Vendanges calamiteuses dans l’Aude où la sécheresse « tue la vigne »

Vendanges catastrophiques dans l'Aude

Un vignoble touché par la sécheresse à Leucate, dans l'Aude, le 23 septembre 2024 © AFP Matthieu RONDEL

Leucate (France) (AFP) – Les feuilles cramoisies, rougies par le soleil et le manque d’eau sont accrochées aux souches anémiées de la vigne, et le tableau désespérant conforte Nicolas Castan, vigneron à Leucate dans l’Aude, dans son idée d’« arrêter » le métier à l’heure de nouvelles vendanges catastrophiques.

« Jusque-là, je ne comprenais pas que des agriculteurs se suicident, maintenant si », lâche ce propriétaire d’une centaines d’hectares, 42 ans, la gorge serrée.

Installé depuis 2005, il a vu ses rendements chuter au fil des ans: « 3.000 kilos par hectare », « 9.000 avant ». L’an dernier déjà, les 135 vignerons adhérents de la cave coopérative de Leucate pensaient « avoir touché le fond » avec « une récolte de 50% » par rapport à la moyenne, selon Lilian Copovi, président de la cave locale.

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Cette année, les premières récoltes déjà maigres, vidées par les tracteurs qui s’enchainent devant les grandes cuves de la cave, annoncent une perte de 70%.

Dans cette zone du littoral audois, « la vigne meurt », résume Frédéric Rouanet, président du syndicat des vignerons du département, qui parle pour cette année de « perte du siècle ».

Marchant sur la terre craquelée entre les souches chétives, Nicolas Castan s’inquiète du paysage devenu « désertique ». Ici, « la réverbération du soleil sur les cailloux l’été donne des températures proches des 45 degrés » tandis que seulement « 200 millimètres d’eau sont tombés l’an dernier. Au Sahara, c’est 250 ! », s’alarme le vigneron.

Arracher et vendre

Dans une situation « psychologiquement et financièrement compliquée », le vigneron compte se reconvertir après avoir arraché et vendu, « si possible », une majeure partie des terres héritées de son grand-père, ne gardant « qu’une dizaine d’hectares », dit-il les yeux humides et la voix tremblante.

A quelques kilomètres de là, sur fond de cyprès morts et près d’un figuier déplumé, Alain Gleyzes, président de l’Appellation d’origine contrôlée (AOC) Fitou, est assis au volant de sa machine: il tente de vendanger une de ses vignes.

Mais certains raisins, devenus secs, tiennent toujours à leur pédoncule: par manque d’eau, « ils sont tellement petits et légers » qu’ils n’ont pas le poids nécessaire pour tomber face aux vibrations de la machine.

Sur ses 65 ha, 35 sont devenus « économiquement inexploitables », dit celui, qui, en 43 ans de métier n’a « jamais vu » une telle sécheresse. « On arrive à la limite de ce que peut supporter le végétal ».

Face au désastre, « tout le monde parle » de nouvelles cultures, comme « l’aloe vera ou la pistache », peu consommatrices d’eau, mais un minimum est toujours nécessaire, insiste M. Gleyzes.

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Changement climatique accéléré

Dans ce coin est de l’Aude, « on observe un changement climatique très important », « de long cours », mais en accélération « ces cinq dernières années », explique Laurie Schneider, cheffe du service eau et changement climatique à la chambre d’agriculture de l’Aude.

Cette année encore, les pluies printanières n’ont pas permis « de rehausser le niveau d’humidité des sols », ni « des nappes phréatiques pour trouver une situation normale », détaille-t-elle.

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Dans les Pyrénées-Orientales, département chroniquement le plus sec de France ces dernières années, les viticulteurs sont logés à la même enseigne, face à une pénurie d’eau « de plus en plus sévère », témoigne Patrick Mauran, président de la cave coopérative de Terrassous, au sud de Perpignan, qui enregistre une perte de rendement de 50%.

Le 16 septembre, les viticulteurs locaux ont fait part de leur désespoir au préfet. Même les plantes « résilientes comme les vignes ou les oliviers ont du mal à pousser chez nous », constate M. Mauran.

Pour beaucoup de vignerons, l’arrachage est devenu la seule issue possible.

Mi-septembre, la France a soumis à la Commission européenne un dispositif doté d’une enveloppe prévisionnelle de 120 millions d’euros, prévoyant une aide à l’arrachage définitif pouvant atteindre 4.000 euros par hectare et qui permettrait de couvrir 30.000 hectares.

Mais le délai nécessaire pour l’approbation du plan « n’est pas bon du tout », se lamente Nicolas Castan, qui ajoute, amer: « La viticulture chez nous va disparaître, alors que c’était la principale économie de notre région ».

© AFP

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