivent aider tout un chacun à savoir dans quelle éthique il se place. Et quand ces éthiques s’opposent, s’il ne s’agit que d’éthique, et non pas d’intérêts personnels, il est envisageable de trouver des solutions satisfaisantes pour tout le monde.

Y a -t-il d’autres animaux domestiques que le chat concerné par des controverses entre bien-être de l’animal et protection de la nature ? Lesquels ?

Il y a le ragondin le long des cours d’eau qui est à l’origine d’une controverse. Il abîme les berges et les arbres. Les gestionnaires d’espace doivent les empêcher de faire des ravages, cependant les défenseurs des animaux estiment qu’il est un bouc émissaire d’autant plus qu’il a été introduit par les humains.

Au Canada, c’est la prolifération des chevreuils, des cerfs et des caribous qui cristallise les tensions qui vont jusqu’au procès. Ces mammifères écorcent et tuent les arbres, ce qui représente une grosse menace.

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Les phoques sont aussi un bon exemple… encore très présents dans l’imaginaire collectif. Or, ils pullulent s’attaquant à la fois à la biodiversité marine et aux ressources halieutiques. L’opposition à leur chasse, cruelle, continue de mobiliser une grande partie de l’opinion.

« Tout ceci pose question sur la manière de protéger la nature car on ne peut y arriver qu’avec l’adhésion de la population. »

La plupart des cas concernent des mammifères, sans doute car on s’identifie plus aisément à eux. La question peut même se poser pour des plantes auxquelles la population s’identifie et s’est attachée alors que ce sont des espèces invasives, comme les hortensias aux Canaries dont elles sont devenues l’emblème. C’est aussi le cas du goyavier sur l’île de la Réunion.

Il y a aussi le fait qu’en général au bout de 2 générations, les habitants d’un endroit considèrent une espèce qu’ils ont vu là depuis tout petits comme faisant partie du paysage…

Les habitants ont du mal à considérer comme exotique une espèce présente depuis deux générations, ce qui est peu à l’échelle des espèces. Cela pose néanmoins d’autres questions car les gestionnaires d’espace à protéger opèrent une distinction entre les espèces endémiques et les espèces introduites et exotiques. Ils mettent l’accent sur la protection des premières considérées comme patrimoniales. Pourtant, pour les populations locales, les espèces exotiques présentes depuis des années sont aussi importantes car associées à des usages, des souvenirs et des histoires. Elles ont une valeur affective. Tout ceci pose question sur la manière de protéger la nature car on ne peut y arriver qu’avec l’adhésion de la population.

Alors que l’exemple du chat, avec toute sa complexité, semble montrer une contradiction entre le bien-être animal et la préservation de la biodiversité sauvage. Ces deux approches peuvent pourtant se rejoindre. Cela a notamment été le cas dans la dénonciation de l’élevage intensif depuis 3 décennies.  Qu’en pensez-vous ?

La lutte contre l’élevage industriel est typiquement l’exemple d’une convergence des luttes entre deux éthiques différentes car il est possible de s’y opposer par refus de la souffrance animale ou bien parce que la destruction de l’environnement apparaît comme insupportable moralement. Avoir deux éthiques différentes empêche nullement d’avoir un objectif commun.

« Avoir deux éthiques différentes empêche nullement d’avoir un objectif commun. »

En termes de protection de la nature, à voir les questions éthiques et les différents statuts que peut avoir un animal tant sur le plan de son appartenance sociale ou juridique, est-ce que la notion d’espèce est encore un critère suffisant ?

La notion d’espèce reste très importante en biologie. Néanmoins, le critère espèce ne représente qu’un niveau, le plus facile à comprendre pour les médias, les juristes et le grand public. Car, dans la réalité, l’impact et les usages d’une espèce varient dans le temps et dans l’espace. Il y a une diversité supra spécifique, c’est-à-dire au sein des communautés d’une espèce et des écosystèmes, et une diversité infra spécifique au niveau génétique et physiologique. Donc, au niveau juridique, se baser uniquement sur le critère espèce se montre insuffisant.

« Au niveau juridique, se baser uniquement sur le critère espèce se montre insuffisant. »

Ne faudrait-il pas alors créer des sous-groupes plus spécifiques selon les contextes et objectifs de protection ?

Les Australiens ont mis en place une législation différenciée pour les chats. Même s’ils appartiennent à la même espèce, selon le contexte leur situation et statut de protection varie.

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Qu’est-ce que passer par les sciences sociales a apporté à votre compréhension de la nature et du vivant ?

Cela m’a apporté énormément de choses en ouvrant mon regard de biologiste et d’écologue sur d’autres phénomènes.  J’appréhende ainsi différemment les mouvements d’espèces notamment invasives, et leurs répercussions, je suis moins pessimiste. Car en sortant d’une approche purement biologiste, j’entrevois de nouvelles solutions à déployer pour faire face aux crises écologiques. Il convient de se demander comment les évolutions sociales peuvent aider à protéger la nature.

Avez-vous un dernier mot ?

À travers l’exemple du chat, je voudrais que les gens comprennent que nous n’avons pas tous les mêmes valeurs, la même morale, la même perception et les mêmes représentations des relations à la Nature. Dans une optique de protection du vivant, quand on n’est pas d’accord avec autrui, avant d’essayer de la convaincre du bien-fondé de sa position et le juger, il faut essayer de la comprendre. Comprendre ce que l’autre fait s’avère tout aussi important que les arguments qu’on expose parce qu’il faut arriver à dépasser nos différences. Y parvenir, au niveau individuel et collectif, sera une des clefs de la transition. Surtout qu’elle doit aussi parvenir à surmonter la différence que l’humain a bâti entre lui et le non-humain.

Propos recueillis par

Julien Leprovost

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Pour aller plus loin

L’article Protéger la nature ou protéger les animaux ? Les chats harets à la croisée des éthiques environnementales dans la revue Natures, Sciences, Sociétés

Le séminaire, en vidéo, Protéger la nature ou protéger les animaux ? La gestion des chats à la croisée des éthiques environnementales | Collège de France (college-de-france.fr)

Le site Internet du laboratoire ESO  Espaces et Sociétés (cnrs.fr)

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Un commentaire

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    • Wunder

    Accuser les chats pour détourner l’attention des dégâts bien pires causés par les pesticides… c’est bien pratique ! Quand Rachel Carson a écrit le Printemps silencieux, elle ne parlait pas des chats !