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Le premier service commercial de stockage du CO2 prend forme en Norvège

Ministre norvégien site stockage CO2

Le ministre norvégien de l'énergie Terje Aasland (C) visite le site de stockage et transport de CO2 de The Northern Lights, le 26 septembre 2024 à Oygarden, près de Bergen, dans le sud-ouest de la Norvège. © AFP Jonathan NACKSTRAND

Øygarden (Norvège) (AFP) – Dernière ligne droite avant le coup d’envoi du « premier service commercial de transport et de stockage de CO2 au monde », la Norvège a inauguré jeudi la porte d’entrée d’un vaste cimetière sous-marin de dioxyde de carbone.

L’idée? Enfouir sous le plancher océanique, moyennant paiement, du CO2 capté à la sortie de cheminées d’usines en Europe et réduire ainsi les rejets dans l’atmosphère, néfastes pour le climat.

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Dans la municipalité insulaire d’Øygarden, une pièce essentielle du puzzle vient d’être mise en place: le terminal terrestre et ses 12 grandes citernes métalliques flambant neuves, prêtes à recevoir du CO2. Tout autour, un enchevêtrement de tuyaux, dont l’un, de taille modeste, s’enfonce dans la mer du Nord.

C’est ici que le CO2, préalablement liquéfié, sera acheminé par bateau, puis injecté, à 110 kilomètres au large, dans un aquifère salin à 2.600 mètres sous les fonds marins.

Porté par les géants pétroliers Equinor, Shell et TotalEnergies, le projet Northern Lights devrait enfouir ses premières tonnes de CO2 en 2025.

Sa capacité de stockage annuelle sera initialement de 1,5 million de tonnes, avant d’être portée à 5 millions de tonnes, si la demande suit.

« Northern Lights est un projet qui démontre que le captage et le stockage du carbone est une solution techniquement faisable. C’est donc un des leviers que nous pouvons utiliser aujourd’hui pour avoir un impact sur le changement climatique », explique à l’AFP le directeur de Northern Lights, Tim Heijn.

Coût dissuasif

Complexe et coûteuse, la solution du CCS est soutenue par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), notamment pour réduire l’empreinte d’industries difficiles à décarboner telles les cimenteries ou la sidérurgie.

La capacité totale de captage de CO2 n’atteint aujourd’hui que 50,5 millions de tonnes (Mt) dans le monde, selon l’Agence internationale de l’énergie. Soit 0,1% des émissions annuelles mondiales.

Pour contenir le réchauffement planétaire à 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle, le CCS devrait empêcher au moins 1 milliard de tonnes d’émissions de CO2 par an d’ici 2030, estime l’AIE.

Le développement de cette technologie encore embryonnaire est freiné par son coût dissuasif par rapport, par exemple, à l’achat par les industriels de quotas d’émission de CO2, et dépend largement des subventions.

« L’aide publique a été et restera cruciale pour aider des projets aussi innovants à aller de l’avant, en particulier vu que les coûts du CCS demeurent plus élevés que les coûts des émissions de CO2 en Europe », note Daniela Peta du groupe de réflexion Global CCS Institute.

Dans le cas de Northern Lights, l’Etat norvégien a endossé, lors de la première phrase, 80% des coûts, lesquels restent confidentiels.

Avec ses gisements d’hydrocarbures épuisés et son vaste réseau de gazoducs, la mer du Nord est une région propice à l’enfouissement de CO2.

Plusieurs autres projets de stockage sous-marin progressent en Europe, dont Greensand développé par Ineos et 23 partenaires au large du Danemark et qui prévoit de démarrer fin 2025 ou début 2026.

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Soupçons d’« écoblanchiment »

Northern Lights s’inscrit dans un projet plus ambitieux baptisé « Longship » — du nom des bateaux vikings — d’un coût total estimé à 30 milliards de couronnes (2,6 milliards d’euros), dont 20 milliards à la charge de l’Etat.

Celui-ci prévoyait aussi au départ l’installation de dispositifs de captage de CO2 sur deux sites en Norvège.

Si la cimenterie de Heidelberg Materials à Brevik doit bien expédier son CO2 l’an prochain, les surcoûts ont obligé à revoir les plans concernant l’usine de traitement des déchets de Hafslund Celsio à Oslo.

Northern Lights a aussi noué de premiers accords commerciaux transfrontaliers avec le producteur d’engrais Yara et le groupe énergétique Ørsted pour enterrer du CO2 en provenance d’une usine d’ammoniac aux Pays-Bas et de deux centrales à biomasse au Danemark.

Pas facile de décrocher des contrats quand le « permis de polluer » sur le marché européen des quotas d’émissions (ETS) reste à un niveau abordable pour les industriels.

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« Ce n’est pas très confortable pour nous (…) car ça signifie qu’on peut émettre des gaz à effet de serre et payer pour des quotas d’émission au lieu de chercher réellement une solution », souligne M. Heijn.

« Ce qui changera véritablement la donne, c’est si nous pouvons mettre cela en oeuvre à grande échelle », ajoute-t-il. Et pour cela, « nous devons avoir un nombre suffisant d’émetteurs qui décident avec nous que c’est la voie à suivre ».

Du côté des défenseurs de l’environnement, certains s’inquiètent qu’une telle technologie serve de motif pour prolonger l’exploitation des énergies fossiles, qu’elle détourne de précieux investissements des énergies renouvelables ou encore des risques de fuite.

« Northern Lights est de l’écoblanchiment », dénonce le chef de Greenpeace Norvège, Frode Pleym, soulignant que le projet était conduit par des compagnies pétrolières.

« Leur objectif est de pouvoir continuer à pomper du pétrole et du gaz. Le CCS, l’électrification des plateformes et les mesures de ce genre sont utilisés de manière cynique par l’industrie pétrolière pour éviter de faire quoi que ce soit avec leurs énormes émissions ».

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Des récriminations rejetées par le ministre norvégien de l’Energie.

« L’alternative, c’est de ne pas parvenir à relever les défis climatiques, ou que l’industrie doive mettre la clé sous la porte », a déclaré Terje Aasland à l’AFP. « Cette alternative n’est pas du tout souhaitable ».

© AFP

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